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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 19:56
Lors de l'exposition Simonne Roumeur - Monique Oblin-Goalou accueille des groupes scolaires

Lors de l'exposition Simonne Roumeur - Monique Oblin-Goalou accueille des groupes scolaires

Présentation de l’exposition : Des secrets et des rêves

Le Relecq-Kerhuon du 12 au 18 mai 2014

Présentations : Nous nous retrouvons aujourd’hui autour de cette exposition pour découvrir le travail de Simonne Roumeur. Simonne Roumeur a peint 537 tableaux et écrit plus de poésies encore ! Les poésies et les images de Simonne Roumeur vous sembleront peut-être familières. Si elles vous semblent étranges, je vais vous donner quelques clés pour mieux les aborder.

Simonne Roumeur vivait au Relecq Kerhuon. Elle s’occupait de ses enfants et avait des engagements à la mairie. Suite à une maladie, elle se met à peindre et composer des poèmes. Les activités à la mairie, le service social ne sont plus possibles.

Durant cette conférence, je vais vous parler du Docteur qui suivait Simonne Roumeur. (Je n'ai pas gardé le nom du Docteur. Je fais cela à sa demande car il ne désire pas trop se mettre en avant. Mes conférences l'intéressent mais je me tourne vers la démarche artistique de Simonne qui cherchait à vivre au milieu des autres. Le domaine médical qui entourait Simonne Roumeur est important. Je l'aborde comme des clés de réflexion. Mais je ne connais pas la démarche exacte du médecin. Simonne avait de gros problèmes de santé et le Docteur l’a aidée à réorganiser sa vie. Il lui a conseillé des lectures pour lui permettre de trouver naturel de s’exprimer. Par cette démarche de connaissance que fera Simonne Roumeur, nous rencontrons avec elle des auteurs célèbres. Je vous parlerai plus particulièrement de Lao-Tseu qui est un sage de Chine, de Carlos Castaneda qui s’intéresse au pouvoir des rêves et à l’importance de l’homme dans la nature, Hélène Cixous un écrivain qui s’intéressait au rêve pour se souvenir de son père décédé[1] quand elle était enfant. Elle décrit les hyperrêves qui l’inspirent pour ses romans. Nous verrons que les rêves cherchent à dévoiler des secrets que nous tenons cachés au fond de nous car nous ne pouvons pas les partager. Marcel Pagnol dans Le temps de secrets et Le temps des amours[2] reprend ce thème de la difficile découverte des relations aux autres et de l’importance de la discrétion. Mais il existe des moyens de partager les sentiments sans les dire ouvertement. Où les secrets et les rêves se rencontrent-ils pour pouvoir partager avec les autres sans trop en dire ? (Les secrets son appelés inconscient. Ils sont secrets pour les autres et secrets aussi à notre conscience. L’inconscient est ce qui échappe à la raison selon Descartes. Pour Leibniz, il se constitue de toutes les fonctions sensibles et vitales qui animent notre corps sans que nous en ayons conscience. L’inconscient est actuellement l’objet de la psychanalyse. Pour les artistes contemporains, l’inconscient est la grotte, source des rêves). (la conscience relève de la raison et de notre responsabilité, de nos engagements).

1 Le thème du rêve (Simonne Roumeur s’est inspirée des motifs du rêve présents dans l’œuvre initiatique de Carlos Castaneda : les animaux, l’aigle, les oiseaux… Glossaire n°185 et n° 107 Au jardin d’enfant.

L’inconscient, cette partie mystérieuse de nous-mêmes apparaît dans les rêves au travers d’images énigmatiques. Il arrive de rêver de loups, d’araignées… que l’on vole comme un oiseau…etc.

Simonne Roumeur a utilisé ses nuits pleines de rêves. La Bretagne est un pays de mer, de voyages, de contes et une terre d’imaginaire. Les pierres, dolmens et menhirs se dressent vers le ciel mystérieusement et font rêver entre le bleu de la mer et les hivers favorables à la rêverie. Les mythes et légendes de Bretagne témoignent de l’importance du rêve. Les rêves servent à protéger notre sommeil. Ils permettent de faire durer le sommeil même si nous sommes entourés de bruits, de lumières ou de sensations qui incitent à l’éveil. Mais les rêves expriment aussi nos angoisses. Les rêves sont mystérieux. Ils sont difficiles à interpréter. La conscience cache le message du rêve derrière des images énigmatiques du rêve et parfois effrayantes dans le cas des cauchemars.

Simonne Roumeur m’a parlé d’Hélène Cixous et des Hyper rêves. Un « hyperrêve »[3], pour reprendre, avec Simonne Roumeur, une expression de l’écrivain Hélène Cixous, se différencie du rêve que l’on oublie, par la puissance des détails qui restent gravés dans la mémoire au réveil. Le journal de Simonne Roumeur[4] montre des rêves et des « hyperrêves ». Ils sont issus des rêves lucides qui apparaissent entre l’éveil et le sommeil. Le mot hyperrêve est utilisé dans la littérature par Hélène Cixous mais ce n’est pas un mot scientifique.

Carlos Castaneda est un auteur américain inspiré par les philosophies indiennes d’Amérique et la nature. Il observe les existences qui l’entourent, les animaux, les plantes, le vent... Il cherche l’Esprit et le contrôle de soi. Il s’intéresse au rêve pour le rendre clair et utile à la vie, pour se connaître. « Mais qui sait ? Nous sommes tout aussi mystérieux et effrayant que cet incommensurable monde, donc qui pourrait savoir de quoi tu es capable ? »[5]. La connaissance et l’observation permet de réaliser ses désirs dans le respect de notre entourage et de nous même. « L’astuce pour apprendre à élaborer le rêve n’est pas, c’est évident, de simplement regarder les choses, mais de retenir leur vision. Rêver est réel quand on réussit à tout amener à devenir clair et net. Alors il n’y a plus de différence entre ce que tu fais quand tu dors et ce que tu fais quand tu ne dors pas, […] »[6] le travail de l’abeille, le serpent, l’âne leurs modes d’existence constituent le rêve. Ils sont des devenirs présents en nous.

Comme Simonne Roumeur se retrouve fragilisée par la maladie, elle réorganise sa vie, chez elle, autour de la poésie et de la peinture. Elle réinvente un monde imaginaire pour décrire les pensées et ses rêves qui accompagnent sa maladie. Elle cherche ce qu’il y a de commun d’universel entre sa pensée et les pensées humaines cela afin qu’elle et ses jeunes enfants n’aient plus peur de leurs rêves et pensées, et sachent ainsi les dominer. Cet objectif maternel est en réalité universel. Et nous sommes tous les enfants de Simonne Roumeur quand nous regardons ses œuvres. Elles ouvrent les portes de l’inconscient ce que nous n’osons pas dire et même nous dire à nous même. Ces portes s’ouvrent non pas pour tout dire mais pour prendre conscience de nos inquiétudes et les dépasser.

Dans les tableaux, des rébus montrent la nécessité de prendre son temps pour entrer dans le secret du rêve rappelant aussi que le rêve associe des sonorités pour former des mots cachés que la conscience refuse. Le spectateur a une démarche active devant chaque tableau.

2 La maladie N°491 Sein-Tabernacle : L’an s’achève, l’an commence. Le vivre fût désir bondé d’espérance. Ce cadeau hors pair Estompe bien des misères. La violence des sentiments S’effiloche au fil du temps. Bousculée par la tempérance Elle cède place à la constance / De la Vie. D’auguste dimension Elle donne libre cours aux émotions. Il en faut des réserves, Une moisson de sève, / A l’Esprit au diapason De notre guérison. Rabibochés, au fond de mon Eglise Il m’offre ses bons offices. / Et du plus reculé des Temps L’Ancêtre spirituel Investi les flancs De mon Edifice intemporel. / La Pensée vide, L’énergie intrépide Messire singe, sans tralala, Harnaché en prélat / S’attache à réhabiliter Mon sein par le mal scalpé. Entièrement relouqué, Ventru de spiritualité / L’atout de ma féminité, Nourriture d’Humanité Est réceptacle Divin. Sein-Tabernacle.

A Pourquoi utiliser les mots tabernacle, Eglise, spiritualité ? Le corps est quelque chose de sacré. Le corps est le temple de notre esprit. Il est important de le respecter et le soigner. Sans son corps rien n’est possible. Les plis spirituels de la prière, le chant, le geste de s’assembler, la bougie qui concentre l’attention viennent renforcer le propos sous jacent au mot tabernacle.

B Dans l’ensemble de l’œuvre de Simonne, je vais m’arrêter sur deux maladies. La première semble être une intoxication à un produit chimique qui se traduit par de la fatigue liée à un mauvais sommeil, un manque d’énergie, de l’immunodéficience c.à.d. moins de défenses dans le corps. Le corps ne se protège plus des maladies et cela va jusqu’à menacer la vie de Simonne Roumeur. Simonne Roumeur va lutter contre cette mauvaise résistance grâce à l’étude de ses rêves. Elle préfère agir ainsi que de prendre des médicaments contre le stress. Avec l’aide du docteur, elle va apprendre à rêver. Elle utilisera pour cela la sagesse de C. Castanéda qui contrôlait ses rêves, les dirigeait, et la démarche d’Hélène Cixous qui faisait revivre dans son esprit ceux qu’elle aimait.

Le travail artistique et poétique de Simonne Roumeur provient de ses rêves et du travail pour surmonter les rêves. Le matin Simonne Roumeur note sur un brouillon tous les détails de ses rêves. Ensuite elle peint et écrit des poésies à partir des images des « hyperrêves » et à partir des mots dont elle se souvient. Ses poésies font entre 30 et 150 strophes. Ensuite, André et Simonne Roumeur choisissent quelques strophes à imprimer sous les tableaux.

Une deuxième maladie apparait au bout de quelques années, le cancer. Simonne va avoir un cancer du sein. La peinture va lui permettre de vivre avec sa douleur, de partager cette douleur avec son médecin pour se soigner. La poésie sein tabernacle expose la vertu des femmes pour l’allaitement, qui spirituellement correspond au désir de l’âme de transmettre la sagesse, de donner. Toutes les âmes homme et femme ont ce pli féminin, cette vertu de transmettre. (Dans le monde de l’âme, il n’y a pas d’hommes et de femmes ni d’enfant mais « des états du moi » selon l’expression d’Eric Berne[7] qui a inventé l’analyse transactionnelle). Les seins nourriciers sont une image archétype[8]. Le tabernacle permet d’entrer dans l’iconal, il donne à l’icône du sein l’importance du pli de la richesse féminine.

Simonne Roumeur s’exprime au travers de sa maladie dans son poème pour dire son bonheur d’écrire des poésies et de peindre, de partager la richesse de ses pensées et études. Mais elle utilise aussi la difficulté de ses relations comme le bourdonnement des réunions communales pour dire sa féminité et les difficultés qu’elle a rencontré dans sa vie et ses projets. Elle utilise aussi ses relations pour faire des portraits comme Voilier[9] ou Singes primates dire son inquiétude de mère comme Mon coq (n° 14) où l’on voit ses enfants dans son cou.

3 Le bourrier et le superflu (Projection de Tas de Bourrier n° 301) (ou n° 288 Basilic)

Le Basilic est un meuble héraldique (serpent roi). Il apparait mi dragon, mi serpent. Il tue avec ses yeux et le miroir peut le tuer par réflexion selon Aristote[10]. Dans l’antiquité, ce serpent imaginaire possède un venin mortel avec pour seul antidote les larmes du phénix. L’étymologie du mot basilique dérive d’un mot grec « basiliskon » qui signifie roi. Le basilic, le roi des serpents, vient du sang tombé de la tête de la gorgone Méduse celle qui fige dans la peur ceux qui la regardent. Le meurtre du dragon est un emblème de la Chimie au Moyen-âge. La mort du dragon permet de vivre. Les plantes vont pousser sur les restes du Dragon.

« Porté par l’audace, mon regard, Du bleu du ciel perce le noir Et débusque dans un déclic Un monstre basilic. » in Basilic.

Simonne Roumeur a peint un gros lézard vert et du basilic. On retrouve ici le jeu de mot avec le mot basilic qui rappelle la basilique l’Eglise. Dans le monde romain la basilique est un lieu de rencontre, un lieu profane le lieu du discours politique et religieux. La mort du dragon est l’image de la reconstruction d’un lieu de rencontre à reconstruire selon sa personnalité pour oser s’exprimer. S’exprimer permet aussi de construire un lieu où rencontrer les autres. Un lieu qui ne soit pas en négation avec soi-même mais au contraire le personne accueillante est le lieu de la relation. Dans Opéra n° 289, on trouve le mot basilique comme un aboutissement :

« De mon enfant-roi Et en mon âme se déploie Pour une chevauchée fantastique Au cœur de ma basilique. »

Le rêve a réuni des sonorités et le monstre basilic fuit pour laisser la place à la basilique au roi. La basilique Romaine est le portique du roi « basileios ». La basilique désigne les portiques qui bordaient l’agora. La basilique était le lieu où siégeait l’archonte-roi qui exerçait un rôle politico-religieux dans la cité. Avant la chrétienté la basilique a un rôle profane et sacré. Dans l’Église, la basilique est un lieu où les chrétiens viennent nombreux en pèlerinage pour vénérer Jésus, la Vierge ou encore un saint. La basilique est un lieu d’accueil. Ainsi à Quimper, la cathédral a aussi un rôle de basilique. Elle accueille ceux qui viennent déposer du pain dans la corbeille de saint Du (santic Du en breton).

L’œuvre tas de bourrier décrit l’importante étape d’oser s’exprimer. Pour être libre d’écrire, il est important de se débarrasser des peurs de l’entourage familial, amical religieux ou professionnel. Le Docteur qui accompagne Simonne Roumeur va lui conseiller amicalement des lectures qui vont l’aider à surmonter ces oppositions plus ou moins avouées, tacites ou, imaginaires. Il va lui conseiller des recherches généalogiques pour tenter de retrouver les secrets de famille[11], dépasser le non-dit. Ce sont autant d’occasions de faire revivre le passé rural de la famille et les souvenirs d’enfance, « nettoyer son dedans » comme le dit Simonne dans Atelier – chapelle n°413, s’imposer pour pouvoir réunir dans la bâtisse achevée. Avoir pris conscience des difficultés de notre famille permet de prendre conscience des difficultés de la vie. Le dragon est la peur des ragots qui bloque notre audace et le courage de s’exprimer. Ces difficultés sont celles de l’humanité. On les découvre dans la famille mais ce sont celles de tout le monde.

L’art a été le moyen pour chacun d’exprimer sa révolte, de dénoncer les malheurs et les injustices. Cette démarche est aussi celle de la musique populaire comme le Fado au Portugal le jazz américain et ses complaintes issues des work songs et comme le Hip Hop[12]. Le slam[13] permet aussi au monde des silencieux de sortir de l’isolement et de l’oubli. La démarche du slam, et celle de Simonne Roumeur, se rejoignent autour de poésies car une soirée slam permet la déclamation poétique, la poésie sonore.

4 La poésie entre le dit et le non-dit

A Roi de la nature n°427, de l’Esprit, des esprits de la nature, du contrôle de soi et des rêves

A Roi de la nature

Poursuivre le quotidien à loisir Est mon profond désir. Consciente du risque qui rode en moi, Suivant la vague de mes émois, / Je m’en vais dire mon souci Au créateur de ma Vie. Le spécialiste en aspiration Des désordres internes de la maison, / Affable et sans artifice, M’introduit dans la matrice Visionner l’étendue infinie De régénération, par l’énergie, / De l’humain en péril de naufrage Sur la longue voie des sages. « Sèche les larmes de tes yeux L’eau infectée se purifie par le feu. » / Mon Enfant arrête le cycle dévastateur Programmé dans l’ordinateur. Sur la route du combattant D’instinct je suis mon inconscient. / Mon esprit vidé de peurs viscérales J’ai tickets-bonus pour ma Vie Délivrés par le roi de la Nature Pour que, vivante, ma création perdure. / Mésange bleue, porte le message Au grand Sage : Mon immense merci Pour le cadeau fait à ma Vie. / Belle, belle du présent Voguons, sereines et joyeusement Sur la route des troubadours Dispensateurs d’Amour.

B Manège Fête n° 61. Le singe, la mouche, la coccinelle, l’escargot, les moutons… L’humour et la simplicité permettent de transmettre une sagesse. Pour lutter contre l’inquiétude qui submergeait ses rêves nocturnes, Simonne a peint et écrit des poésies où se cachent les pensées qui accompagnent ses relations avec ceux qui l’entouraient. Un peu comme des contes, des fables, il en sort une multitude d’images poétiques, mentales et d’images peintes. Elles décrivent la chair de la pensée de nos relations au travers de métaphores d’animaux, comme l’abeille, les plantes[14], arbres et fleurs.

Choisir des petits animaux familiers comme personnages de contes nous fait entrer la sagesse dans la simplicité du quotidien. Les petits animaux ont des vertus comme dans les contes de La fontaine. La sagesse du serpent est de savoir utiliser son venin. La sagesse de l’oiseau est de savoir voler et cela inspire l’homme qui aime s’échapper par l’esprit dans le rêve, l’intelligence ou le spirituel… L’âne représente l’ignorance et l’humilité d’apprendre, l’aigle vole très haut et a une vue perçante etc. Ces vertus sont le virtuel de notre vie, ces vertus vont avoir des significations différentes pour chacun. (donner un exemple, comme le venin pour le serpent qui peut être vu comme sachant se faire craindre, faire peur aux autres, ou comme symbole de la médecine qui sait soigner à partir de substances dangereuses). En nous ces vertus existent et nous en prenons conscience de manière amusante en les découvrant chez les animaux. Le manège porte tous ces masques qui sont comme des personnages qui vivent en nous. Ils vont constituer les plis de notre esprit et ils reviennent comme des icônes dans l’œuvre de Simonne Roumeur qui en répertorie quelques uns dans Glossaires. Ils ne ressemblent pas toujours au rêve. Simonne les simplifie par rapport à la complexité des images des ses rêves qu’elle disait vivre en trois dimensions avec une puissance de détails inquiétante.

Le docteur avait suggéré à Simonne Roumeur de lire les sagesses taoïstes, le Tao-tö king dit que « Le dao jaillit comme une source unique […] demeure silencieux et vide. Il n’agit pas sur les êtres, mais laisse les êtres agir par eux-mêmes »[15]. Le dao (la sagesse et l’indicible) n’est pas séparable du shi (les contraintes de l’humanité). Il n’est pas bon que les rêves restent seulement des rêves. Il est nécessaire qu’ils entrent dans l’acte, la vie. Couper dans le rêve, en matérialise une partie. Le rêve ne peut pas entrer totalement dans la vie. Il est nécessaire de renoncer à une partie du rêve pour le faire exister.

Ses rêves lui sont étrangers et Simonne Roumeur les apprivoise en cherchant des ressemblances avec la pensée des autres, la pensée universelle. Elle découvre qu’elle n’est pas seule à associer ses pensées aux vertus des objets, des pierres précieuses ou dures comme les perles accrochent la lumière, des animaux insectes ou lapin, à des fleurs comme les orchidées, à des personnages. Elle lit Carlos Castaneda qui lui aussi se sert de la nature pour se dominer et se connaître :

« C’est une révolution. Considérer le lion, les rats d’eau et nos semblables comme égaux, voilà l’acte magnifique du guerrier. Pour en arriver là il faut du pouvoir. »[16] « Quant à l’observation du vent, ce devint une entreprise mystérieuse au point que mon corps tout entier semblait sentir les changements de direction avant qu’ils se produisent vraiment. J’avais l’impression de pouvoir détecter les vagues de vent par une sorte de pression sur le haut de ma cage thoracique, dans mes bronches. »[17].

5 Le secret Balançoire n°27 à propos de la disparition d’un enfant dans la famille

Le secret est un thème de l’œuvre de Marcel Pagnol Le temps des secrets, le temps des amours. Les enfants partagent la découverte de nouveaux sentiments, comme l’amour et la tristesse de la grand-mère de Marcel Pagnol qui apprend que son mari a aimé une autre femme. La solidarité et la discrétion entre générations, on ne dénonce pas forcément ses camarades par exemple. La maladie aussi demande de la discrétion.

Comment donc allier discrétion et écoute de soi et des autres ? L’œuvre de Simonne Roumeur est une image de l’alliance entre l’écoute de soi, l’écoute des autres et l’art et la poésie qui permettent de dire sans tout dire. La peinture de Simonne lui permet de prendre conscience de son cancer. Cette prise de conscience lui permettra de soigner son cancer. Elle ne voulait pas se plaindre. Simonne Roumeur ne voulait pas donner l’image de quelqu’un de malade. Elle se transforme en artiste pour dire sa révolte de façon allusive. L’apparition de la symbolique des seins dans ses peintures montre que la sensibilité de son corps a changée ce qui va alerter son médecin.

La poésie et l’image permettent d’éviter dans l’action de perdre du temps à tout expliquer. Les œuvres de Simonne Roumeur sont des expériences qui gardent leurs secrets. Elles assurent une sagesse intuitive de la vie. Et ceux qui sont concernés peuvent librement y trouver les éléments nécessaires à leur conscience.

« « Un chasseur de pouvoir observe tout, continua-t-il. Et chaque chose lui révèle un secret.

-Mais comment peut-on être certain que les choses disent des secrets ? » Je pensais qu’il aurait pu connaître une formule spécifique par laquelle on pouvait faire des interprétations « correctes ». »[18]

Le secret n’a pas d’explication. Tout expliquer est une perte de temps mais surtout cela peut gêner et devenir une indiscrétion. Simonne reprend les vertus des animaux, pour exprimer les vertus nécessaires à la révolution qui permet de trouver le courage de se soigner, de surmonter ses inquiétudes et de vivre pour les autres. Les images des rêves de Simonne Roumeur sont les mêmes que les nôtres. Mais ces images ne disent pas la même chose à chacun, à chacun ses secrets heureux ou malheureux. Les secrets se ressemblent car nous avons tous les mêmes malheurs maladies, perte d’un être cher, mauvaises relations avec un ami ou un professeur, mais chaque histoire est différente. La clé de la poésie ouvre l’âme et les pensées se transforment en insectes puis en personnages, en pierre transparente et dure comme l’obsidienne[19] et enfin en enfant dans l’unité retrouvée de la conscience de la souffrance qu’elle soit physique ou morale. L’esprit grandit dans la prise de conscience et la parole ou le dessin apparaissent ce qui permet à Simonne Roumeur d’offrir aux autres ses richesses imaginaires dans l’amour. Cela permet un partage respectueux où chacun ne se sent pas dépouillé ou blessé.

« Et tant a germé le blé Que la moisson est arrivée. Traversé par le grand mystère Transcende notre imaginaire. Dans sa cour la Dame Apporte la nourriture des âmes. Gonflée par le levain La montagne de pain Offre à ma petite ragaillardie Son entrée dans la Vie. De la foison d’herbes Nait le verbe. »[20] L’œuvre de Simonne agit en réconciliation, une alliance avec le monde au travers des résonances, le bleu de la mer, l’âne attentif avec ses grandes oreilles, l’abeille, l’arbre. Elle dénonce la souffrance des secrets de famille sans les dire, par des allusions. La balançoire (27) vide rappelle ainsi le drame de la mort d’un enfant dans la famille de Simonne.

Dans le film Carnaval de Marcel Pagnol, tout est dévoilé. Le mari trompé affiche son infortune avec une banderole écrite. Ensuite, sous le masque de la fête, les décors et déguisements, le fautif est démasqué. L’art, la fête, les masques sont entre le dit et le non-dit des occasions de dire l’indicible, une façon de dévoiler ce que la pudeur retient. Ce thème est aussi celui du tableau Mascarade de Félix Nussbaum de 1939[21]. A l’occasion de la fête de la reine Ester les juifs de 1939 expriment leurs angoisses dans des masques grotesques. La métaphore artistique dévoile le dramatique de notre humanité. De même l’humour noir permet de dire les angoisses.

Félix Nussbaum, Masquerade 1939, Felix-Nussbaum-House, Osnabrück

6 La femme : La femme n° 137.

Pour ton jour de fête Femme dresse la tête ! J’entre dans la ronde Des femmes du monde. / Partout au labeur, Beaucoup secouées de pleurs. Il y a pour moi énigme En plein cœur de cet hymne. Si je me souviens, Il n’y a pas si loin Où l’homme décrétait la femme Sans âme. / N’y aurait-il quelque part Un reste de croyance d’ignare ? Je vais immédiatement Prendre renseignement. / « Allô ! les cieux ? Dieu ?... » « Peux-tu m’expliquer Ce qu’il en est ? » / Tout au fond Je vois le paon : « Toi qui est femme, imagine ainsi ton âme ».

Les femmes ont quelque chose à apporter à la vie sociale et Simonne Roumeur le rappelle. En Bretagne, il existe des femmes célèbres comme Suzanne Besson artiste du matérialisme magique des années 70 et qui habitait le Relecq Kerhuon.

Simonne Roumeur ne connaissait pas Geneviève Asse. Geneviève Asse est née en 1923. Elle partage avec Simonne Roumeur son origine bretonne. Le bleu inspire Geneviève Asse. Ses tableaux sont bleus et expriment l’espace dans les formes géométriques.

Geneviève Asse, sa peinture cache un secret, collégiale Notre Dame de Lamballe.

Frida Kahlo (1907) est une artiste mexicaine qui suite à un accident de tram est restée immobilisée longtemps. Elle apprend à dessiner seule sur son lit. Comme Simonne, elle s’intéresse à la souffrance. Comme Simonne l’immobilité lui laisse du temps pour peindre et composer des poésies. Ses engagements, politiques, spirituels, et amicaux apparaissent dans ses portraits et autoportraits. Les vertus de son âme prennent aussi la forme d’animaux, où des symboles culturels de ses origines métissées européennes et sud américaines.

Frida Kahlo, L’étreinte amoureuse, 1949, Musée d’art moderne de San Francisco

Louise Bourgeois s’intéresse à la sexualité féminine, à la psychologie. Elle utilise ses émotions pour les traduire dans des œuvres d’art qui témoignent du point de vue de la femme sur le monde. Elle développe aussi des images qui correspondent aux angoisses et aux plaisirs de la femme. L’araignée, la cage, les linges[22], le petit enfant dans des linges, la maison, l’insouciance des vacances sont des images mentales qui correspondent à la sensibilité féminine de l’âme.

Conclusion

Edward Munch (1863-1943) a perdu de nombreux parents et relations pendant son enfance. Il faisait revivre sa famille dans des rêves. Il est, comme Simonne, un artiste du rêve. Son célèbre tableau le cri témoigne de sa révolte. Arthur Janov psychiatre a un jour entendu le cri d’un de ses patients (cri primal). Ce cri venait de tous les plis de l’humanité de son patient.

Adolescents : L’art comme le cri met en jeu l’ensemble de notre intelligence. La raison, les souvenirs et émotions, l’expérience et les premières expériences émotives de l’enfance. Les animaux parlent à notre enfance, nos instincts de préservation. En cela le cri ressemble à l’art engagé. Le thème du cri nécessiterait plus de développements entre appel de détresse, avertissement… L’art agit dans la prise de conscience et il permet de sortir de la solitude du cri. Le rêve reprend l’intelligence animale. Parfois, il lui donne un aspect terrifiant en reprenant ses vertus vénéneuses et tactiques des bêtes connues du cerveau reptilien. La puissance imaginale du rêve (imagination active) prend alors toute sa force pour exprimer les angoisses refoulées. L’intelligence est sollicitée dans sa totalité pour surmonter les barrières de l’inconscient. La mise en œuvre de l’iconal, de la simplification des détails par « l’imagination active »[23], permet un partage et une dédramatisation du rêve. Dans l’héraldique la simplification des meubles de l’image, des vertus, sert des objectifs de domination politique, de réunir des personnes morales. Dans l’œuvre de Simonne l’aigle exprime le désir de dominer son esprit dans l’existence, se connaitre et reconnaitre l’autre dans la charité.

La violence des hyperrêves ressemble à une révolte ou à un cri pour le cauchemar. L’hyperrêve s’accompagne parfois d’un cri. Dans l’œuvre Femme n°137 inspirée par la journée de la femme la lecture des brouillons de madame Roumeur montre des rêves de situation de vie où le mouvement des évènements décrit une réunion communale houleuse. Dans l’emportement des disputes les arguments envers les femmes n’étaient pas toujours loyaux. Un autre rêve montrerai un accrochage entre véhicules qui suggère peut-être des échanges violents. Ensuite apparait un hyperrêve[24] où l’âme féminine se dévoile dans la métaphore d’un pan dont les plumes sont déployées. Ici, la révolte se traduit dans un rêve agréable que Simonne Roumeur fait durer pour en retenir l’aspect esthétique nécessaire à l’expression plastique. Dans ce rêve la violence esthétique de la précision des détails est agréable.

(Adultes : Le cri est un archétype de l’entrée dans la vie. Le bébé en naissant crie pour pouvoir respirer et gonfler ses poumons. La théorie de la thérapie primale est de revivre une expérience de l’enfance comme le cri primal. L’art de Simonne Roumeur est un cri une révolte. Pour réaliser une expérience primale[25], il est nécessaire d’atteindre les trois niveaux de l’intelligence. La thérapie primale ne se fait plus mais la méthode de l’enfant intérieur continue à rayonner.

Le cri existe aussi juste avant de mourir ou dans le vertige de tomber. Le cri suscite l’effroi. Celui qui crie crée un repli où il se cachera. Le cri est une porte vers la disparition, la rupture d’un lien. Ce thème est figuré dans le film 38 témoins[26] de Lucas Belvaux. Le thème du cri rejoint le thème de la méduse, de l’effroi.

Comment sortir de la solitude du cri ? Comment oser s’exprimer ? L’art apprend à dire, écrire, montrer avec élégance ou violence respect d’autrui ou pas. L’art est-il un cri ou pour finir l’antithèse du cri un moyen de sortir de la solitude du cri ? ).

Simonne Roumeur utilise ses connaissances des vertus des animaux, de la nature, des pierres. Elle s’adresse à notre intelligence reptilienne de l’enfance, un peu comme dans le livre de la jungle où la famille de Mowgli se compose d’animaux.

(Adultes : Les artistes de l’art brut sont des marginaux extérieurs à la sphère culturelle. Des artistes se réuniront sous cette appellation pour s’opposer à l’art institutionnel, pour plus de liberté. Simonne Roumeur n’avait pas de formation artistique préalable. Elle peint d’abord pour se soigner et surmonter ses rêves. Avec le temps, elle met en œuvre des qualités artistiques et poétiques qui dépassent la dimension médicale.) Elle développe des capacités liées à ses lectures, à ses rencontres, à sa connaissance d’elle-même. Artiste de l’art brut pour être libre oui. Mais, cela me gêne de réduire cette artiste à l’art brut car elle lisait beaucoup faisait des recherches sur les mots et images présents dans ses rêves. Elle a été en dialogue amical pendant plusieurs années avec le docteur. Tout ce rapport à la connaissance la sépare de l’art brut). Elle porte en elle un fort engagement sur l’âme, l’Esprit, la relation entre la terre immense de l’esprit et son rayonnement sur le sensible dans l’art. Simonne est une artiste de l’âme pour reprendre les vers de sa poésie la femme.

Le rêve sert à prendre conscience des difficultés que nous avons voulu nous cacher à nous même pendant la journée, mésententes… Quand nous avons peur, quand nous sommes tristes, nous cachons ces sentiments et, ils apparaissent dans les rêves. Ces sentiments font parfois honte comme les désirs de la rencontre avec d’autres ou de l’amitié ou d’un bien matériel… qui se traduisent alors dans le rêve. Il est heureux que le désir apparaisse dans le rêve car, la prise de conscience permet de contrôler le sentiment et de l’utiliser pour se motiver dans le travail ou dans la recherche de ses relations aux autres. Quand la conscience connait le désir qui nous habite, alors il est possible d’éviter la jalousie qui est une dérive dangereuse du désir. Et si le travail est impuissant, la sublimation du rêve peut permettre de créer des mythes et légendes où rêver et faire rêver notre entourage en espérant ainsi progresser ensemble. Blanche Neige, Peau d’Âne n°62, cendrillon, la princesse et le crapaud, le chat botté, le petit poucet… sont autant de contes qui aident les adolescents face à la découverte de la difficulté des relations, face aux secrets douloureux de nos souffrances cachées. Les œuvres de Simonne Roumeur reprennent les contes qui disent ce que nous n’osons pas nous dire. Mais quand nous avons compris que ces difficultés sont celles de tous les humains, il est plus facile d’accepter nos fragilités, d’aider et de parler avec les autres sans les blesser. Le chien noir[27] des rêves symbole de misère mange tous nos soucis dans un renversement. La prise de conscience de l’universalité de ses rêves peut rassurer l’adolescent inquiété par l’étrange violence de certains cauchemars.

Les œuvres de Simonne sont des métaphores dans le sens de Jean Bruller dans Le Silence de la mer[28]. Il publie ce livre sous le nom de Vercors en 1941 aux Éditions de Minuit qu’il venait de fonder. Les sentiments se cachent dans l’œuvre de Simonne Roumeur pour pouvoir continuer à vivre. Ils se cachent comme des ombres sur les parois de la grotte où sont retenus les prisonniers qui rêvent d’un monde libre. Dans chaque poème Simonne sort de l’ombre de la maladie et libère sa sensibilité pour retrouver la joie de vivre. Cette phénoménologie rappelle celle de Vercors résistant qui prit la métaphore poétique comme abri dans l’atmosphère de l’occupation. La phrase est citée à la fin du film Le silence de la mer de Pierre Boutron tourné pour la RTBF en 2004. Elle pourrait s’appliquer au travail de Simonne Roumeur : « Certes, sous les silences d’antan, - comme sous la calme surface des eaux, la mêlée des bêtes dans la mer, - je sentais bien grouiller la vie sous-marine des sentiments cachés et des pensées qui se nient et qui luttent ». L’œuvre de Simonne Roumeur démontre que le rêve est une composante de la prise de conscience des difficultés de nos relations. Il est nécessaire à la vie et à l’engagement dans l’existence. Les difficultés de sommeil de Madame Roumeur ont permis un important travail sur le rêve. Les éléments qui composent la rêverie, les archétypes et images mentales sont identifiables et se combinent pour former la symbolique du rêve. La combinatoire du rêve permet d’accéder à un langage universel dans lequel chacun peut vivre librement. Le symbole de la couleur, de l’image mentale d’oiseau ou autre s’adapte à chaque rêve pour être l’outil d’un message toujours différent suivant le contexte. Ainsi le jaune du sein de Ma prière n° 494 fait référence à la maladie. Le jaune, du personnage du roi-soleil symbole du père[29], suggère l’analogie avec le feu, le dynamisme et l’esprit lumineux.

Plan : Présentations, 1 Le thème du rêve, 2 La maladie, 3 Le bourrier et le superflu, 4 La poésie entre le dit et le non-dit, 5 Le secret, 6 La femme, Conclusion

Ce travail a pu trouver un aboutissement dans la mesure où j’ai pu exposer et partager avec la famille et les amis de Simonne Roumeur. Ces rencontres ont permis de corriger des erreurs et de compléter mon travail suite aux échanges et remarques des enfants et des adultes qui sont venus visiter l’exposition à l’Astrolabe au Releck-Kerhuon du mardi 13 au dimanche 18 mai 2014.

[1] « C’est un état de méditation active, d’invocation, d’appel. Cela n’a rien à voir avec une pratique magique… Le rêve ne connaît pas la contradiction. Il me dit : « Oui, ton père est mort mais il est vivant aussi puisque tu le vois. Il est vivant tout le temps de cette vie accordée. » J’éprouve une joie folle, mélangée à un intense chagrin. » « En général, on oppose tristesse ou joie, mémoire ou oubli, vie ou mort. Alors que la plus forte de nos expériences psychiques, le rêve, se passe là où les contraires se mélangent. » Hélène Cixous in Télérama 10 janvier 2007.

[2] Production : Jacques Nahum, Réalisation : Thierry Chabert, Le temps des secrets, Le temps des amours, téléfilms tirés des romans éponymes de Marcel Pagnol, tournés en 2006.

[3] Hyperrêve : les images mentales d’Hélène Cixous, ses descriptions montrent certains détails avec force. La peau malade de sa mère dans L’Amour du loup et autres remords que la narratrice masse au bord du dégout. La sensibilité exacerbée cache un fil rouge de la pensée, une violence. La sensibilité surmontée s’ouvre à une symbolique qui pourtant ne se dévoile pas mais reste virtuelle. Dans l’œuvre d’Hélène Cixous, l’hyperrêve décrit le deuil non pas pour oublier mais pour revivre la sensation douloureuse de l’absence ou le drame de la présence ténue d’un père tuberculeux. Dans cette sensibilité, la mémoire se fait plus poignante et plus forte, dans une surexistence. (Internet : le Deuil et la « permission » d’écrire dans les fictions d’Hélène Cixous, Martine Motard-Noar, McDaniel College, Été 2011).

[4] Pour garder le souvenir de ses rêves, Simonne les notait tous les matins dans un journal. Les rêves du 9 mars 1997 semblent liés par le thème de la femme et sont nés d’une angoisse pour l’un de ses enfants. Le n°4, et dernier rapporté, est un rêve lucide car Simonne décide de retourner sur l’image. Elle voit, avec force détails vivants, un oiseau image universelle de son âme angoissée par le souci des ses enfants. Le tableau 137 lie l’âme de la femme, le pli féminin, au souci de l’enfant. La beauté de l’image mentale, de l’oiseau, n’ont d’égale que la beauté des sentiments maternels. Simonne se rassure dans l’universalité de ses sentiments.

[5] Carlos Castaneda, Le voyage à Ixtlan, Éditions Gallimard, 1974, p. 141.

[6] Carlos Castaneda, Le voyage à Ixtlan, Éditions Gallimard, 1974, p. 140.

[7] Eric Berne : médecin psychiatre américain 1950-1970. Il invente l’analyse transactionnelle pour décrire les relations en entreprise. Trois types apparaissent adulte enfant, père enfant, mère enfant. En réalité les relations humaines en compte autant que de plis de la pensée.

[8] Archétype : en psychologie analytique, Carl Gustav Jung désigne par ce terme les images mentales et formes de représentations correspondant à un thème universel structure de la psyché ou pli de la psyché commun à l’humanité. Ces plis de toutes les cultures s’exprimeront au travers d’un langage symbolique variable.

[9] Simonne Roumeur, Voilier, Singes primates, n° 87, n° 88. Simonne a fait également des portraits de ses enfants.

[10] Jacques Albin, Simon Collin de Plancy, Dictionnaire Infernal, ou bibliothèque universelle, sur les êtres…, Librairie universelle de Pierre p. 328.

[11] Ce concept a été développé par Serge Tisseron in Secrets de famille mode d’emploi, Éditions Ramsay, Paris, 1996.

[12] Le hip-hop est un mouvement culturel et musical apparu dans le Sud Bronx à New-York dans les années 1970. Le hip-hop reprend les complaintes du Jazz. Musique sans instruments, les jeunes défavorisés inventent une musique accessible à tous. Cette démarche est en rupture avec le jazz inventé à partir du savoir faire de grands musiciens du negro spirituels et des work songs. Le hip-hop est issu des Block Party. Fêtes de quartier où l’on danse. Pour les danseurs les DJ (disc jockey) les ont inventé des morceaux assez longs pour que la danse puisse s’exprimer largement. Clive Campbell surnommé Kool Herc est le premier a avoir eu l’idée de brancher deux tourne-disque pour le même morceau afin de modifier le rythme…

[13] Slam a été mis en place en 1986 par un américain Marc Smith dans le but de rendre la déclamations de poèmes moins élitistes et moins ennuyeuses. La récitation est rythmée et accompagnée de mouvements du corps.

[14] S. Roumeur, Au royaume des fougères, n° 322, 23 08 2001.

[15][15] HUAINAN ZI, Du commencement du réel, Philosophes taoïstes, Gallimard, 2003, tome II, p. 64.

[16] Carlos castaneda, Le voyage à Ixtlan, Gallimard, 1974, p. 165.

[17] Carlos castaneda, Le voyage à Ixtlan, Gallimard, 1974, p. 168.

[18] Carlos castaneda, Le voyage à Ixtlan, Gallimard, 1974, p. 179.

[19] Simonne Roumeur, Obsidienne, n° 355, 29 07 2002. L’obsidienne est une pierre brillante et sombre. Elle est à forte connotation symbolique sa vertu de dureté suscite les images mentales, miroir chez les aztèques, taillée en couteau pour ouvrir le corps des morts chez le Egyptiens…

[20] Simonne Roumeur, …Nait le Verbe, n° 462, 09 05 2005.

[21] Félix Nussbaum, Masquerade 1939, Felix-Nussbaum-House, Osnabrück.

[22] L’enfant disparait dans les linges, le matriarcat et la « gynocratie », image mentale de Bruno Schulz dans La nuit de juillet in Schulz, Éditions Denoël, 2004, pp. 218-225.

[23] « je veux dire d’une part, l’état où l’âme, par suite de quelque infirmité des organes vitaux, est sollicité de venir en aide à la nature, et d’autre part l’état où elle reste en repos – dans ces deux cas, l’Imagination active domine les sens et elle projette librement images et empreintes variées dans le sensorium. » Sohravardî, le livre des rayons de lumière, L’Archange empourpré, trad. Henry Corbin, Fayard, 1976, p. 145. Cité et expliqué in Monique Oblin-Goalou, Résonances, Prologue, Paris : L’Harmattan, 2013, pp. 11-27.

[24] Hélène Cixous, Hyperrêve, Galilée, 2006, nb. Pages : 232.

[25] Arthur Janov découvre le cri primal et invente la thérapie primale. Arthur Janov distingue trois espaces dans le cerveau : le cortex cérébral en rapport au présent ; Le système lymbique : souvenir émotions ; le cerveau reptilien : enfance, naissance, rapport aux animaux, préservation de l’espèce, reflexes de survie…

[26] Lucas Belvaux, 38 témoins, cinéart, Belgique/France, 2011.

[27] Dans les contes des Monts d’Arrée le chien noir fait peur car il représente la misère. Simonne le retourne pour une prise de conscience de nos peurs. Le chien noir mange alors la misère.

[28] Pierre Boutron, Le silence de la mer, RTBF, 2004, inspiré par Vercors, Le silence de la mer et Ce jour là deux romans de Jean Bruller dont le pseudonyme est Jean Vercors.

[29] Dans Glossaire (185), Madame Roumeur réunit les éléments qui composent la symbolique des plis de sa pensée. Ces éléments ce répètent dans l’ensemble de son œuvre. Ils ont une dimension d’archétype.

Frida Kahlo, L’étreinte amoureuse, 1949, Musée d’art moderne de San Francisco

Frida Kahlo, L’étreinte amoureuse, 1949, Musée d’art moderne de San Francisco

Félix Nussbaum, Masquerade 1939, Felix-Nussbaum-House, Osnabrück

Félix Nussbaum, Masquerade 1939, Felix-Nussbaum-House, Osnabrück

Geneviève Asse, collégiale Notre Dame de Lamballe.

Geneviève Asse, collégiale Notre Dame de Lamballe.

A Roi de la nature n°427, de l’Esprit, des esprits de la nature, du contrôle de soi et des rêves

A Roi de la nature n°427, de l’Esprit, des esprits de la nature, du contrôle de soi et des rêves

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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 20:13

Projets

·         je désire lancer l’association : Liberté de rêve et liberté de raison, vivre en poète. Les connaissances de l’imaginal, de l’iconal, et l’importance de la rhétorique dans la transmission des savoir permettent d’éviter l’impasse d’un monde binaire.

  • faire reconnaître par la communauté scientifique le stade pompier en psychologie afin de lutter contre les messianismes criminels. J’aimerais pouvoir faire des conférences sur ce sujet. Le stade pompier se rapporte aux plaisirs de la relation à l’autre, le plaisir de donner, de rendre service, de partager un travail, une amitié, un moment de convivialité…

Association, des relations et des institutions : Ce projet d’association a pour fin de protéger les institutions en période de crise. Si l’on prend le sens  du droit romain du mot, institution a la même origine que les Institutes[1]. Un principe et donc une institution sont appelés à évoluer. L’institution considérée comme norme ou pratique est reconnue par la société légalement. Mais l’institution est aussi l’organisme. Dans ce cas, l’institution est  la personne morale destinée à maintenir les normes ou les pratiques. L’institution permet de défendre les droits des personnes qui en sont membres. Dans la relation sociale l’institution a un rôle fédérateur en étant le garant des relations sociales et de leur ordre en faisant respecter le Droit. Les relations entre les parents et les enfants, entre les enfants, entre les parents, sont sous la protection des institutions. Les liens entre les institutions permettent d’améliorer la place de chacun dans le tissu social.  Les institutions comme la famille protègent des liens naturels. Les liens entre le travail, l’enseignement, la famille, les soins médicaux, la justice… permettent d’éviter les  concurrences et existent par des liens interinstitutionnels. Or, les lois sociales montrent qu’il y a peu de souci de préserver ces relations entre les organismes sociaux. Le seul souci est l’intérêt individuel parfois contre ceux des autres et ceux des institutions.

Association du droit de vivre en poète avec la liberté de raison et de rêve. La raison et le rêve[2] sont-ils dissociés ? Les mondes de l’imaginaire : jeux vidéo, films, romans montrent l’importance de la crédibilité. Ils s’appuient donc sur la raison pour obtenir de la crédibilité auprès des auditoires, des spectateurs.  Ils peuvent constituer une source de sagesse ou d’accès à la connaissance par la raison et leur lien à la réalité de la vie. La dimension heuristique de l’art n’est pas sans conséquence sur le pacte fondamental qui régit nos sociétés. Les rêves nocturnes, pour durer, trompent les pensées en jouant aussi sur la crédibilité et la raison, les sonorités des mots, et les analogies... L’imaginaire et les images mentales des rêves servent à la prise de conscience des archétypes qui sont présents dans nos pensées et que nous partageons tous. Les mauvaises relations entre les enfants et les parents ou un isolement scolaire de l’enfant peuvent faire naître des images sadomasochistes, un intérêt pour le spiritisme, un désir de se tourner vers les morts... Le repli de la personne sans rôle, sans paternité et son isolement peuvent engendrer une dérive et une détérioration des images mentales parfois relayées par la littérature ou le cinéma d’horreur ou pornographique[3]. L’inaccessibilité du plaisir de la relation aux autres implique une recherche de plaisir sans l’autre dans une démarche de soi à soi. Pour lutter contre ce repliement de la pensée, cette association propose un travail sur l’image mentale afin que la personne puisse retrouver sa dignité dans la relation aux autres[4]. Soit dans une démarche de créativité personnelle tournée vers les autres, soit dans une démarche de partage des plaisirs, l’art, la littérature, la poésie… permettent de prendre conscience des soucis du monde et de la société mais aussi des difficultés de notre entourage proche ou lointain. Une relation peut renaître avec les autres. La liberté de pensée est liée à une maitrise des pensées, un travail sur soi, à un souci de la vérité et de l’amour[5]. La pratique du modelage favorable à la rêverie[6]est un exemple de travail entre la rêverie et la mise en œuvre. J’ai découvert ces nécessités en faisant des écoutes téléphoniques de personnes en difficultés dans le cadre de l’association chrétien à l’écoute[7] Bruxelles de 2008 à 2010.

 

Le stade pompier : A la fin du stade du miroir, l’esprit s’ouvre à la connaissance de l’autre et accepte le discernement de la différence. La compréhension de soi va au-delà de la prise de conscience de soi dans l’acceptation de l’autre. Dans la première démarche de se reconnaître comme différent existe une période de rejet de l’autre, d’intolérance. L’enfant s’identifie d’abord à ses parents puis à son entourage. La crise de l’adolescence est la difficulté de découvrir que les devenirs ne sont pas les mêmes que ceux des parents. En cherchant sa place, l’adolescent désire être reconnu en se rendant utile aux autres. Cet esprit pompier existe en chacun. Et il permet au jeune de se choisir une profession. Le désir de protéger son groupe d’appartenance, les souffrances des peuples au cours de l’histoire, les secrets de familles, peuvent transformer le stade pompier en intolérance. Les personnes morales, les groupes d’individus fédérés par un engagement commun peuvent entrer en opposition si l’esprit partisan est trop fort. Le droit d’association est une liberté qui relève du droit de chacun dans le respect des plis de l’humanité.


Résumés des publications significatives

Monique Oblin-Goalou,  Le Rhizome sous l’arbre le Virtuel au-delà des Images Lumineuses, Atelier national de reproduction des thèses, 2008 :

Comment penser la fécondité des images lumineuses des écrans numériques dites virtuelles ? Gilles Deleuze considère la notion philosophique de virtuel comme lieu de la conscience individuelle et collective de la personne.

Cette recherche est tournée vers la poésie et l’icône, instruments du dévoilement des virtualités de l’âme. Au moyen-âge, Avicenne[1] et Sohrawardi[2] découvrent les vertus de la lumière de l’intellect pour la sagesse. Ils sont à l’origine de la tradition des poètes de l’amour comme Attâr, Rûzbehân, Ibn’Arabî, ou encore Nezâmi …

Monique Oblin-Goalou interroge la réalité fragile d’œuvres comme celles de Benjamin Fry, de Graham Harwood, de Keith Cottingham, de Martin Wattenberg, de Peter Cho… L’alchimie amoureuse du calcul et de la sensibilité, la symbolique lumineuse du rayonnement, les sagesses de certaines animations interactives, les rhizomes des relations via Internet sont autant de concepts qui ouvrent et nourrissent les formes rigides des arborescences binaires.

 

Monique Oblin-Goalou, Résonances, L’Harmattan, 2013 :

Recueil de poésies sur le virtuel, l’amour, la machine, la conscience…

Préface de Monsieur Philippe Tancelin[3]

Le prologue reprend la recherche sur l’imaginal et l’iconal. Ces notions ont été mises en place par Henry Corbin[4]  et Geneviève Clancy pour l’iconal. Elles sont reprises dans le recueil de poésies pour leur donner une maturité plus forte et des devenirs dans nos relations actuelles.

 

Monique Oblin-Goalou, L’iconal dans l’œuvre de Geneviève Clancy, in L’ouvrage collectif sous la direction de monsieur Philippe Tancelin : À la rencontre de Geneviève Clancy, poète-philosophe, L’Harmattan, 2013, pp. 65-82.

Article publié pour célébrer  l’œuvre de Geneviève Clancy(1937-2005) : Docteur en philosophie, Poète et écrivain français, professeur d’université à Paris 1. Son travail poétique consiste à faire de la consubstantialité de la personne et du corps le moyen iconal de son engagement. Les atteintes physiques à la charité envers la personne sont le symbole de la persécution spirituelle. Les images mentales de l’enfant mort, de la pauvreté, de la faim symbolisent avec les persécutions spirituelles et la lutte menée contre la liberté d’expression et de conscience.

 

Monique Oblin-Goalou, L’ironie de Bruno Schulz, Cahier de poétique n°15, Paris 8, Philippe Tancelin CICEP, février 2010 :

Cet article compile les connaissances du milieu dans lequel vivait Bruno Schulz[5]. Il décrit la réalité dégradée[6] imposée au peuple juif par l’Allemagne Nazie qui rêve pour elle de réalité augmentée dans une esthétique Apollinienne.  Même si dans les persécutions la réalité dégradée est plus proche de la vie que la réalité augmentée des Nazis, l’histoire récente montre l’abomination d’enfermer un peuple, une famille, un individu dans l’échec.  Il est tout aussi grave pour un peuple de rester dans l’illusion de la réalité augmentée. L’esthétique de ces deux notions importantes est possible dans le déploiement de l’espace à n plus une dimensions de la vie  et ses multitudes entre l’appolinien et le dyonisiaque.  Entre les mondes virtuels idéalisés des écrans où le don de la vie est seulement un moyen de prolonger le jeu, et  la fragilité de la vraie vie, tout un monde de combinaisons possibles existe dans l’usage du numérique. Le rêve du jeu ou des simulateurs ne s’oppose pas à la vie. Il a des intérêts comme l’amélioration du geste, divertissement, partage de moments de convivialité, transmission de sagesses et de connaissances…

 

Monique Oblin-Goalou, Virtuel et nouvelles technologies, Cahier de poétique n°10, octobre 2004, pp. 183-185. Poésie concrète, art numérique les formes rigides du monde binaire semblent incompatibles avec les mouvements de l’âme. Comment penser les limites de l’image mouvement du numérique, Les automates[7] de Bernard Caillaud, dans la sphère fermée des possibles et l’image mentale ?

 

Monique Oblin-Goalou, Imaginal et arts numériques, Cahier de poétique n°14, novembre 2009, pp. 119-124, version éditée et version originale blog.

A partir de l’œuvre dansée Contraindre[8], cet article apporte une réflexion sur la réalité augmentée. Le geste, les battements du cœur de la danseuse entrent en résonances avec la programmation numérique. Il en découle une réflexion sur le geste, la confrontation entre les ordres de la création et de la relation, l’influence du décor.

 

 

Monique Oblin-Goalou, Le néoplatonisme au travers des lumières de Sohrawardi, Cahier de poétique n° 14, novembre 2009, pp. 81-85, en version éditée et en version originale blog.

Cet article décrit l’emboîtement des Intelligences entre l’homme et la divinité dans la vision néoplatonicienne du Shaykh al-Ishrâq Sohrawardi.  Il démontre l’importance pour toutes les Intelligences de n’omettre aucun ciel de la vie quand l’homme se tourne vers la divinité. Le risque serait de tomber dans l’idolâtrie métaphysique du monothéisme. « Cette multiplication théophanique préserve le monothéisme de tout aspect monolithique, sans lequel, comme les Ismaéliens l’ont très bien vu, le monothéisme dégénère en idolâtrie métaphysique. »[9]

 

Monique Oblin-Goalou, Pourquoi ne pas faire tomber les étoiles dans la terre ?, Cahier de poétique n° 11, décembre 2005, pp. 47-49. A partir des œuvres[10] de Martin Wattenberg qui travaille le lien entre les vibrations de la musique et l’écriture runique, la visualisation de la musique. L’article propose une réflexion sur la forme à partir de l’œuvre de Platon puis de celle de Gilles Deleuze. Les idées de Platon sont les formes de la matière de l’âme. Il est possible de les expérimenter et de les travailler dans le théâtre, la musique et l’art… pour connaître et travailler les vertus et les forces de notre pensée. « C’est seulement quand la matière est suffisamment déterritorialisée qu’elle surgit elle-même comme moléculaire, et fait surgir de pures forces qui ne peuvent plus être attribuées qu’au cosmos. Le constituant du composé sort de ces agencements pour en trouver d’autres et faire surgir de nouvelles terres toujours à décomposer. »[11] La réflexion pose également la question de la forme ouverte et de la forme fermée ou striée[12]. La première se décrit comme faisant lien avec les vertus ou forces de l’âme. Le symbole, comme alchimie rêveuse, fait lien entre les images mouvement issues des fonctions mathématiques à plusieurs variables et les rythmes de nos âmes.

 

J’ai pour projet de publier l’article Monique Oblin-Goalou, Le prisme, une esthétique des couleurs, à paraître dans le prochain Cahier de Poétique du CICEP.

Cet article propose une réflexion sur la couleur à partir de l’idée de prisme. Le prisme déploie les couleurs. Et de là, il apparaît que les logiques binaires et multiples ne s’opposent pas. La substance issue de l’observation et de la prise de conscience prend une nouvelle apparence avec la pensée moderne de Gaston Bachelard[13]. Mais déjà son observation et l’importance qu’il donne à la combinatoire se délitent face au souci contemporain du renouvellement des substances et de la prise de conscience des limites des ressources. L’observation retrouve, dans ce nouveau contexte, son importance. Sans éteindre l’importance des outils modernes, d’anciens outils comme le vitalisme se justifient à nouveau. Il se dégage une esthétique post-moderne et relativiste de la substance, de la matière et des relations. « un artiste ne peut pas se contenter d’une vie épuisée, ni d’une vie personnelle. On n’écrit pas avec son moi, sa mémoire et ses maladies. Dans l’acte d’écrire, il y a la tentative de faire de la vie quelque chose de plus que personnel, de libérer la vie de ce qui l’emprisonne. (…) Il y a un lien profond entre les signes, l’événement, la vie, le vitalisme. C’est la puissance de la vie non organique, celle qu’il peut y avoir dans une ligne de dessin, d’écriture ou de musique. Ce sont les organismes qui meurent, pas la vie. Il n’y a pas d’œuvre qui n’indique une issue à la vie, qui ne trace un chemin entre les pavés. Tout ce que j’ai écrit était vitaliste, du moins je l’espère… »[14]

 

 

Un article est paru sur le blog moniqueoblingoalou.over-blog.com. Monique Oblin-Goalou, Le stade Tintin ou pompier.

La conscience de l’autre et le respect des libertés passe par la prise de conscience dans le stade du miroir[15] du souci de ne pas s’isoler en hordes. La horde porte avec elle l’image de la violence. A partir des écrits de Sigmund Freud sur l’homme aux loups[16] apparaît une description du rejet social et du rejet de l’autre et de l’importance de ne pas s’isoler ou isoler quelqu’un des réseaux sociaux. Le plaisir du partage et de la découverte des différents codes dans l’étude des textes, des langues ou la découverte expérimentale de l’art est un des rôles de l’éducation intellectuelle. Par ces études et expériences sociales l’adulte peut ensuite s’exprimer et exister librement dans le respect de l’identité des autres.



[1] Avicenne (980-1037), médecin et philosophe, scientifique persan, le représentant de l’âge d’or oriental.Il est connu pour ses récits. Voir Henry Corbin, Avicenne et le récit visionnaire, Verdier, 1999.

[2] Shihâboddin Yahyâ Sohrawardi est né à Sohraward en 549/1155 (Calendrier hégirien et grégorien, il décapité à Alep en 587/1191. Molla Sadra le nommera « Shaykh al-Ishrâq » Ishrâq est le nom de la lumière de sagesse. Il rédige des discours en similitudes de ses traités et récits L’Archange empourpré, trad. Henry Corbin, Fayard, 1976 ; une sagesse Le livre de la sagesse orientale, trad. Henry Corbin, Verdier, 1986.

[3] Philippe Tancelin : Auteur : Poète-philosophe, Professeur à l’Université Paris VIII, auteur avec Geneviève Clancy d’ouvrages poétiques : La question aux pieds nus, En passant par Jénine, L’Harmattan, 2007… Directeur du CICEP/Centre international de création d'espaces poétiques, blog CICEP: cicep.canalblog.com, Tél: 0630671510, Adresse poétique : tancelin01@gmail.com

[4] Henry Corbin : Traducteur de l’œuvre de Sohrawardi, professeur d’université, islamologue qui défend la thèse de l’imam caché.

[5] Bruno Schulz : Professeur peintre et écrivain Ukrainien,

[6] Tadeusz Kantor dira de lui qu’il était le peintre de la « réalité dégradée ». Tadeusz Kantor, Le théâtre de la mort, Lausanne : L’Âge d’Homme, 2004, pp. 234-236.

[7] Bernard Caillaud, La création numérique visuelle, Paris, Europia, 2001, p. 63 ...

[8] Myriam Gourfink chorégraphie, et Kasper T. Toeplitz (musique) a été recréée au Hublot à Nancy, le 20 mars 2007, par : Myriam Gourfink et Cindy van Acker (danse), Laurent Dailleau (thérémin), Kasper T. Toeplitz (live electrnics et spatialisation), Zak Cammoun (vidéo, son, lumière). Les capteurs ont été mis au point par Thierry Coduys (La Kitchen). Les costumes et accessoires, par KOVA.

[9] Shihaboddin Yahyâ Sohravardî Shaykh al-Ishrâq, L’archange empourpré, Le bruissement des ailes de Gabriel, commentaires d’Henry Corbin, Fayard, 1976, p. 254.

[10] Martin Wattenberg, motifs numériques, in: John Maeda, Code de création, 2004,

Thames & Hudson, p. 78.

[11] G. Deleuze, Félix Guattari, Mille Plateaux, 1980, p. 428.

[12] G. Deleuze, Félix Guattari, Mille Plateaux, Les éditions de minuit, p. 622.

[13] Gaston Bachelard, Le matérialisme rationnel, PUF, 1953.

[14] G. Deleuze, Pourparler, Editions de minuit, Paris, 2003, p. 196.

[15] Jacques Lacan, Ecrits I, Le stade du miroir comme formateur de la fonction du je, Éditions du Seuil, 1966, p. 92-92.

[16] Sigmund Freud, L’homme au Loup, 1990, PUF.


[1] Les Institutes sont des ouvrages élémentaires destinés aux étudiants qui renferment les principes du droit romain. Ils évoluent au cours de l’histoire de l’Empire Romain. Ainsi les institutes de Justinien s’inspirent des institutes de Gaïus.

[2] « Ne sommes nous pas tous des rêveurs, des bâtisseurs, frères du signe de la truelle […] ? » Bruno Schulz, Œuvres complètes, Paris : Ed. Denoël, 2004, p.349.

[3] « Les récriminations féminines », « l’omnipotence féminine » ( B. Schulz, Août, pp. 25-26. ) pèsent et réduisent les rêves et les projets au ridicule, poussant l’enfant hors de la famille. Dans la trop grande lumière de la cuisine, les oncles, père et cousins fuient dans des consolations, à l’ombre d’autres dominations ( La bourrasque, Ibid, pp. 101-107. ). Françoise Dolto conseille à l’adulte de se désintéresser de l’autoérotisme de l’enfant et de l’encourager à des activités utiles et ludiques, ouvertes sur le groupe social, la culture et, le sport.

[4] Lacan, Le stade du miroir.

[5] Gilles Deleuze, Félix Guattari :« […] des disjonctions inclusives, des conjonctions nomades : partout une trans-sexualité microscopique, qui fait que la femme contient autant d’hommes que l’homme, et l’homme de femmes, capables d’entrer les uns avec les autres, les unes avec les autres, dans des rapports de production de désir qui bouleversent l’ordre statistique des sexes. Faire l’amour n’est pas ne faire qu’un, ni même deux, mais faire cent mille. » in L’Anti-Œdipe, Les Éditions de Minuit, 1972, p. 352. Le deux ouvre sur le multiple dans le plan unique de la vie.

[6] G. Bachelard : « les métiers qui taillent, qui coupent, ne donnent pas sur la matière une instruction assez intime. La projection y reste externe, géométrique. La matière ne peut même pas y jouer le rôle de support des actes. Elle n’est que le résidu des actes, ce que la taille n’a pas retranché. Le sculpteur devant son bloc de marbre est un servant scrupuleux de la cause formelle. Il trouve la forme par élimination de l’informe. Le modeleur devant son bloc d’argile trouve la forme par la déformation, par une végétation rêveuse de l’amorphe. C’est le modeleur qui est le plus près du rêve intime, du rêve végétant. […] ce diptyque très simplifié ne doit pas faire croire que nous séparions effectivement les leçons de la forme et les leçons de la matière ? Le véritable génie les réunit. » in : Gaston Bachelard, L’eau et les rêves, Librairie José Corti, 1942, p. 126.

[7] Association Chrétiens à l’écoute a maintenant son siège à Saint Gilles en Belgique, 22 rue de Lausanne 1060 Belgique.

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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 19:47

·         Axe de la recherche

   Ma démarche actuelle :

1) Le virtuel : ma thèse a une forte dimension philosophique sur le virtuel. Le virtuel est plus que de l’idéalement préexistant, comme le dit Henri Bergson[1]. Le virtuel est la porte des possibles. Ma thèse compte quelques pages (pp. 293-344) sur le virtuel dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy. Cette démarche initiale m’a été utile pour penser les ciels multiples des néoplatoniciens et suggérer leur influence mal reconnue sur la pensée actuelle. La pensée de l’Ishrâq et le soufisme sont rarement cités par les penseurs. Leur actualité entre en résonance avec l’œuvre d’Yves Bonnefoy et par lui rejoint l’étrangeté des surréalistes[2], l’étrangeté des formes perdues entre les ciels. Dans le devenir, le virtuel s’associe au possible. « Le virtuel se situe dans la tension entre l’ombre universelle du mannequin, du gabarit, et le désir des ouvrières »[3]. Le virtuel se trouve dans l’ombre du comment de l’existence et des possibles qu’il implique…

2) L’imaginal et le virtuel : en esthétique, Geneviève Clancy était intéressée par l’imaginal et savait que la définition de l’imaginal était liée au virtuel. L’imaginal est un concept esthétique mis en place par Henry Corbin à propos de la poésie. G. Clancy m’a donc encouragée, à partir du doctorat, à travailler l’œuvre de Sohravardi[4]dont le traducteur est Henry Corbin. Voici un extrait de la préface de mon recueil de poésies Résonances qui traite de l’imaginal[5] :

 « L’imaginal est un objet nécessaire à la réflexion, l’heuristique, un moyen d’accéder aux connaissances de soi et des autres. Cette forme de la rhétorique permet de vivre le monde en poète et en artiste. En favorisant l’image mentale, l’imaginal ouvre les portes aux multitudes de l’image. La relation rend alors possible l’unité dans le respect de chacun. Dans les différents plis qui participent de notre humanité, dans les relations que la sagesse permet, l’iconal et l’imaginal sont des moyens de rencontres des présences. L’imaginal, comme acte de symbolisation des plis de l’humanité dans la pensée et le logos, est virtuel dans les possibles des ciels qu’il a ouvert dans l’intelligence. L’icône et l’image mentale sont réelles, comme supports de l’acte imaginal. A chaque ciel, la symbolisation imaginale consiste en acte de l’intelligence du cœur sur la grotte imaginaire pour sortir de l’ombre dans la libre conscience et le discernement. Les machines, les outils technologiques, comme les pigments colorés, la finesse des encres ou les images lumineuses des écrans, les images mouvement du cinéma ou des jeux vidéo, sont les supports pleins d’imagination de nos rêveries et épopées mythiques, intellectuelles, morales et religieuses. »[6]

Sohravardi reprend l’origine religieuse du Verbe[7] pour montrer l’importance de la poésie, du verbe comme liés à la dimension sacrée de l’homme. La sagesse passe par le monde sensible de la poésie. Cette sagesse se partage dans des devenirs et non pas dans une espérance d’un monde autre. Les devenirs permettent la mise en œuvre du virtuel qui s’associe aux possibles pour exister dans l’actuel.

3) La conscience collective et le virtuel : un des thèmes de mon travail de doctorat est le support virtuel de la conscience et de la conscience collective. Le livre I de la thèse s’intéresse à la pensée orientale et l’ontologie, l’importance des multitudes et de vivre dans tous les ciels de l’humanité. Il en ressort une prise de conscience d’un « existentialisme » qui reconnaît le pli de l’intelligence, du spirituel, du sensible, de l’imagination… Chaque pli des multiplicités de l’humanité augmente la réalité. Et la sagesse est de savoir les réunir dans une existence contemplative et active. Dans la pensée orientale, le mot intelligence recouvre la conscience au travers de l’image mentale de l’oiseau[8]. Les réalités augmentées, dégradées[9]… dépendent du respect que l’on porte aux plis de l’humanité. En deuxième partie, je me suis intéressée aux outils qui devaient me permettre de suivre la pensée d’Henry Corbin, les concepts de Martin Heidegger et au néoplatonisme, Platon principalement et Aristote, les ciels multiples. La troisième partie concerne le virtuel dans les sciences et pour finir Gilles Deleuze, dans son œuvre Le Pli[10], utilise le virtuel et conceptualise à partir de la pensée de Leibniz. Les études de Deleuze m’ont permis de poser les jalons d’une approche du groupe et du corps social. Le corps[11], dans la société chez G. Deleuze, se pense avec l’idée de « vinculum »[12]et de virtuel. Le thème du devenir de Gilles Deleuze se pense comme action commune du possible et du virtuel.

4) Le support virtuel de la connaissance de l’autre a impliqué pour moi la mise en place du stade pompier. Après le stade du miroir de Jacques Lacan[13]apparaît le stade pompier[14]. Mal contrôlé, il peut provoquer le ralentissement des processus de connaissance de l’autre et bloquer les échanges possibles entre les communautés sociales, intellectuelles ou autres. Les dérives graves conduisent à la peur, et aux peurs collectives. Un article, Le stade Tintin ou pompier devrait paraître prochainement. Il est en pièce jointe.

5) Les archétypes de la pensée accessibles à tous : sur mon blog et dans ma thèse sont présentés quelques aspects de l’œuvre poétique et peinte de Simonne Roumeur[15]. Elle décrit de façon claire les angoisses et les joies de la libido. Dans ses images, chacun peut découvrir les symboles de la psychologie. Simonne Roumeur sort la psychologie d’une science d’initiés. L’art y joue un rôle moral protecteur de l’inconscient devant la maladie. En pièce jointe est fournie la présentation de l’œuvre de Simonne Roumeur destinée à l’exposition qui lui est consacrée au printemps prochain au Relecq-Kerhuon, dans le Finistère.

6) La critique du romantisme : l’article à paraître (Le prisme une esthétique des couleurs) critique « l’avenir » des romantiques pour montrer la joie et la liberté de vivre avec nos affinités électives, les images mentales de nos rêves et nos devenirs. Les devenirs, comme part de notre conscience, permettent de réaliser nos responsabilités sociales. Je reprends Gilles Deleuze qui écrit dans Qu’est-ce que la philosophie : « Ce qui fait la sensation, c’est le devenir animal, végétal, etc. » [16]. La richesse des images mentales a un intérêt esthétique en poésie et en art. Les rôles de nos théâtres, les déguisements, marionnettes, masques sont les devenirs de nos imaginaires qui nous réunissent et motivent. Ils sont les portes du virtuel qui donne à l’existence une amplitude riche en devenirs et ouverte sur les possibles.



[1] H. Bergson, Le possible et le réel in La pensée et le mouvant, P.U.F., 1999, pp. 99-116, p. 112.

[2] Thèse, § 4.7.6. Virtuel et poésie.

[3] Monique Oblin-Goalou, L’ironie de Bruno Schulz, Cahier de poétique n° 15, 2010, p. 41.

[4] Shihâboddine Yahyâ Sohravardi est né à Sohraward, en 549/1155 (calendrier hégirien/grégorien), et il meurt à Alep, en 587/1191. Ses commentateurs, comme Molla Sadra, le nommeront « Shaykh al-Ishrâq » (Ishrâq : lumière sagesse). Sohravardi est célèbre pour ses discours en similitudes dans les Traités et récits mystiques, son livre de la sagesse orientale. Ses récits d’initiation permettent le dévoilement de la sagesse par des insinuations subtiles. Sohravardi reconnaît l’importance de la sagesse des anciens. Son œuvre s’inspire d’Aristote et Platon, Zoroastre, Mani, Ibn Sina, les poètes comme Unsuri Balkhi, la tradition littéraire.

[5] Monique Oblin-Goalou, Le Rihzome sous l’arbre le virtuel au-delà des images lumineuses, pp. 551, 600, 629, 632.  L’imaginal : métaphore imagée d’animaux, rôles ou personnages mythiques dont les actes constituent des devenirs où s’incarner avec humour le temps d’un accomplissement, le temps de réaliser un rêve, le temps d’exister et d’agir intensément, le temps de prendre conscience de nos responsabilités… L’imaginal est une sagesse. Cette forme rhétorique se retrouve donc dans les fables, la poésie, et tous les chemins de la conscience.

[6] Monique Oblin-Goalou, Résonances, à paraître chez l’Harmattan.

[7] Sourate Marie, 19 v.17. Sohravardî, Archange empourpré, trad. H. Corbin, Fayard, 1976, p. 234 : « Et au sujet de Myriam il est dit « Nous avons envoyé vers elle notre Esprit 19/17» or cet Esprit ce Verbe c’est Gabriel ».

[8] L’oiseau et l’Intellect Agent dans l’existence orientale : Thèse, pp 73-79.

[9] Monique Goalou, L’ironie de Bruno Schulz, Cahier de poétique n° 15 (voir document joint).

[10] Gilles Deleuze, Le Pli, Éditions de Minuit, 1988.

[11] L’idée de corps, Corps spirituel, corps des assemblées se retrouve pp 111, 535, 238 (mystique et corps).

[12] Mot de Gilles Deleuze : Vinculum : Thèse, pp.578 et suivantes.

[13] L’imago, les images qui fédèrent, est inspiré de Jacques Lacan (psychiatre) : Thèse, pp. 403-407.

[14] L’idée du stade pompier : in Monique Oblin-Goalou, L’ironie de Bruno Schulz, in Cahier de poétique n°15. Sujet : La lutte pour la reconnaissance des différents plis de la personnalité (Cf. pièce jointe). L’article Le stade pompier se trouve sur mon blog. Il s’inspire des pensées de Bruno Schulz, peintre et écrivain au début du XXème siècle qui décrit les angoisses des peuples avant la guerre.

[15] Simonne Roumeur (peintre et poète du Relecq Kerhuon près de Brest) : Thèse, pp. 254 et suivantes, 635-636.

[16] Gilles Deleuze, Qu’est-ce que la philosophie, Les éditons de minuit, 1991, p. 169.

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 15:27

La critique de Lévinas

L’universalité de la pensée magique

 

413, Atelier chapelle, 11 01 2004

La chapelle est le lieu de rencontre dans l’amour. Dieu est amour pour Simonne et religion veut alors dire relation dans l’amour. Elle construit une chapelle où partager. Les pierres sont les archétypes de la pensée. En donnant à son corps la forme d’une chapelle avec un clocher, un large portail, une girouette et une cloche la question est posée : quelle relation existe-t-il entre les institutions et la personne individuelle son engagement, sa substance ? La substance au sens des actes qui constituent sa personne morale. L’individu ne peut vivre en idéaliste solitaire. « Accompagnent mon chemin  A sa mission de demain.  Au siège du centre social,  Réunis en assemblée spéciale  […] L’estampe religieuse  Qui en l’inconscient sommeil.  Au présent ma vie s’éveille.. De l’avoir longuement œuvré,  Ma bâtisse est achevée.  Mon atelier-chapelle  Prend corps au réel »[1].

 

Simonne Roumeur est claire et directe « l’estampe religieuse » est l’image mentale de la relation sociale. La question est posée de la relation entre l’individu et l’institution et de l’importance d’un respect mutuel.

 

Dans le Glossaire (n°185) sont présentés ce que l’artiste appelle ses « symboles individuels et universels ». On trouve entre autre l’abeille qu’elle nomme « être de feu » et qui symbolise le rapport entre le collectif et l’individuel. L’abeille est présente dans beaucoup de ses œuvres. Le monde des symboles est celui de l’imaginal un monde intermédiaire des images mentales issu de l’imagination et de la rationalisation dans la démarche de prise de conscience des relations avec les autres ou avec l’Autre. La relation alchimique se réalise au travers de l’oiseau, l’abeille, l’arbre, le soleil…

L’œuvre de Simonne Roumeur doit pouvoir démontrer l’universalité du concept d’imaginal. Le matérialisme magique serait une forme de l’imaginal. L’imaginal est le moyen heuristique de la transmission des connaissances psychologiques et les rend accessibles et utiles à tous. Se connaître soi-même et connaître l’autre est une richesse qui n’est pas réservée mais ouvre sur les possibles de la liberté. Le travail de Simonne Roumeur porte sur ses relations aux autres. C’est pourquoi ses brouillons que l’on pourrait qualifier de journal de ses rêves, comportent des pages intéressantes mais leur origine dans les joies et les difficultés des liens relationnels ne permet pas leur publication. L’auteur y fait référence à des personnes précises en donnant leur nom. L’imaginal est le moyen pour Simonne Roumeur d’objectiver ses rêves. Les archétypes auxquels elle a recours permettent à la pensée de chacun de vivre librement dans les images mentales de ses rêves. Le thème de l’universalité apparait dans Le temps et l’autre d’Emmanuel Levinas : « Le solipsisme[2]n’est ni une aberration, ni un sophisme : c’est la structure même de la raison. Non point en raison du caractère subjectif des sensations qu’elle combine, mais en raison de l’universalité de la connaissance, c’est-à-dire de l’illimité de la lumière et de l’impossibilité pour aucune chose d’être en dehors. »[3]

La connaissance et la sagesse, l’amour sont comme la lumière, ils se partagent sans s’amoindrir. Mais la raison, instrument de la prise de conscience, est subjective. La subjectivité dépend de la personne. Elle est liée à la substance, hypostase lumineuse chez E. Levinas, de la personne. Mais ce serait une erreur de tomber dans un subjectivisme idéaliste. « Le retournement possible de l’objectivité en subjectivité est le thème même de l’idéalisme qui est une philosophie de la raison. L’objectivité de la lumière, c’est la subjectivité elle-même. Tout objet peut-être dit en termes de conscience, c'est-à-dire mis en lumière. »[4]Emmanuel Levinas après avoir si clairement repoussé la subjectivité dans l’idéalisme offre une réflexion autour de la mort. La mort en effet est une constante universelle. Nous vivons tous avec la mort force centripète qui assure les jaillissements de la vie. Emmanuel Levinas passe très près d’une intuition sur l’universel qui à mon sens aurait été plus courageuse. Son pessimisme sur l’homme lui fait dire : « Ne peut-on pas résoudre ainsi une contradiction dont toute la philosophie contemporaine constitue le jeu ? L’espoir d’une société meilleure et le désespoir de la solitude, fondés tous les deux sur des expériences qui se prétendent évidentes, apparaissent dans un antagonisme insurmontable. Entre l’expérience de la solitude et l’expérience sociale il n’y a pas seulement opposition, mais antinomie. »[5]

 

Justement la solution est de refuser le pessimisme et le fatalisme qui opposent conscience collective et conscience morale avec les consciences individuelles. Ce pessimisme est issu des exemples et d’expériences qui montrent le manque d’amour et le mépris de l’autre dans les comportements humains. Le mot conscience est à prendre au sens de substance ou hypostase pour reprendre un mot d’Emmanuel Levinas et lutter contre sa philosophie de la solitude. Car la personne ne se réduit pas à l’individu ni à la personne morale, ni à la personne physique. La relation est ce qui constitue la personne morale donc en aucune façon la personne morale ne s’oppose à l’individu. Si S. Freud avait pu vivre son identité juive librement, il aurait pu plus facilement imposer la part universelle de la psychologie et la psychanalyse sans pour autant nier sa personne morale individuelle et celle de la synagogue. Il y est revenu, dans la phase ultime des persécutions, car la nécessité était trop grande face à son souci professionnel. La personne morale collective de Sigmund Freud est une part de l’individu S. Freud. La notion de père dans la pensée juive, par exemple, est très présente dans la psychanalyse. L’erreur d’opposer individu et personne morale collective est extrêmement grave car elle remet en cause le fonctionnement des institutions. S’il n’y a pas un dialogue équilibré entre la personne morale collective, l’individu, sa personne physique et sa personne morale, l’institution n’existe pas. En psychologie, pour préserver la personne morale individuelle, l’inconscient constitue une barrière que les médecins nomment barrière critique ou censure de l’inconscient[6]. L’inconscient va emmagasiner des informations, des images, des odeurs qui ne passeront pas dans le subconscient et dans le conscient. Ces mécanismes existent depuis longtemps dans la société et les personnes morales de la société, les entreprises, les institutions comme les églises. Même si la censure qu’exercent les personnes morales collectives ne sont pas réellement comparables avec celles de l’individu, il existe de analogies. La dimension symbolique de l’art permet à la société de dépasser certains blocages. L’Art est analogiquement le préconscient de la personne morale collective.

Henry Corbin[7]a pris la peine d’inventer le mot imaginal pour orienter les textes et l’interprétation des textes, l’herméneutique, les différents angles de lecture d’un texte et la sagesse qui peut s’en dégager. Pour mettre en place ce concept, Henry Corbin s’est inspiré de la démarche poétique et de l’enseignement de Sohravardi. Le discours amoureux, comme le chant des oiseaux, ouvrent les portes d’un ciel, celui de l’aimé comme le fiancé ou celui de la prière tourné vers l’Amour. Prendre le temps de regarder les images mentales d’un texte et de vivre dans le lieu qu’elles offrent constitue un acte de partage des idées, un moyen de rencontre, de relation dans le respect des silences, ombres des multiplicités de chacun.

 

L’imaginal est un objet nécessaire à la réflexion, une heuristique, un moyen d’accéder à la sagesse. Les formes de la rhétorique qu’il prend métaphores, paraboles, symboles, allégories permettent à chacun de vivre dans ses plis d’artiste et de poète. La langue arabe n’a pas d’usage du verbe être pour décrire l’existence. Les choses sont considérées dans leur devenir. Cette langue se prête donc à la saisie du vivant par les images mentales.

Les poètes du Proche-Orient ont inspirés ceux du monde entier. Ils n’apportent pas seulement l’inspiration, ils dévoilent par la perfection de leur art les caractéristiques de la poésie. L’imaginal est un de ces savoirs faire du poète quel que soit son origine. L’imaginal a une dimension universelle qui a permis sa conceptualisation grâce aux grands maîtres de l’art poétique qui ont existés en Orient.

La poésie de Simonne Roumeur utilise l’imaginal pour décrire la prise de conscience de certaines angoisses psychiques. Donc apparaissent dans l’œuvre de Simonne Roumeur une description des archétypes de la psychologie, la reconnaissance d’un visage psychique qui lui est propre mais qui révèle les plis universels de l’humanité ; une heuristique poétique que je rapprocherais de l’imaginal. Mais l’imaginal de Simonne Roumeur est tinté du « matérialisme magique » de Suzanne Besson une artiste surréaliste habitant au Relecq-Kerhuon dans les années 70. Le matérialisme magique est la révolution permanente de l‘imaginaire, la praxis cosmique des combinatoires au cœur de la matière, sources qui offrent l’espérance d’un progrès et d’un devenir dans une créativité à même la matière. Simonne Roumeur se contente de préserver la fragilité de sa vie aux travers des maladies l’intoxication et ensuite le cancer. Mais elle partage avec le matérialisme magique la volonté de transfiguration du monde. La révolte et l’enthousiasme passent par l’émotion contre le sordide de la réalité. Le retournement qu’elle crée va de l’angoisse à la joie. La démarche de Simonne Roumeur s’inscrit dans un contexte contemporain qui n’est plus celui d’une adhésion totale au pouvoir de la science et de la technique. La démarche de Simonne Roumeur est celle du souci de la préservation de sa vie.

Les œuvres peintes de Simonne Roumeur permettent la connaissance des angoisses et des joies qui font la vie. L’inquiétude, la nécessité de s’imposer dans le milieu familiale et social, les étapes de l’adolescence, l’audace de s’exprimer en société, d’écrire, de peindre, de dévoiler le pli artistique, l’effort pour l’indépendance, la lutte contre la maladie, le drame d’être une femme, les joies d’être une mère, le plaisir de la danse, en cela chacun peut se reconnaitre et découvrir que ces questions sont normales et se présentent pour tous dans les étapes de la vie. Les chemins de Simonne Roumeur sont communs à chacun. La reconnaissance de la dimension archétypale de nos angoisses aide à la prise de conscience de nos émotions et permet de les dominer afin d’éviter les approches fatalistes de la commune tendance naturelle ou des pulsions. L’œuvre de Simonne Roumeur est un bon outil.

Une fois reconnue la dimension universelle de la connaissance à laquelle l’heuristique imaginale de Simonne Roumeur nous permet d’accéder, la question des antécédent familiaux se pose moins lourdement. L’hérédité n’est pas l’origine de toutes nos inquiétudes, de toutes nos fragilités, mais cette origine est liée à notre humanité. Ce que la psychologie décrit ce n’est pas les défauts de notre famille mais les fragilités de notre humanité. Simonne Roumeur montre dans Atelier chapelle et dans l’ensemble de son travail que volonté, liberté et fraternité sont un bon contrepoids au mythe de l’homme parfait.



[1]S. Loaec Roumeur, Atelier chapelle, 413, 11 01 2004.

[2]Le solipsisme : un idéalisme qui considère le sujet pensant dans une seule réalité. La subjectivité y est considérée dans une existence unique vers une réalité unique. La connaissance est universelle mais la pensée rationnelle subjective qui éclaire le réel en réalité dans la prise de conscience laisse la personne seule dans l’isolement de sa rationalisation, la solitude.

[3]Emmanuel Lévinas, Le temps et l’autre, Paris : P.U.F., p. 48.

[4]Emmanuel Lévinas, Le temps et l’autre, Paris : P.U.F., p. 48.

[5]Emmanuel Lévinas, Le temps et l’autre, Paris : P.U.F., p. 40.

[6]Internet : Conscient, inconscient, préconscient, subconscient – formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique – Cours et schémas présentés par D. Giffard.

[7]Henry Corbin est le traducteur de Sohravardi.

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 11:28

comme présence de la divinité jusque dans le dernier ciel matériel et sensible. La flamme n’est pas un flambeau au symbolisme puissant et ronflant. « La flamme n’est plus un objet de perception elle est devenue un objet philosophique. […] La flamme est pour lui un monde tendu vers un devenir. Le rêveur y voit sont propre être et son propre devenir, […] Ainsi le philosophe peut tout rêver – violence et paix – quand il rêve au monde devant la chandelle »[1] Du rouge au blanc, les ailes de Gabriel inspirent Sohravardi[2]. Dans le feu de la matière la petite flamme de la sagesse se dresse rouge près de la matière et blanche avant de perdre ses fumées dans l’obscurité.

 

Le message du Gorgias n’est pas une interrogation sur la rhétorique, mais sur le mauvais usage qu’il peut en être fait. Platon craint la rhétorique qui persuade au lieu de transmettre le savoir. Il voit là un risque pour la liberté de l’âme et la République. Il dénonce, dans le Gorgias, la dérégulation du personnage de Calliclès, qui ne se préoccupe pas des autres. « Et notre âme ? Sera-t-elle bonne si elle est déréglée, ou si elle est réglée et ordonnée ? »[3]. Ce que Platon dénonce est l’amoralité de Calliclès et de ceux qui dirigent la cité en ne se conformant qu’aux pulsions de la Nature déifiée, sans respect des lois et dans le mépris des faibles. Ce que Calliclès méprise est la sagesse de la République au profit de la force. Le respect des dieux, et non la Nature, assure la justesse des lois et le souci de la Cité. « […]Á ce qu’assurent les doctes, Calliclès, le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d’amitié et de bon arrangement, de sagesse et d’esprit de justice, et c’est la raison pour laquelle, à cet univers, ils donnent, mon camarade, le nom de cosmos, d’arrangement, et non de dérangement non plus que de dérèglement »[4]. Le Gorgias se termine par un monologue sur les silencieux qui n’ont pas la liberté de s’exprimer, et les morts. Leur présence résonante établit la conscience. Et si Platon avait eu ce mot « conscience », il l’aurait utilisé ici. Mais comme il lui manquait, Platon nous donne une description de l’utile conscience. Dans le Gorgias, l’image de l’homme mort, nu, qui juge, est le vertueux souvent silencieux qui n’a pas peur de sa nudité car il n’a rien à cacher, l’image de la conscience soucieuse de vérité. Tous ceux qui meurent sur la route constituent le jugement des morts. Ils jugent la nécessité d’une conduite charitable aux plus lents, âgés, fatigués ou en possession d’un véhicule plus lourd ou lent à freiner, les plus jeunes qui doublent sans bien calculer les distances… Les morts de notre conscience sont aussi les enfants, les passagers, les piétons, toute cette population innocente perdue dans les chocs des machines. Ce sont eux qui nous jugent. « […] le juge devra, lui aussi, avoir été mis à nu et être un mort, qui, avec sa seule âme, est spectateur d’une âme pareillement seule, celle de chacun, à l’instant où il vient de mourir : un mort qui est isolé de toute sa parenté et qui a laissé sur la terre tout ce dont il se parait ; condition indispensable à la justice de sa décision »[5]. Les propos du Gorgias posent la problématique de la violence. Comment éviter les comportements violents dans les affaires publiques ? Comment éviter les discours qui détruisent l’âme ? L’art oratoire ne concerne pas tous les discours, il existe pour que la souveraineté se réalise par la parole. Mais la parole se rapporte à quoi ? demande Platon. La réponse est la sagesse dont se moque Calliclès. « Quelle sagesse pourtant est-ce là, Socrate ? un art qui, une fois qu’il a mis la main sur un homme bien doué naturellement, l’a rendu pire ? l’a rendu aussi impuissant à s’assister lui-même […] ? exposé à être, par ses ennemis, dépouillé de tout ce qu’il possède ? à tout bonnement vivre méprisé dans son pays ? Un tel homme (s’il n’est pas un peu trop énergique de s’exprimer ainsi !), il est permis de le frapper à la joue sans avoir à en répondre ! »[6]Comment éviter Calliclès, celui qui frappe et considère la sagesse comme un enfantillage ? Et Jésus fait-il référence à Platon et au Gorgias, aux principes de la justice, quand il répond à Anne avant de passer devant le Sanhédrin ? « Quand il eut dit cela, un des huissiers, qui était à côté de lui, donna un soufflet à Jésus, disant : Est-ce ainsi que tu réponds au souverain sacrificateur ? Jésus lui répondit : si j’ai mal parlé, fais voir ce que j’ai dit de mal ; si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »[7]. Alors Jésus est déféré devant le Sanhédrin. La justice ne se conforme pas à la loi du plus fort politiquement, socialement, en richesses ou autres. Même quand ils ont agi selon la plus grande des injustices, les hommes ont tenté de ne pas agir comme Calliclès contre la sagesse. La loi vient du désir d’amour présent en l’homme par la proximité avec les dieux. Platon le savait déjà, l’homme doit fuir l’incontinence et chercher la sagesse. Et il décrit l’homme sage comme celui qui « fait les choses qui conviennent aussi bien à l’égard des Dieux qu’à l’égard des hommes »[8]. F.T. Marinetti avait-il lu Platon et se servait-il du personnage de Calliclès pour lutter contre la démocratie et les intérêts communs de la République ? « […] nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas de gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing »[9]. Ou encore : « Bientôt viendra le moment où nous ne pourrons plus nous contenter de défendre nos idées par des gifles et des coups de poing, et nous devrons inaugurer l’attentat au nom de la pensée… »[10]La laideur du discours de Marinetti oblige à ne pas tout citer. « Qui peut affirmer qu’un homme fort ne respire beaucoup mieux, ne mange beaucoup mieux, ne dorme beaucoup mieux que d’habitude après avoir giflé et terrassé son ennemi ? »[11]

Comment plus de deux mille quatre cents ans après Platon avons-nous pu supporter de tels discours qui flattent nos pulsions les plus viles et y conformer nos esprits dans les années 30 et même encore aujourd’hui ? Une des conséquences les plus immédiates du manque de souci des autres est la pauvreté spirituelle autant que matérielle. Car l’une ne découle pas de l’autre, elles apparaissent ensemble. Les films Erwin Wagenhofer, Let’s make money, 2008 et Charles Ferguson, Inside Job, 2008 décrivent le mépris des financiers pour une main-d’œuvre peu coûteuse qui doit avoir conscience que toute avancée sociale la plongerait dans le chômage et la faim. Ces films dénoncent aussi les guerres organisées à des fins économiques. Selon le site diplomatie.gouv.fr[12],la Corée du Nord est confrontée à des pénuries alimentaires. La dette de la Corée du Nord est importante. Depuis toujours la diplomatie américaine fait pression pour imposer plus de liberté d’expression et d’entreprise aux Nord-Coréens. Pour lutter contre une éventuelle démocratisation, dramatiser le débat dans la violence, la dictature de Corée du Nord mène une politique d’essais nucléaires. Ces initiatives inquiètent les démocraties qui ne désirent pas reprendre leurs essais nucléaires mais qui pourraient se trouver contraintes de se défendre. Le temps prouve encore et encore combien Socrate avait raison de dévoiler Calliclès pour lutter contre les tyrannies. Le personnage de Calliclès a éteint les démocraties grecques et menace nos démocraties peu soucieuses des droits, mais surtout peu soucieuses d’un art oratoire qui forme les âmes, d’une doxa favorable à un pouvoir démocratique, la sagesse étant considérée comme une faiblesse et un archaïsme. Contre toutes sagesses, l’humanité est reconnue dans ses perfections matérielles et niée dans ses fragilités. La sagesse est aussi la force du stoïcisme de vivre dans le respect de l’autre, sans nier son identité. Réduire la sagesse à une faiblesse est une erreur. « L’épaisseur du corps »[13]est importante. Mais de quel corps s’agit-il dans cette réflexion de Gilles Deleuze sur le stoïcisme ? Il s’agit des richesses de la forge où viennent rebondir les substances relationnelles en résonances multiples. Il s’agit de tous les plis de l’humanité du corps physique de la personne, mais aussi de ces corps par lesquels se rencontrent nos sociétés. Ces corps ont des dimensions qui se croisent et se juxtaposent dans des espaces politiques, religieux, confessionnels, professionnels, culturels, amicaux. Ce sont autant de cercles, autant de corps pour engager des dialogues et se croiser dans le cœur même de la personne, qu’elle soit physique ou morale.

La voiture implique des accidents. Machine et humanité dévoilent la fragilité de l’humanité devant l’automatisation de la machine, le décuplement des forces qu’elle permet. La machine est symbole de perfection, de répétition, de normalité. En regardant le jeune aurige, deux fois vainqueur des jeux pythiques, la perfection de son corps, il serait dangereux de ne pas se souvenir que ces fêtes étaient célébrées en l’honneur d’Apollon à Delphes. Les Grecs avaient d’autres dieux comme Zeus, honorés lors des jeux Olympiques : Dionysos dieu du vin, Hadès dieu des enfers, Cronos qui mangeait ses enfants par peur d’être détrôné par l’un de ses fils, Rhéa qui se cache de Cronos pour accoucher de Zeus, les dieux de l’amour Aphrodite, Eros, Psyché et bien d’autres encore qui montrent que le culte des Grecs ne se réduisait pas à la perfection, mais avait aussi à voir avec les douleurs, angoisses et plaisirs de l’humanité. Ces Dieux constituaient la connaissance du cheval impétueux et permettaient de ne pas le rejeter mais de le diriger sévèrement dans tous les ciels[14]. Les accidents de la route font des victimes et chaque fois se pose la question de la responsabilité en termes juridiques. « La responsabilité du fait des choses n’est donc pas purement causale ; elle suppose toujours un jugement de valeur dont les éléments seront apportés soit par la victime (preuve du rôle actif), soit par le gardien (preuve de la cause étrangère). »[15]« Dire que le gardien sera responsable parce-que sa chose est créatrice d’un risque ne justifie rien en soi car l’activité de la victime est également source de risque »[16]. Dans le cas du viol ou du meurtre, il y a volonté de nuire, mais l’activité de la femme ou de la victime peut aussi parfois avoir été provocatrice ! Ce n’est évidemment pas toujours vrai… Dans le cas de l’accident de voiture, le conducteur est responsable, par son choix, d’utiliser une machine. Il est important, donc, qu’il la conduise dans le respect de ceux qui se déplacent en dehors de la carapace d’un engin et des passagers dont il a la responsabilité. Les circonstances peuvent montrer un comportement anormal de la victime, erreur de conduite, ou comportement dangereux. Dans ce contexte, le livre dénonce la « responsabilité d’anormalité »[17]comme n’étant pas prise en compte après avoir mis en place la dette d’anormalité[18]. Mais, sur la question, Jean-Christophe Saint Pau n’est pas clair. Il joint les cas où la victime n’a pas d’assurance. Et dans ces cas, la victime est indemnisée au titre de victime par celui qui a une assurance. Donc si un enfant jailli brutalement d’un porche et se jette sur une voiture, le conducteur indemnise la victime à titre de civilité ; l’enfant pourtant n’aura pas respecté la règle de traverser la route en marchant dans les espaces réservés à cet effet. Or, ce cas ne concerne pas la dette d’anormalité car il concerne la lourde question de ceux qui vivent et roulent sans assurance et, dans le cas de l’enfant de la responsabilité civile. Dans la plupart des cas, la faute de ne pas avoir d’assurance est considérée comme très grave. Il existe quelques cas sans assurance pour ce qui concerne des piétons. Et dans ce cas, ils seraient pris en charge par l’assurance du conducteur de la voiture qui leur cause un dommage. Ces cas ne sont pas une question d’anormalité mais de protection civile. L’anormalité relève de la responsabilité civile, de la responsabilité de la communauté de prendre en charge la dimension d’humanité de chacun avec ses défaillances, ses différences, ses limites. A propos de l’affaire Perruche, Christophe Radé écrit : « Voilà sans doute qui explique la résurgence du fantasme d’enfants, s’estimant mal nés et engageant des poursuites contre leurs propres parents, ou d’une société française en plein déclin qui encourageait les parents à ne pas avoir d’enfants, ou pire, à s’en débarrasser, plutôt que de leur donner les moyens de les élever sereinement »[19]. Ce que défend Christophe Radé est le droit de garder son enfant handicapé dans de bonnes conditions avec l’aide affectueuse de l’ensemble de la société. Il n’omet pas, tout en gardant la réserve que lui impose sa profession de servir la loi, de noter la difficulté de conscience que peut provoquer l’avortement pour anormalité. Je pose alors la question : l’avortement est-il devenu une euthanasie ? La loi aurait-elle un effet pervers d’eugénisme ? Le choix de la famille de garder son enfant en cas de handicap lourd engage l’ensemble de la société civile et la solidarité sociale. Le suivi médical est coûteux et les familles ne peuvent pas ou rarement s’offrir les soins, opération ou assistance quotidienne. L’article Responsabilité civile et anormalité[20]de Jean-Christophe Saint-Pau ne répond pas à cette question, mais suggère une responsabilité d’anormalité inspirée, selon moi, par l’usage de l’avortement en cas de détection de maladie génétique. Le livre Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps montre l’effet normalisant des lois. L’acte d’avorter est devenu courant, provoquant une pression et une solidarité diminuée auprès des familles d’handicapés. Ce qui fait écrire à Christophe Radé : « Ce qui justifie la responsabilité du gardien, c’est un double jugement de valeur : le risque créé par la chose est anormal ; le risque créé par la victime est normal. La justice impose alors d’attribuer une dette de réparation au gardien »[21]. Le cas où la victime a des gestes anormaux, comme l’enfant encore trop jeune pour dominer totalement sa vivacité, n’est pas décrit car il relève de la complexité du jugement entre le risque, les responsabilités individuelles, civiles, la solidarité sociale. L’homme est le gardien de l’être. Comme sur la frise du Parthénon[22], la procession ne se fait pas sans le regard attentif de ceux qui surveillent l’avancée. Où est l’anormalité d’un trisomique ? En jugement de valeur, elle est certainement dans son manque d’indépendance ? Qui oserait dire qu’il ne dépend pas des autres ? La valeur représente tout ce que l’humanité intolérante mesure à partir de son monde, trop matériel et orgueilleux, de réussite et de courage.

La réflexion de Christian Lapoyade-Deschamps touche une difficulté éthique et morale induite par l'affaire de la loi Perruche. La défense des victimes et des plus faibles, des silencieux est de plus en plus difficile et je crains que Christian Lapoyade-Deschamps ait laissé une œuvre trop tôt inachevée à propos de l'accident dans la violence du contexte contemporain. J’aimerais connaître ses positions sur l’anormalité dans le cercle familial ou amical où les conclusions et les axes d’une pensée se dévoilent avant leur démonstration ou mise en œuvre publique. L’accident a arrêté sa vie. L’hommage qui lui est rendu post-mortem montre la libre interprétation de ses élèves instruits de la matrice ouverte et heuristique de son cours. Son œuvre est restée trop tôt inachevée, sachant bien que toute œuvre reste inachevée et fragile, car humaine. Certains objectifs ou certaines causes ne se réalisent qu’avec beaucoup de temps et de travail. L’entourage peut porter certains objectifs, dans la discrétion et la patience, des relations familiales ou amicales.

 

La vitesse en voiture est devenue un délit grave. L’évolution de la vitesse montre que son usage[23]s’est reporté sur les trains et les avions. Ces derniers permettent de se déplacer plus loin et plus rapidement que l’automobile. La régulation de la circulation passe par le respect du code de la route. L’évolution de la vitesse est liée à un usage plus large de l’automobile qui implique un plus grand souci de l’autre et augmente l’importance du code. Les machines ont ouvert de nouveaux réseaux dans les relations humaines, impliquant la mise en place de nouveaux codes, comme celui de la route, nécessaires à la régulation de la vie sociale : les codes et réglementations sanitaires aux descentes et montées dans les avions ou bateaux pour limiter la propagation de certaines maladies ou certaines espèces. Le code sert les relations des êtres vivants aussi bien animaux qu’humains et même entre les animaux et les hommes. Au-delà du code, l’accident pose le problème de la violence. Avec Julien Benda, il apparaît dans cette réflexion qu’un des principaux freins à l’Europe[24]démocratique est le nationalisme des clercs. Julien Benda était d’origine juive et il dénonçait, par l’expression « trahison des clercs », le racisme des populations et le refus de l’effort de dialogue avec des cultures différentes, le pessimisme des clercs. Ce nationalisme est teinté de populisme dans le sens où il ne favorise pas les relations dans la connaissance de nos identités démocratiques et de l’histoire des origines des institutions publiques ; dans la connaissance de l’autre, car il se contente de demander le retrait politique des clercs ! Devant cette conclusion hâtive du retrait, F.T.Marinetti donne la réponse excessive et non laborieuse, sur la terre intellectuelle, de la violence, en s’imposant par la gifle et le sang. De ces positions, on connaît le prix exorbitant payé par l’humanité. L’accident rappelle nos responsabilités sociales sur la dépendance et les soucis mutuels qui unissent les hommes entre eux. L’anormalité rappelle que la substance qui permet aux sociétés de faire corps dans des liens solides et forts a pour origine la fragilité de notre humanité, la fragilité de la divinité. Dans l’accident, il n’y a pas de dette d’anormalité, mais une substance de différence dans l’identité forte de la reconnaissance de notre richesse naturelle, génétique et de notre richesse spirituelle acquise. A la surface de ces rencontres se construisent des codes, des règles qui permettent à chacun de se respecter et surtout de se former dans son identité, autant que dans celle des autres. Les discours de Marinetti rappellent que la rhétorique, la forme poétique ne peuvent se passer de la sagesse afin de garantir la vérité. Le discours, selon Platon, ne peut se passer des liens entre la rhétorique et la raison, porte de la sagesse. Il commence par l’amour des hommes et des dieux. Les bégaiements de la vérité tremblent pour « unir la morale du « petit monde » à une moralité majestueuse de l’univers »[25]. Le discours ne peut se passer de la philosophie, amour de la sagesse en grec. La place éducative du discours adressé au peuple donne au clerc un rôle à jouer quelle que soit l’institution qu’il représente. La métaphore de l’Aurige de Platon désigne la responsabilité éducative du pli politique et la nécessité d’être bien formé dans l’amour de la sagesse et des virtualités qu’elle ouvre à la responsabilité démocratique de chacun.

Derrière l’étoile noire de Filippo Tommaso Marinetti, se cache un désir de dénoncer la démarche intellectuelle de Julien Benda : La Trahison des Clercs. Le manifeste Tuons le Clair de Lune est une critique de la démarche romantique du messianisme, du savant isolé, telle que la prônait Julien Brenda. Aux excès de Juliens Benda, Marinetti va opposer d’autres dérives au lieu de rechercher une sagesse.

 

Le mouvement futuriste s’exprime au travers de F. T. Marinetti qui en a écrit le manifeste et pose le problème du fascisme et ses textes violents. Cette violence a contribué à ralentir la réflexion sur la machine qui pourtant occupe depuis quelques générations déjà notre quotidien. La question de la machine est abordée largement par le futurisme italien et capitaliste.

 

La machine est une réponse de l’animus[26]pour agrandir l’anima[27]. Marinetti, dans son manifeste, chasse la femme protectrice, symbole de l’âme et de la conscience. Et ce vide créé, il y met la machine. Déjà au moyen-âge, les textes poétiques et l’enseignement d’Avicenne[28]ou de Sohravardi décrivaient les plis de l’âme ou ses différents ciels et l’importance de n’en négliger aucun. Or Marinetti rejette le pli féminin qu’il associe au romantisme. Le manifeste de Marinetti est une recherche d’énergie, dans la guerre, la machine, l‘homme multiplié. Le texte datant de 1909, il est le témoin de l’orgueil qui a conduit à la guerre de 14-18. Le futurisme s’associe à la mise en place de la relativité, des premières prises de conscience de la non localisation de la matière. L’intérêt pour le mouvement, la dynamique, la vitesse exprime les découvertes alors récentes de 1905. La connaissance acquise dans ces domaines a besoin de conscience dans l’amour[29].

La remise en question du futurisme ne peut-être totale. Il existe des œuvres qui laissent entrevoir les dangers de la dynamique de l’homme qui marche[30]sans connaissances. De 1910, L’éveil de la ville[31]manifeste de cette intuition car l’énorme cheval qui occupe le centre de l’œuvre annonce la révolte de la nature sur la frénésie de construction des hommes. Intuition inconsciente, la bête semble se retourner contre l’homme annonçant les malheurs prochains de la guerre et la mort du peintre, Umberto Boccioni, dans un accident de cheval en 1916 au cours de manœuvres militaires. Un peu comme Picasso avant d’adhérer au cubisme analytique en fait la critique dans Les demoiselles d’Avignon : ils ont oublié l’amour comme ils auraient oublié le vin dans un dîner. Les demoiselles d’Avignon sont les femmes d’un bordel car l’analyse sans amour est dangereuse, comme la sexualité sans amour, comme l’énergie sans sagesse. Voilà ce que dit Picasso en 1907 dans son œuvre très célèbre dont le message remonte à Platon[32]. L’œuvre d’Umberto Boccioni L’Éveil de la ville est moins célèbre mais elle critique le futurisme et rappelle à l’homme contemporain le respect des sources et des substances, des réserves humaines, biologiques, énergétiques.

Le défaut de Marinetti n’est pas d’aimer la vitesse mais de l’aimer contre tout, tout rejeter pour elle. Il sort la vie de ses multiplicités et la réduit à la performance technologique. Pour tourner cette page qui dissociait la connaissance et le rapport à la matière, il faudra qu’en 1953, G. Bachelard enseigne le « matérialisme instruit »[33]. La connaissance des particules et atomes a permis la mise en place du tableau de Mendeleïev. La combinatoire des particules élémentaires en nombre limité a remplacé la substance ou mieux la détermine dans une grammaire aux combinaisons infinies. Cette grammaire se décline à l’échelle humaine. Le nombre déterminé d’éléments met la substance à la dimension de notre pensée. La nature n’écrase plus l’homme. Une maturité nouvelle rend l’homme responsable de son milieu. A l’époque de Marinetti, où la psychologie émerge dans les sciences, notre auteur cède aux pulsions les plus primitives et nie la vision des impressionnistes qui, à la suite de Goethe, s’intéressent à la lumière et au nombre limité des longueurs d’onde qui composent la lumière blanche.

F. T. Marinetti méprise les savants et les bibliothèques, mais roule sur la science de la galvanisation du caoutchouc que Goodyear a si laborieusement mise au point en 1831, au prix de la vie même de ses enfants. Confort infiniment méprisable face au scandale !

 

Son premier manifeste constitue un éloge de la vitesse avec l’élégance et la violence des mots d’un mondain, une baudruche dont on rêve de crever les excès. L’esthétique de la déraison est finalement un oxymore sans vertus et sans possibilités. L’esthétique est la science qui cherche à associer raison et art sans y parvenir car l’humilité guide les jeunes gens et les ingénieurs dans leurs études beaucoup plus que « le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas de gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing »[34]. La fragilité de leur réflexion est possible dans le respect du travail.

 



[1] Gaston Bachelard, La flamme d’une chandelle, P.U.F., 1996, p.33.

[2] Sohravardî, récit de l’archange empourpré, in L’archange empourpré, traduction Henry Corbin, Paris : Fayard, p. 203 « Une simple lampe fait apparaître la même vertu ; en bas, la flamme est blanche ; en haut, elle tourne en fumée noire ; à mi-hauteur, elle apparaît rougeoyante. Et mainte autre analogie ou similitude serait à citer en exemple de cette loi ! ».

[3] Platon, Protagoras, Euthydème, Gorgias, Ménexène, Ménon, Cratyle, traduction : Émile Chambry, Flammarion, 1967, p. 256, 504 b. Cette traduction permet de faire le rapprochement avec la dérèglementation qui touche la finance au détriment du monde du travail.

[4] Platon, Gorgias, Œuvres complètes, Paris : Gallimard, t. 1, 1950, p. 461.

[5] Platon, Œuvres complètes, Gallimard, 1950, tome I, 523d, p. 484.

[6] Platon,Œuvres complètes, Gallimard, 1950, tome I, 486b, p. 430.

[7] Jean, 18 22-23.

[8] Platon,Œuvres complètes, Gallimard, 1950, tome I, 486b, p. 460.

[9] Marinetti, Le futurisme, l’Age d’Homme, Lausanne : 1980, p. 152.

[10] Marinetti, Le futurisme, p. 126.

[11] Marinetti, Le futurisme, p. 102.

[12] Internet site : diplomatie.gouv.fr. consulté le 8 04 2013.

[13] Gilles Deleuze, Logique du sens, pp. 14-15 déjà cité ici p. 5.

[14] Platon, Phèdre, Œuvres complètes, Paris : Gallimard, TII, p. 46 .

[15] Jean-Christophe Saint-Pau, Responsabilité civile et anormalité, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003 p. 252.

[16] Jean-Christophe Saint-Pau, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003 p. 252.

[17] Jean-Christophe Saint Pau, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003 p. 253.

[18] Christophe Radé in Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003 p. 242.

[19] Christophe Radé, Retour sur le phénomène Perruche in Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003 p. 235.

[20] Jean-Christophe Saint-Pau, Responsabilité civile et anormalité, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003.

[21] Étude à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, 2003, p. 252.

[22] Phidias, Frise du Parthénon, représentant la fête nationale des Pan Athénées, de style sévère. La plupart des personnages vont de la droite vers la gauche, comme dans la plaque VIII de la frise sud, Procession des jeunes filles, Londres : British Museum. Mais certains personnages font face au mouvement comme dans la Plaque dite des Ergastines, fragment de la frise est du Parthénon, Paris : Musée du Louvre.

[23]La vitesse est possible dans la mesure où son usage est adapté à la conception de la machine et à la sécurité des passagers. Cela constitue la responsabilité du conducteur ou du pilote vis-à-vis des ses passagers et riverains.

[24] L’Europe se confronte aux nationalismes sur son territoire mais également dans les relations internationales. Le manque de connaissances, le repliement culturel ou religieux et l’autarcie des pays rendent les populations peureuses et intolérantes. Or, la connaissance est comparée : elle n’existe pas pour elle-même mais pour l’autre et le partage.

[25] Gaston Bachelard, La flamme d’une chandelle, P.U.F., 1996, p.32. Le petit monde est le premier ciel binaire de l’être et du non-être, des mesures de la macro physique et de la politique. La morale de l’univers respecte les incommensurables.

[26] Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie, Paris : P.U.F., pp. 16-19 ; 48 et suivantes.

[27] Anima : concept inventé par Carl Gustav Jung pour décrire un aspect de l’âme qu’il oppose à l’animus. Les mains féminines et masculines sont présentes dans notre rapport au monde. La pensée contemporaine reprendra le modèle en l’élargissant du binaire au multiple, notamment avec Gilles Deleuze, et aussi dans la psychologie contemporaine.

[28] Henry Corbin, Avicenne et le récit visionnaire, Verdier, 1999, p. 358-361 : « Il faut savoir que l’accès de ce par quoi la Connaissance est produite en nous et ce par quoi notre âme devient sachante, commence par la voie des sens ; tant que nous ne percevons pas les choses sensibles […] la Connaissance est hors de notre atteinte ». L’important est que tu montes tes facultés et que ce ne soit pas tes facultés qui te prennent pour monture.

[29] Amour : agir dans le souci de garder l’unité.

[30] Umberto Boccioni, formes uniques dans la continuité de l’espace, Museum of modern art, New-york, 1913.

[31] Umberto Boccioni, L’Éveil de la ville, Musée d’art moderne de New-York, 1910.

[32] Platon, Le Banquet, 205e :« […] c’est qu’il n’est d’amour ni de la moitié ni du tout, à moins par hasard que ce soit mon ami une bonne chose, car les gens acceptent de se faire couper les mains et les pieds, quand ces parties d’eux-mêmes leur semblent mauvaises. » 206c « L’union de l’homme et de la femme permet l’enfantement ». L’amour est un acte qui permet l’union des parties et de là la procréation, le don.

[33] Gaston Bachelard, Le matérialisme rationnel, Paris : PUF, 2000, p. 80.

[34]F.T. Marinetti, Le futurisme, Lausanne : l’âge d’homme, 1980, p. 152.

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 11:19

Pour l’exposition du 20 avril au 27 novembre 2011 à Bruxelles, la tombe de Toutankhamon s’est dépliée devant nous comme s’ouvre un bouton de rose. Mais la vie du pharaon n’a jamais fleuri. Elle resta un bouton de rose pour témoigner du passé. Cette exposition nous apprenait que la momie portait la marque d’une fracture ouverte du fémur au niveau du genou. L’analyse de la momie permet d’avancer l’hypothèse que Toutankhamon était sportif et en bonne santé ! En voyant les voitures légères qui composent le mobilier de sa tombe, manifestement ce jeune homme de dix-neuf ans aimait conduire ses meilleurs chevaux. L’hypothèse d’une blessure liée à l’usage de ces chars n’est pas à écarter. Cette hypothèse sur les circonstances de sa mort rend Toutankhamon proche de nos préoccupations contemporaines. La conduite comporte des risques ; elle est donc associée à la sagesse. L’usage de véhicules peut être utilisé comme un moyen éducatif. Toutankhamon se familiarisait-il à la sagesse avec ses chevaux et ses chars ? Statistiquement, les insuffisances techniques, ou humaines montrent qu’il est impossible de réduire à zéro les risques d’accidents. Mais l’amélioration du réseau routier, la sensibilisation des conducteurs à leurs responsabilités montrent que les pourcentages de morts et blessés peuvent diminuer considérablement. L’aurige est un thème de tous les temps. Conduite et sagesse sont associées. L’aurige est un archétype de la conduite de la personne et de la liberté de l’âme. Il y a une relation entre conduite et philosophie. Les mots, les accidents, l’éducation, la difficulté des sentiments et la liberté… sont les mêmes pour conduire et pour parler de philosophie, car nos comportements au volant engagent la vie des autres. La machine a inspiré des lignes d’ombres aux démons de nos parents fiers de leurs nouvelles inventions. Leurs discours, comme ceux de Marinetti ou de Françoise Sagan, ne sont plus de mise car nous sommes aujourd’hui très nombreux sur les routes. De la philosophie morale de Platon vient l’image mentale de l’aurige et la richesse de son heuristique en fait une matrice. Elle incite à regarder de façon critique les philosophies qui ont accompagné les nouveautés techniques du XXème siècle, au service d’une pensée sans conscience et sans souci du respect des codes qui régissent la vie. Le livre Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps[1]montre la fonction normalisante des lois et suggère des orientations sans solidarité à une époque où les institutions européennes tentent de se mettre en place. D’un côté la loi normalise les comportements comme L’IVG qui devait résoudre les cas de grossesses chez les mineurs mais qui en fait s’est avéré très utilisé pour prévenir les naissances des trisomiques et des enfants atteints de handicaps dits lourds. La substance du corps social ne réside-t-elle pas justement dans la solidarité ? Dans nos fragilités et blessures se constituent autant d’ouvertures aux relations.

 

Les images de l’homme dirigeant un ou plusieurs chevaux sont fréquentes et peuvent être très anciennes. Une des merveilles du monde est l’Aurige de Delphes, en Grèce. Le mot aurige signifie « celui qui détient les rênes ». La statue faisait partie d’un ensemble de quatre chevaux tirant un char. Cette œuvre date de 477 avant J. C. Elle est un ex-voto de bronze érigé en commémoration du quadrige victorieux lors des jeux pythiques de 478 et 473 avant J. C. Le style de l’œuvre est sévère et d’une période artistique qui sort de la période archaïque et introduit les œuvres classiques. La simplicité augmente la légèreté et l’économie des lignes et témoigne du savoir-faire de l’artiste. Il s’agit bien ici de savoir et de sagesse qui veulent donner aux formes ni trop, ni trop peu. Et cette sagesse fait signe à la conduite où nous avons besoin du savoir éclairé par la sagesse. La rapidité et la légèreté avec lesquelles nous nous déplaçons d’un lieu à un autre seront objet d’enthousiasme et d’offrandes aux dieux, et encore aujourd’hui, les grands pilotes automobiles sont admirés. Cette admiration ne se limite pas à la vitesse qu’ils pratiquent mais à leur connaissance des machines et de leurs caractéristiques et ainsi qu’aux performances qu’ils peuvent en attendre. Par cette admiration, nous reconnaissons les améliorations qu’ils apportent aux voitures par leurs connaissances et leur expérience. Comme membres des équipes qui entourent la course automobile, ils permettent la mise au point d’innovations pour des voitures de série plus sûres et plus protectrices.

 

Sur le bas relief de l’étendard d’Ur[2],au troisième millénaire, revivent des chars à roues pleines tirés par des équidés dans les couleurs chatoyantes que la mosaïque a su garder. Les restes des premiers véhicules à roues se trouvent en Égypte. Tout le monde est d’accord pour dire que l’invention de la roue marque le début du véhicule. Elle permet de transporter plus lourd, plus rapidement qu’à pied ou à cheval et, avec le temps, plus rapidement en camion, ou en train. Les accidents de cheval, de voiture, d’avions, de trains furent de tout temps la cause de graves dommages personnels et de pertes de vies. Grace Kelly et Lady Diana sont deux exemples fameux. Dans nos familles, nous comptons tous des victimes de la route. Dans le trafic de tous les jours, les conditions sont différentes des courses automobiles. Le film, Les choses de la vie[3]est d’une émouvante actualité. A bord de son automobile, le personnage principal, l’avocat Pierre Delhomeau, se rend à Rennes où il va défendre un cas. Sur le trajet, il meurt dans un accident de voiture. Le film raconte ses dernières pensées avant de mourir. Il laisse dramatiquement dans une de ses poches la lettre de rupture qu’il destinait à sa fiancée. Partent avec lui les souvenirs de sa joie de vivre.

 

Dans le contexte du réseau routier, la sagesse relève de notre responsabilité. Elle n’est pas celle du circuit automobile, mais elle demande un certain niveau de connaissances en physique pour comprendre les forces qui régissent la conduite d’un véhicule. En circulant à une vitesse élevée, le contrôle du véhicule devient plus difficile. En effet, dans les courbes, la force entre les pneus et le revêtement de la route augmente avec le carré de la vitesse et avec l’amplitude du virage. Cela ajouté à l’inertie de la voiture, les risques de dérapage et de sortie de route sont importants. Pour pouvoir suivre les conseils des assureurs, il est nécessaire de connaître des notions simples comme la résistance, la quantité de mouvement, la vitesse, la masse. Ces connaissances de base sont utiles à tous et toutes et nous devons les enseigner à nos enfants. La conduite traduit la force d’âme dans le comportement. Les charretiers avaient la réputation de jurer dans les manœuvres d’où l’expression célèbre : « Jurer comme un charretier ». Jurer dénote un manque de force d’âme, mais cette dernière peut-être développée par la créativité et l’audace, en surmontant les difficultés et en encourageant la constance dans l’effort.

 

Platon a choisi l’image de l’aurige pour la rhétorique. Comme dans tous les arts, bien parler vient de l’âme. Comme dans tout art, pour bien parler il est nécessaire d’aimer. Platon parle d’amant à propos de l’orateur et d’aimé à propos de l’auditeur avec qui partager le savoir. Chacun doit posséder les ailes de la sagesse et la raison. L’âme de l’amant et l’âme de l’aimé se divisent en trois parties dans l’image mentale de Platon, le cocher et une paire de chevaux.

« Or, voici maintenant de quelle façon tombe aux mains de ce dernier (l’amant) celui qui a été pris. Conformons-nous à la division faite au début de cette histoire, de chaque âme en trois parties, dont deux ont forme de cheval et la troisième forme de cocher ; […] Des deux chevaux, donc, l’un disons-nous, est bon, mais l’autre ne l’est pas »[4].

Le char ailé de Platon avance avec le cheval impulsif et émotif, dispersé, autant qu’avec la réserve et la crainte de l’étalon. Il est la mesure et la référence de la sagesse ailée ainsi que des perfections dans l’unité avec le cocher. L’étalon est le standard, la référence pour mesurer, juger et ajuster. « Il faut en effet, chez l’homme, que l’acte d’intelligence ait lieu selon ce qui s’appelle Idée, en allant d’une pluralité de sensations à une unité où les rassemble la réflexion »[5]. Le spirituel vers lequel tendent les deux chevaux, l’un par l’intelligence et l’autre les émotions, est « l’Emplumé »[6]. L’Amour permet à l’âme de porter « l’Emplumé », présent en elle. Entre l’enthousiasme et la raison, le désir et la vertu, savoir utiliser toute sa personnalité permet d’avancer dans la sagesse. Pour éviter un discours trop direct et parfois binaire, sans matière, sont nécessaires les plis du sensible, de l’affection, des préoccupations heuristiques ; l’attelage a besoin d’être bien équilibré entre les mesures et le désir. L’objet est porté par la légèreté du divertissement, arc de l’attention, de l’humour, arc de la simplicité, l’heuristique arc de la relation, des figures de styles...

 

Pour défendre l’ombre du cheval fougueux, il convient de tenir compte du désir. Jean-Paul Sartre le décrit et en démontre l’importance dans Les mots :

 « Je le détestais parce qu’il oubliait de me choyer […] J’avais deux raisons de respecter mon instituteur : il me voulait du bien, il avait l’haleine forte. […] il ne me déplaisait pas d’avoir un léger dégoût à surmonter : c’était la preuve que la vertu n’était pas facile. […] je confondais le dégoût avec l’esprit de sérieux. J’étais snob. […] « Le père Barrault pue » et tout se mit à tourner : je m’enfuis en pleurant. Dès le lendemain je retrouvais ma déférence pour M. Barrault, pour son col de celluloïd et son nœud papillon. Mais, quand il s’inclinait sur mon cahier, je détournais la tête en retenant mon souffle »[7].

L’œuvre de Jean-Paul Sartre, Les mots, décrit ses souvenirs d’enfance, les relations privilégiées qu’il avait avec ses maîtres. Elle offre également une image intéressante de la vertu. Sans la nier, l’auteur dénonce le snobisme qui impose de mauvaises conditions aux vertueux impliqués dans l’étude et le travail. La vertu n’est pas facile mais il est préférable de ne pas lui associer des obstacles, comme l’odeur pour le jeune J. P. Sartre. Disons que ces mauvaises conditions, parfois fortuites et difficilement évitables, ne sont pas à rechercher. Par exemple, produire en travaillant quatorze heures par jour est préjudiciable et met les vertueux dans la difficulté. Dans le travail comme dans l’art, les deux chevaux de l’âme, sensibilité et idéal, contribuent à l’efficacité. La conduite de notre personnalité et nos relations avec les autres ne peuvent nier ni le corps, ni la chair de l’intelligence, leurs fragilités, ni l’esprit.

 

Dans le film Décomposition symphonique n°9 pour accident de voiture[8]de Félix-Etienne Tétrault, nous pouvons entendre le son d’une respiration ou peut-être le bruit de l’assistance respiratoire accompagnée d’une batterie d’intensité plus ou moins faible aux sons aigus qui rappellent le bruit régulier des machines, des rythmes qui accompagnent la vie. Quand le souffle cesse, alors tout s’arrête. Cette musique d’une mort par accident réveille nos consciences. Tous les conducteurs savent qu’ils prennent des risques pour leurs vies, celles de ceux qui les accompagnent et celles des tiers présents dans le trafic en perpétuelle augmentation. Sadako Sasaki lance ses mille grues de papier qui accompagnent la légende de paix de l’origami. « J’ai écrit la paix sur tes ailes. Vole de par le monde pour que plus aucun enfant ne meure ainsi ». Ce sont les mots de Sadako Sasaki et la substance qui s’attache à son nom. Quand la personne meurt, sa rose se replie sur elle-même. Sa lumière reste, devient icône pour se fondre dans une conscience commune. Les modes de la vie et la liberté ne sont pas liés aux accidents. Ce serait faire preuve de pessimisme de s’opposer aux stoïciens en considérant que les accidents déterminent nos choix, notre conscience. Ce serait encore faire preuve de pessimisme de croire que les chantages au travail, à l’amitié, à la calomnie, à la prison puissent altérer la personne. Gilles Deleuze, dans Logique du sens[9], décrit le mélange stoïcien sans destruction des corps mais avec des effets de désorganisation favorable à de nouveaux liens plus puissants et plus larges. Par la blessure, la relation ouvre sur les devenirs, mais la nature des corps ne change pas. « Elle sait que les événements concernent d’autant plus les corps, les tranchent et les meurtrissent d’autant plus qu’ils en parcourent toute l’extension sans profondeur »[10]. Dans la relation se dévoile la substance.

« Que veulent dire les Stoïciens lorsqu’ils opposent à l’épaisseur des corps ces événements incorporels qui se joueraient seulement à la surface, comme une vapeur dans la prairie »[11].

Les mélanges en présences paradoxales permettent les émanations de surface. Dans la Logique du sens, le devenir s’inscrit dans la légèreté de l’ontique, dans la vie, dans les croûtes fragiles du quotidien, du travail constituant le plan de l’existence. Le drame est de mourir en écrivant une lettre de rupture comme le personnage de Paul Guimard, d’être méprisant, ou de favoriser la réduction de l’autre à un pli unique[12]. Quand Pierre Curie, inventeur avec son épouse Marie de la radiologie, si utile à la réduction des fractures, mourut sous un lourd véhicule, quand Archimède, inventeur du calcul infinitésimal, meurt gratuitement par la bêtise d’un soldat, la relation, à chaque fois, s’est interrompue. La lumière se retire. L’humanité se ferme. L’être existe dans l’étant, la présence, la chair. Dans la mort, la pensée de la personne se joint à la mémoire et aux pensées même de Dieu. Elle reste mouvante pour pouvoir inspirer la création amoureuse du visible et de l’invisible. Dans la résurrection, le ciel de la matière devient un éloge à Dieu qui manifeste ainsi son amour sur tous les ciels de ses enfants. L’image mentale des grues de Sadako Sasaki est dans le cœur des hommes de tous les peuples. Sa légende est comme un passereau, une relation entre des lieux géographiquement éloignés, du cœur, de l’esprit, de l’âme, presque rien comme des petits papiers pliés, ou comme les papiers du Tibet. Quand une personne meurt par accident, tous portent la responsabilité de ce recul. L’accident ferme une rose.

 

Comment échapper à l’envoutement de la vitesse ? Comment éviter les dérives violentes des pulsions de mort issues du rejet social qui se manifestent dans la conduite automobile ? Une des meilleures descriptions est celle de Françoise Sagan. Il y a des personnes qui cherchent à se détruire dans l’alcool, la cigarette, la drogue ou la vitesse. L’isolement de la société, la difficulté des relations engendrent une pulsion de mort, le rejet de l’homme, de l’humanité, un pessimisme. La pulsion de mort a été décrite pour la première fois par Sigmund Freud dans Essai de psychanalyse[13]. Qu’est-ce qui pousse le buveur ? La pulsion de mort. S. Freud associe la « pulsion du moi » à une tendance vers la mort. Il va trop vite. La « pulsion du moi »[14]qui pousse Françoise Sagan à écrire est le désir plus ou moins conscient de faire des liens, « vinculum »[15]pour assurer la cohésion du corps social. « La pulsion de perfectionnement » existe dans le refoulement des pulsions sexuelles, dans l’accomplissement des pulsions du moi, dans une spéculation. Partager les archétypes de la pensée entre en contradiction avec la cruauté présente dans les relations. La pulsion du moi est une pulsion de vie dans le corps social, mais la dureté du miroir du regard des autres provoque un désir de fuite de F. Sagan dans l’ivresse de la vitesse et dans l’usage des drogues. Pour beaucoup, le stress de la vie sociale se traduit par des excès de nourriture, ou l’inverse l’anorexie, l’excès de boisson ou de cigarettes... Avant d’entrer dans la doxa[16]collective, la pensée se heurte au gros animal : « En fait foncièrement conservatrice, elle (la foule) a une profonde horreur de toutes nouveautés et de tous les progrès […] dans un rassemblement d’individus en foule, toutes les inhibitions individuelles tombent… »[17]Cette lourdeur explique le rejet de la doxa par les grands penseurs comme Parménide ou encore Simone Weil, la philosophe. L’angoisse de Françoise Sagan lui fait écrire : « Qui n’a pas cru sa vie inutile sans celle de « l’autre » et qui, en même temps, n’a pas amarré son pied à un accélérateur à la fois trop sensible et trop poussif, […] qui n’a pas ressenti, tout en se livrant à ces tentatives toutes de survie, le silence prestigieux et fascinant d’une mort prochaine… »[18]. Ces propos sont sans conscience de l’autre car la conduite nous engage vis-à-vis de l’autre. Il nous faut respecter sa rose et celles de notre entourage. « L’important c’est la rose »[19]. Bien sûr, les angoisses des rapports sociaux et du rejet existent toujours mais il n’est aujourd’hui plus possible d’utiliser la vitesse pour les exprimer.

 

Marinetti, comme Françoise Sagan, utilise l’image de la vitesse pour dire le malaise des intellectuels et dénoncer l’isolement des clercs, dramatisé par Julien Benda. L’affaire Dreyfus fut l’occasion de séparer les intellectuels en deux camps, avec toute la violence du binaire : d’un côté les nationalistes, de l’autre Julien Benda qui dénonce l’engagement nationaliste des clercs[20]. Selon Julien Benda, le clerc est apolitique, garant de la moralité. La réaction de Benda est celle de l’intuition de la catastrophe : « l’homme de science, l’artiste, le philosophe sont attachés à leur nation autant que le laboureur et le marchand ; ceux qui font au monde ses valeurs les font pour la nation ; les ministres de Jésus défendent le national. Toute l’humanité est devenue laïque, y compris les clercs. Toute l’Europe a suivi Luther, y compris Erasme »[21]. Le cri d’alerte de Julien Benda était juste mais l’isolement qu’il impose aux clercs non fascistes ou non communistes les éloigne de la scène politique et leur voix ne sera pas entendue face à l’engagement militant des clercs qui soutiennent les dictatures. La position de retrait des clercs démocrates du monde politique et social est inspirée d’Alexis de Tocqueville[22] qui instaure la jeune République française en célébrant la démocratie américaine. « J’ai dit que les prêtres américains se prononcent d’une manière générale en faveur de la liberté civile, […] cependant on ne les voit prêter leur appui à aucun système politique en particulier. Ils ont soin de se tenir en dehors des affaires, et ne se mêlent pas aux combinaisons des partis »[23]. Ce principe convenait à l’Amérique, plus homogène que l’Europe, qui ne connaissait pas partout une liberté démocratique. Par exemple, ce principe a fonctionné dans l’Europe de l’entre-deux guerres favorisant les dictatures fascistes et les dictatures communistes. Il fonctionne encore bien, alors que l’Europe accueille de nombreux immigrés issus de systèmes politiques peu démocratiques. La crédibilité est portée par les institutions, qu’elles soient politiques ou religieuses, syndicalistes ou familiales, enseignantes, toutes dans le souci du pacte fondamental de respect de l’humanité démocratique. Pour reprendre l’exemple de l’entre-deux guerres, on ne peut que déplorer le silence imposé aux intellectuels démocrates, à Simone Weil, la philosophe, à Anne-Marie Schwarzenbach, journaliste, ou à l’Église dans les années 30[24]. Les clercs démocrates ne s’expriment pas politiquement suivant les préceptes d’Alexis de Tocqueville. Mais aussi, la peur des persécutions leur impose le silence face à la doxa des dictatures, la propagande. Le bloc des prêtres, à Dachau[25], témoigne de la dureté des dictatures pour l’opposition politique. La propagande se répand sans barrière dans toutes les institutions de l’Europe. Filippo Tommaso Marinetti s’insurgera contre la tradition laïque, sans prendre conscience de ses origines américaines, son discours cherche à vaincre par la violence. Marinetti, proche de Mussolini, contre Julien Benda, « s’est en revanche déclaré pour la « trahison des clercs », selon la saisissante formule de Julien Benda, en revendiquant pour l’intellectuel un rôle social et une participation directe au monde de l’histoire. »[26] Il est étrange que personne n’ait pensé à contredire Alexis de Tocqueville. Son principe d’éloignement des clercs de la vie sociale se justifiait à une époque où le savoir appartenant à l’Église qui n’était pas démocratique et restait fidèle à l’ancien régime. Ce n’est plus vrai à partir du XIX° siècle avec l’émergence des intelligentsias[27] et le manque de formation des prêtres. L’humanité a plusieurs plis et des responsabilités différentes partagent généralement la vie. Les intellectuels, pour rester dans l’action, garder des engagements individuels et personnels, quittent alors les pensées démocratiques et se réfugient dans les mouvances des dictatures communistes ou fascistes. Un des exemples les plus marquants est le cas du grand poète Aragon[28]. Le vingtième siècle se caractérise par le pessimisme démocratique des clercs et des intellectuels. La révolte, la peur, la violence transparaissent dans les discours soucieux d’une humanité adaptée aux rêves de perfection des machines. Le cheval fougueux a tué son paisible partenaire pourtant si nécessaire. Marinetti écrira son manifeste : « La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif […] Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle, est plus belle que la Victoire de Samothrace »[29]. « Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires »[30]. Ces propos décrédibiliseront le progrès et les sciences, les machines et la réflexion sur la dynamique qui régit l’énergie humaine et la société. Le texte du second manifeste futuriste Tuons le clair de lune[31] détruit la tradition poétique de l’Orient : « […] sur le plateau persan, sublime autel du monde, dont les gradins démesurés portent des villes populeuses. […] Il y flottait une tendresse amère… Les rossignols buvaient l’ombre odorante avec de longs glouglous de plaisir et tour à tour pouffaient de rire dans les coins, jouant à cache-cache comme des enfants espiègles et malins… Un sommeil suave gagnait l’armée des fous, qui se prirent à crier de terreur. Aussitôt les fauves se ruèrent à leur secours […] les tigres chargèrent les fantômes invisibles dont bouillonnait la profondeur de cette forêt de délices… »[32]. Le langage, le discours amoureux servent d’images, en Orient, pour désigner la prière et la louange qui unissent le sage à Dieu. Il n’y est pas question de délice mais d’imaginal, reflet sensible des lumières spirituelles, prolongement de la sagesse dans les relations amoureuses de l’existence, le chant amoureux de l’oiseau ou du fiancé ! Il y est question de louange aux beautés du quotidien et d’amour de la vie



[1] Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003.

[2] Étendard d’Ur, Bas relief en mosaïque des tombes royales d’Ur, IIIème millénaire avant J.C., Londres, British Museum.

[3] Claude Sautet, Les choses de la vie, 1970, film avec Romy Schneider et Michel Piccoli. Le livre est de Paul Guimard, Les choses de la vie, Ed. Folio, 1973.

[4] Platon, Œuvres complètes, Phèdre, Paris : Gallimard, 1950, tome II, pp. 44,45.

[5] Platon, Œuvres complètes, Phèdre, Paris : Gallimard, 1950, tome II, p. 39.

[6] Platon, Œuvres complètes, Phèdre, Paris : Gallimard, 1950, tome II, p. 42-43.

[7] Jean-Paul Sartre, Les mots, Gallimard, 1964 pp. 66-68.

[8] Félix-Etienne Tétrault : Décomposition symphonique n°9 pour accident de voiture, 2010, Internet, Artflx.olympenetxork.com.

[9] Gilles Deleuze, Logique du sens, Éditions de minuit, 1969.

[10] Gilles Deleuze, Logique du sens, Éditions de minuit, 1969, p. 20.

[11] Gilles Deleuze, Logique du sens, Éditions de minuit, 1969, p. 14-15.

[12] Gilles Deleuze écrit à propos de G. W. Leibniz, « essayer encore une fois d’étendre sa région d’expression claire, essayer d’augmenter son amplitude, de manière à produire un acte libre qui exprime le maximum possible de telles et telles conditions. » G. Deleuze, Le pli, Paris : Éditions de Minuit, p.99. « Or, au même moment, une infinité de monades n’ont pas encore été appelées et restent pliées, une autre infinité sont retombées ou retombent dans la nuit, repliées sur elles-mêmes, une autre infinité se sont damnées, durcies sur un seul pli qu’elles ne déferont plus. » G. Deleuze, Le pli, Éditions de Minuit, p. 101. Ces propos sont développés dans Monique Oblin-Goalou, Le Rhizome sous l’arbre, Lilles ANRT 1988, p. 431.

[13] S. Freud, Essais de psychanalyse, Payot, 1981, p. 82 : « […] tout être vivant meurt, fait retour à l’anorganique, pour des raisons internes, alors nous ne pouvons que dire : le but de toute vie est la mort et, en remontant en arrière, le non vivant est là avant le vivant » Au-delà du pessimisme de S. Freud sur l’origine non-vivante (il n’y a pas d’apparition spontanée de la vie), son intuition de la présence de tendance vers la mort dans toute vie est liée au fait que tout être vivant passe un jour par la mort.

[14] S. Freud, Essais de psychanalyse, Éditions Payot, 1981, p. 89.

[15] Terme de Gilles Deleuze in Le pli, Paris Éditions de Minuit, 1988, p. 150-163.

[16] La doxa est dans la philosophie de Parménide une connaissance confuse qui sert de support aux relations et s’oppose à la vérité. La doxa sert des intérêts idéologiques. Elle est incontournable dans les relations qui structurent le groupe. Mais, sans une capacité à se renouveler dans la recherche de la vérité par la connaissance et l’expérience, la doxa sert des individus et des lobbies qui nuisent aux sociétés.

[17] S. Freud, Essais de psychanalyse, Éditions Payot, 1981, p. 134.

[18] F. Sagan, Avec mon meilleur souvenir, Paris : Folio Gallimard, 1992, p. 61.

[19]Chanson L’important, c’est la rose, paroles de Louis Amade, musique de Gilbert Bécaud.

[20] Clerc : personne engagée dans l’état ecclésiastique, employé d’une étude d’officier public ou d’officier ministériel, lettré, savant, intellectuel.

[21] Julien Benda, La trahison des clercs, Edition Grasset 1975, p. 278.

[22] Alexis de Tocqueville, 1805-1859 : homme politique libéral conservateur car issu d’une famille royaliste. Par ses écrits, il est célèbre pour ses analyses de la révolution française et de l’évolution des démocraties. Il oriente la démocratie vers une dimension sociale. Il est défenseur de la liberté individuelle et l’égalité politique. Ses écrits ont une influence importante sur la pensée contemporaine. Il est un des pères de la démocratie en France, dans le monde et du droit moderne.

[23] Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris : Flammarion, 1981, tome 1, p. 397.

[24] « Considérée (l’Église Catholique) par le régime nazi comme son principal adversaire […] Elle se garda de toute intervention politique. Reste que le tiers du clergé catholique fut poursuivi d’une manière ou d’une autre par la police politique et que bon nombre de prêtres payèrent de leur vie leur fidélité à leur foi. » Isabelle Hausser, Dossier in Hans et Sophie Scholl, lettres et carnets, p. 443.

[25] Le témoignage du luxembourgeois, le Père Jean Bernard in Pfarrerblock 25487, Luxembourg : éditions Saint-Paul, 2004 (Bloc des prêtres, même éditeur2006 ) inspirera Le film de Volker Schlöndorff, Le neuvième jour, 2004.

[26] Giovanni Lista, Préface in F. T. Marinetti, Le futurisme, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, p. 16.

[27] Intelligentsia : définie selon le philosophe polonais Carol Liebelt comme les gens instruits, les professeurs, le clergé, les ingénieurs. Ce mot apparaît quand la connaissance commence à agrandir son rayonnement au-delà des abbayes. Les bibliothèques se démocratisent par l’imprimerie.

[28] « L’écroulement du communisme historique était inévitable, mais il laisse un vide. Notamment en ce qui concerne la culture. Quel autre parti publiait de la poésie dans son journal ? » Pierre Juquin in Louis Aragon le fou des mots, Hors-Série Le Monde une vie une œuvre, novembre-décembre 2012, p. 67.

[29] F. T. Marinetti, Le Futurisme, Premier manifeste du futurisme, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, p. 152. Marinetti privilégie l’action et réélabore les formes esthétiques comme le feront plus tard le groupe De Stijl et le Bauhaus pour chercher les formes de la dynamique de la vie, de la production et du progrès.

[30] T. Marinetti, Le Futurisme, Premier manifeste du futurisme, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, p. 153.

[31] Tuons le clair de lune in F. T. Marinetti, Le futurisme, Lausanne : Éditions l’Âge d’Homme, 1980,  pp. 157-169. Ce texte manifeste contre la vision du clerc isolé et solitaire, romantique qu’imposait Julien Benda au début du XXème siècle.

[32] T. Marinetti, Le Futurisme, deuxième manifeste futuriste, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, pp. 164-165. T. Marinetti s’attaque à la spiritualité de la poésie orientale, dont le chant amoureux de l’oiseau ou de l’amoureux sont le reflet du chant de celui qui cherche Dieu, un lien lieu de la Rencontre. Le spirituel réduit à un fantôme disparaît dans le fracas des armes et les fauves mangent l’oiseau qui chantait.

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3 juillet 2013 3 03 /07 /juillet /2013 14:17

Le dialogue avec la bête

 

La cohabitation de l’homme avec les bêtes sauvages est difficile encore dans certains pays comme l’Inde. Mais en France et au Portugal cette question s’est déjà posée au XVIII° siècle avec les Loups et les renards.

Décors : Une table avec un morceau de tissu, le château en polystyrène, les marionnettes.

La scène 1 est jouée en avant de la table, au pied de la table.

Pour la scène 2, on entend juste les voix.

Ensuite les autres scènes sont jouées dans le château derrière les murs en polystyrène.

 

Introduction :

 

Il y a bien longtemps, sous Louis XIV, durant une famine, les animaux se révoltèrent. Les hommes avaient faim et chassaient les animaux sauvages. Les animaux sauvages attaquaient les poulaillers et les troupeaux. Les bêtes firent du bruit dans le royaume pour se faire entendre.

Une des filles du roi prit l’affaire en main car elle aimait les animaux.

Scène 1

1La princesse : Tous les animaux ne peuvent parler ensemble et rencontrer le roi et son scribe. Choisissez parmi-vous qui ira au château.

 

Bruit de chuchotements les animaux se consultent. Bruit de bêlements, d’aboiements, de glapissements

 

1Le chat à la princesse : Le renard représentera les animaux sauvages. Il a été choisi pour sa ruse.

Le mouton représentera les troupeaux.

Et l’oie les poulaillers.

Les loups n’ont pas voulu que le renard parle pour eux. Ils sont représentés par deux loups.

Avec le chien nous surveillerons tout ce monde pour qu’ils soient sages dans le château.

 

Le roi s’approche de la muraille accompagné de la reine et d’un scribe chargé de noter les ordres du roi.

 

1Le Roi : Qu’est-ce que tout ce bruit ?

 

2La princesse en bas des murailles avec les animaux : Les animaux ont des requêtes. Leur situation est devenue insupportable.

 

2Le Roi  dans le château: Est-ce une raison pour faire tant de bruit ?

 

1Le Renard : Nous avons faim et les forêts son devenues dangereuses. Nous ne pouvons plus attendre.

 

Scène 2 Les animaux entrent dans le château

3Le Roi au scribe : Faites entrer ces animaux.

 

1Le scribe : Dois-je faire entrer les loups ?

 

Scène 3

1Le loup tacheté : Les hommes chassent dans la forêt sans autorisation. Mes cousins les grands loups du Gévaudan sont inquiets et ont faim.

 

2Le Renard : Si je puis me permettre, Majesté, Souvenez-vous de Colbert. Il disait que les impôts devaient être payés par ceux qui se laissent plumer comme les oies. Nourrissez et habillez les hommes avec la viande et la laine des moutons. Laissez nous tranquilles dans les forêts.

 

1L’oie : Comment ferons-nous pour voler sans plumes ?

 

1Le chien : Nous, les chiens, nous vous rappelons qu’il est interdit de voler.

 

2L’oie : Il ne s’agit pas de cela. Nous sommes mécontentes d’être maltraitées. Nous volerons hors du royaume si nous sommes plumées avant l’hiver.

 

1Le Mouton : Comme les hommes, nous avons peur des loups. Il me semblerait plus sage de chasser les loups et de faire du feu avec les arbres pour que les hommes n’utilisent plus notre laine.

 

1Le Loup : Si tu parles encore, toi le mouton, je te mange. Grrr… Jean de La fontaine l’a dit dans sa fable : « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».

 

2Le chien : Tu ne mangeras pas le mouton car il est pour nous un bon plat. Contente-toi de dévorer les bêtes de la forêt.

 

2Le mouton : Quand cesserons-nous d’être associés à de bons petits plats et à des pulls chauds pour l’hiver ?

 

2Le chat : Je demande que le loup soit exclu de la discussion car il a déjà failli manger le mouton.

 

4Le Roi : J’accorde aux habitants des forêts le droit de chasser pendant l’hiver. Mais ils ne pourront pas vendre leur chasse.

 

2Le Loup tacheté s’approche du scribe : Si tu notes cet ordre je te mange la main.

 

2Le Scribe : C’est inutile, l’ordonnance concernant la chasse et les braconniers a déjà été imprimée récemment, en décembre 1715, chez Jean de la Caille.

 

3Le Loup tacheté : Qui est cette Caille qui va contre mes intérêts ?

 

3Le Renard : Jean Caille est le nom de l’imprimeur. Cette loi protège les habitants des forêts.

 

3La princesse : Les hommes n’ont plus de blé car la pluie a duré pendant l’été. Ils tuent les bêtes sauvages pour pouvoir manger.

 

3Le Mouton : Pourquoi seuls les seigneurs sont autorisés à chasser ? Tous les hommes devraient chasser. Cela nous permettrait de vivre plus longtemps.

 

2Le loup : La salive me monte à la bouche, tu ne devrais pas vieillir. Contente-toi de suivre les autres comme à ton habitude. Pfou ! La chasse à l’homme devient difficile !

4Le Renard : Méfie-toi, les hommes sont nombreux, ne livre bataille que si tu es sûr de la victoire.

 

5Le Roi : Que l’on tonde les moutons même s’ils sont maigres et les oies seront plumées afin qu’elles ne partent pas. Avec les chiens, tuons les renards et les loups pour protéger les troupeaux et éviter la rage.

 

4Le loup tacheté au scribe : Tu n’écriras pas cela ou je te mange la main.

 

3Le scribe : Encore, éloignez ce loup, il me fait peur.

 

Tous partent en grognant. Le scribe ne peut rien écrire car le loup le menace mais pour le loup la loi fut appliquée. Après un siècle de lutte, les derniers grands loups du Gévaudan étaient morts. L’élevage s’est intensifié et organisé. La victoire des troupeaux est éclatante et finalement La Fontaine s’est trompé, la loi du plus fort n’est pas toujours la meilleure.

 

 

 

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3 juillet 2013 3 03 /07 /juillet /2013 13:49

Hänsel et Gretel (adapté)

Histoire inspirée des Patins d’Argent de Mary Mapes Dodge 1865.(Introduction alternance rapide une fois) :

Connaissez-vous le pays des moulins ? Ce pays est aussi appelé le pays creux. La Hollande fait partie des Pays-Bas. Les Pays-Bas sont tout à côté de la Belgique. Ils font partie de l’Europe. La Hollande est formée de terres gagnées sur la mer, les polders.

 

Savez-vous pourquoi en Hollande il y a des moulins ? Quand la tempête souffle, l’eau de la mer entre sur les terres des Pays-Bas car ces terres sont au-dessous du niveau de la mer. Avec le vent de la tempête, les moulins tournent pour remonter l’eau vers la mer derrière les digues.

 

Les digues de Hollande sont des constructions appuyées sur des îles qui retiennent l’eau. Elles permettent la formation de polders qui sont des terres riches où cultiver et élever des animaux.

 

A partir du XVI° siècle, les ingénieurs de Hollande construisirent des barrages pour protéger les villages et les cultures.

 

Notre histoire est celle d’Hans et Gretel, les enfants d’un ingénieur blessé dans l’écroulement d’une digue. Ils habitent la petite ville de Lisse à 25 km d’Amsterdam.

Nous vous présentons les personnages principaux : Hansel, Gretel, la mère d’Hansel et de Gretel, le père malade qui sera soigné, l’amie de Gretel, le bourgmestre qui organise la course des patineuses et remettra le prix à la gagnante.

 

Première Scène La mère, Gretel, Hansel (les chandeliers)

1 La mère : Gretel, Hansel les canaux des polders sont gelés. Voilà plusieurs jours qu’il fait -20 degrés et la poissonnière m’a dit que la mer est gelée depuis plusieurs jours. Elle n’avait presque plus de poissons et encore à prix d’or.

 

1 Gretel : Hans, tu as travaillé toute la journée d’hier à la lumière de cette chandelle dans ta chambre mal chauffée. Il faudrait peut-être sortir prendre l’air. Allons patiner.

1 Hansel : Tu as raison Hansel, les copains organisent un entrainement de course tout à l’heure.

 

2 Gretel : Oui, allons patiner et danser sur la glace. Cela nous réchauffera. Il fait si froid.

 

2 La mère : Mes enfants n’oubliez pas vos gants. N’allez pas tomber dans les eaux glacées. S’il vous arrive un accident, entrez dans la maison la plus proche pour demander de l’aide. Ne rentrez pas à la maison vous mourriez de froid.

 

2 Hansel : Maman, Je repars demain. Avant de sortir, je voulais te redire que, par mes études, j’ai eu l’occasion de rencontrer un chirurgien qui opère. La blessure de papa n’est pas très profonde. Un os du crane est cassé et déplacé ?

 

3 La mère : Je te remercie Hansel. Mais nous n’avons pas d’argent pour faire venir cet homme. je vais y réfléchir. Peut-être peut-on emprunter un peu d’argent ?

 

Scène deux Gretel, Hansel (apparition au début), amie de Gretel, Bourgmestre, (les 3 concurrentes, les 2 spectateurs de la course)

Les copains d’Hansel (alternance rapide 1 ou 2 fois): Ah voilà Hans, nous pouvons annoncer le départ. Le départ a lieu. Allons-nous placer sur la ligne.

 

Les amies de Gretel (en alternance rapide 4 ou 5 fois): Une grande course de patinage est organisée aujourd’hui par la ville pour les filles. Tu y participeras Gretel ? Y participeras-tu Gretel ? Bis

 

3 Gretel : Mes amies, Je n’ai pas de patins d’acier. Je n’ai aucune chance avec mes patins de bois.

 

1 Une amie de Gretel : Prends les miens Gretel, je ne patine pas aujourd’hui. Je me suis fait mal au poignet.

4 Gretel (qui attache les patins) : Chère amie, Hans commence ses études de médecine à Amsterdam. Si je gagne, j’irai le voir à Amsterdam. Merci pour tes patins chère amie.

 

2 L’amie de Gretel : Nous préparons les bulbes de tulipes pour le printemps. Je vais souvent à Amsterdam prendre les commandes pour les fleuristes. Nous avons de gros clients pour les jardins de la ville d’Amsterdam. Je sais que le montant de la prime mise en jeu dans la course de patinage est important car mon patron y a mis une bonne somme. Tu patines bien Gretel. Tu as tes chances.

 

La petite foule (En alternance rapide):Allez, plus vite, bravo, en avant, Allez Gretel. C’est Gretel qui gagne ! Elle a mangé du lion !

 

1 Le Bourgmestre : Bravo Gretel ! Voici vos patins… Qu’allez-vous faire des florins que vous avez gagnés ?

 

5 Gretel : Monsieur, mon père doit se faire opérer. Cette somme aidera à le soigner. Je remercie mon amie qui a prêté ses patins pour que je puisse participer à cette course. Je ne savais pas si je pourrais gagner. Je suis très contente.

 

Scène trois Hansel, le Père, la mère, (les 4 nuages et les 4 moulins)

Quelques temps plus tard à la fonte des neiges.

Le vent siffle.

Wow wow wow… les moulins tournent dans la tempête !

Ils remontent l’eau partout en Hollande, de plus en plus vite, car la tempête est de plus en plus forte. Face aux assauts des vagues, les digues et les murs résisteront-ils ?

5 Hans : Papa Des hommes et des femmes arrivent.

Des voix multiples ( en alternance rapide 4 ou 5 fois ):-La tempête est si forte ! Il faut plus de main d’œuvre pour reconstruire les digues qui s’effondrent. Allez chercher des cailloux. Préparez le ciment. Étayez ! Encore des pierres, ici une fissure, apportez plus de galets, la charrette de sable par ici… La mule est épuisée... Etayez !

 

6 Hans : J’y vais.

 

1 Le Père : Je me sens bien. J’y vais aussi !

 

4 La mère : Mon ami, Il est impossible de te joindre aux autres. Tu es malade depuis ton accident. Tu as perdu la mémoire et tes forces depuis ces quelques années.

 

2 Le père : Par tes soins ma mie, je vais beaucoup mieux. j’ai retrouvé la mémoire. Ils auront besoin de mes conseils. Je peux reprendre le travail. Et je pourrai payer des études de médecine à Hansel et des études à Gretel qui est encore bien jeune.

 

La foule (en alternance rapide1 ou 2 fois) : Mais déjà la tempête s’apaise. Ce sera la dernière avant l’été. Enfin du temps pour nos ingénieurs pour réparer les casses de l’hiver. Enfin du temps pour renforcer les digues. L’été permettra au ciment de sécher. L’été permettra d’assécher. Nous pourrons nettoyer les canaux pour que l’eau y circule mieux. Les couleurs des fleurs bientôt envahiront la plaine. Nous irons pêcher le saumon et le cabillaud. J’irai chercher la terre pour faire des faïences. Les faïences lesteront nos bateaux pour aller toujours plus loin échanger la dentelle, le hareng, la laine, le gouda, la viande avec le vin et le blé. Les peintres nombreux témoignent pour toujours de notre joie de vivre, de nos fêtes et de nos loisirs. Les femmes jouent du piano et de la viole de Gambe pour nous dans les maisons élégantes. Et quand nous voyageons nous emportons ces sons, ces images et ces couleurs dans nos cœurs.

 

La foule (3 ou 4 fois en alternance rapide de moins en moins fort, de plus en plus brouillé) : Notre pays n’est pas austère mais lié au commerce et aux ports d’Anvers, d’Amsterdam… Nous sommes les premiers à pratiquer des loisirs sportifs. Galilée a publié chez nous car il était libre d’éditer. L’éclairage public et la pompe à incendie, les hospices, les entreprises et les médecins sont payés pour leurs services. Rembrandt a peint La Ronde de Nuit pour immortaliser la milice du capitaine Cocq qui assurait la surveillance d’Amsterdam. Il a peint aussi La leçon d’anatomie du docteur Tulp, en 1632, pour témoigner de la liberté de recherche et d’enseignement. Beaucoup de peintres témoignent de la richesse de notre époque. La connaissance, la richesse et la solidarité passent avant la naissance en République Hollandaise au XVII° siècle.

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 13:22

Marinetti, comme Françoise Sagan, utilise l’image de la vitesse pour dire le malaise des intellectuels et dénoncer l’isolement des clercs dramatisé par Julien Benda. L’affaire Dreyfus fut l’occasion de séparer les intellectuels en deux camps avec toute la violence du binaire. D’un côté les nationalistes, de l’autre Jullien Benda qui dénonce l’engagement nationaliste des clercs[1]. Selon Jullien Benda, le clerc est apolitique, garant de la moralité. La réaction de Benda est celle de l’intuition de la catastrophe : « l’homme de science, l’artiste, le philosophe sont attachés à leur nation autant que le laboureur et le marchand ; ceux qui font au monde ses valeurs les font pour la nation ; les ministres de Jésus défendent le national. Toute l’humanité est devenue laïque, y compris les clercs. Toute l’Europe a suivi Luther, y compris Erasme »[2]. Le cri d’alerte de Jullien Benda était juste mais l’isolement qu’il impose aux clercs non fascistes ou non communistes les éloigne de la scène politique et leur voix ne sera pas entendue face à l’engagement militant des clercs qui soutiennent les dictatures. La position de retrait des clercs démocrates du monde politique et social est inspirée d’Alexis de Tocqueville[3]qui instaure la jeune République française en célébrant la démocratie américaine. « J’ai dit que les prêtres américains se prononcent d’une manière générale en faveur de la liberté civile […] cependant on ne les voit prêter leur appui à aucun système politique en particulier. Ils ont soin de se tenir en dehors des affaires, et ne se mêlent pas aux combinaisons des partis »[4]. Ce principe convenait à l’Amérique, plus homogène que l’Europe, qui ne connaissait pas partout une liberté démocratique. Par exemple, ce principe a fonctionné dans l’Europe de l’entre-deux guerres favorisant les dictatures fascistes et les dictatures communistes. Il fonctionne encore bien, alors que l’Europe accueille de nombreux immigrés issus de systèmes politiques peu démocratiques. La crédibilité est portée par les institutions, qu’elles soient politiques ou religieuses, syndicalistes ou familiales, enseignantes toutes dans le souci du pacte fondamental de respect de l’humanité démocratique. Pour reprendre l’exemple de l’entre deux guerres, on ne peut que déplorer le silence imposé aux intellectuels démocrates, à Simone Weil, la philosophe, à Anne-Marie Schwarzenbach, journaliste, ou à l’Église dans les années 30[5]. Les clercs démocrates ne s’expriment pas politiquement suivant les préceptes d’Alexis de Tocqueville mais aussi par peur des persécutions de ceux qui s’opposent à la doxa du pouvoir, la propagande. Le bloc des prêtres, à Dachau[6], témoigne de la dureté des dictatures pour l’opposition politique. La propagande se répand sans barrière dans toutes les institutions de l’Europe. Filippo Tommaso Marinetti s’insurgera contre la tradition laïque, sans prendre conscience de ses origines américaines, son discours cherche à vaincre par la violence. Marinetti proche de Mussolini, contre Julien Benda, « s’est en revanche déclaré pour la « trahison des clercs », selon la saisissante formule de Julien Benda, en revendiquant pour l’intellectuel un rôle social et une participation directe au monde de l’histoire. »[7]Il est étrange que personne n’ait pensé à contredire Alexis de Tocqueville. Son principe d’éloignement des clercs de la vie sociale se justifiait à une époque où le savoir appartenant à l’Église qui n’était pas démocratique et restait fidèle à l’ancien régime. Ce n’est plus vrai à partir du XIX° siècle avec l’émergence des intelligentsias[8]et le manque de formation des prêtres. L’humanité a plusieurs plis et des responsabilités différentes partagent généralement la vie. Les intellectuels, pour rester dans l’action, garder des engagements individuels et personnels, quittent alors les pensées démocratiques et se réfugient dans les mouvances des dictatures communistes ou fascistes. Un des exemples les plus marquants est le cas du grand poète Aragon[9]. Le vingtième siècle se caractérise par le pessimisme démocratique des clercs et des intellectuels. La révolte, la peur, la violence transparaissent dans les discours soucieux d’une humanité adaptée aux rêves de perfection des machines. Le cheval fougueux a tué son paisible partenaire pourtant si nécessaire. Marinetti écrira son manifeste : « La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif […] Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle, est plus belle que la Victoire de Samothrace »[10]. « Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires »[11]. Ces propos décrédibiliseront le progrès et les sciences, les machines et la réflexion sur la dynamique qui régit l’énergie humaine et la société. Le texte du second manifeste futuriste Tuons le clair de lune[12]détruit la tradition poétique de l’Orient : « […] sur le plateau persan, sublime autel du monde, dont les gradins démesurés portent des villes populeuses. […] Il y flottait une tendresse amère… Les rossignols buvaient l’ombre odorante avec de longs glouglous de plaisir et tour à tour pouffaient de rire dans les coins, jouant à cache-cache comme des enfants espiègles et malins… Un sommeil suave gagnait l’armée des fous, qui se prirent à crier de terreur. Aussitôt les fauves se ruèrent à leur secours […] les tigres chargèrent les fantômes invisibles dont bouillonnait la profondeur de cette forêt de délices… »[13]. Le langage, le discours amoureux sert d’image, en Orient, pour désigner la prière et la louange qui unissent le sage à Dieu. Il n’y est pas question de délice mais d’imaginal, reflet sensible des lumières spirituelles, prolongement de la sagesse dans les relations amoureuses de l’existence, le chant amoureux de l’oiseau ou du fiancé ! Il y est question de louange aux beautés du quotidien et d’amour de la vie comme présence de la divinité jusque dans le dernier ciel matériel et sensible.

Le message du Gorgias n’est pas une interrogation sur la rhétorique, mais sur le mauvais usage qu’il peut en être fait. Platon craint la rhétorique qui persuade au lieu de transmettre le savoir. Il voit là un risque pour la liberté de l’âme et la République. Il dénonce, dans le Gorgias, la dérégulation du personnage de Calliclès, qui ne se préoccupe pas des autres. « Et notre âme sera-t-elle bonne si elle est déréglée ou si elle est réglée et ordonnée ? »[14]. Ce que Platon dénonce est l’amoralité de Calliclès et de ceux qui dirigent la cité en ne se conformant qu’aux pulsions de la Nature déifiée, sans respect des lois et dans le mépris des faibles. Ce que Callistès méprise est la sagesse de la République au profit de la force. Le respect des dieux et non la Nature assure la justesse des lois et le souci de la Cité. « […]Á ce qu’assurent les doctes, Calliclès, le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d’amitié et de bon arrangement, de sagesse et d’esprit de justice, et c’est la raison pour laquelle, à cet univers, ils donnent, mon camarade, le nom de cosmos, d’arrangement, et non de dérangement non plus que de dérèglement »[15]. Le Gorgias se termine par un monologue sur les silencieux, qui n’ont pas la liberté de s’exprimer, et les morts. Leur présence résonante établit la conscience. Et si Platon avait eu ce mot « conscience », il l’aurait utilisé ici. Mais comme il lui manquait, Platon nous donne une description de l’utile conscience. Dans le Gorgias, l’image de l’homme mort, nu, qui juge, est le vertueux souvent silencieux qui n’a pas peur de sa nudité car il n’a rien à cacher, l’image de la conscience soucieuse de vérité. Tous ceux qui meurent sur la route constituent le jugement des morts. Ils jugent la nécessité d’une conduite charitable aux plus lents, âgés, fatigués ou en possession d’un véhicule plus lourd ou lent à freiner, les plus jeunes qui doublent sans bien calculer les distances… Les morts de notre conscience sont aussi les enfants, les passagers, les piétons, toute cette population innocente perdue dans les chocs des machines. Ce sont eux qui nous jugent. « […] le juge devra, lui aussi, avoir été mis à nu et être mort, qui, avec sa seule âme, est spectateur d’une âme pareillement seule, celle de chacun, à l’instant où il vient de mourir : un mort qui est isolé de toute sa parenté et qui a laissé sur la terre tout ce dont il se parait ; condition indispensable à la justice de sa décision »[16]. Les propos du Gorgias posent la problématique de la violence. Comment éviter les comportements violents dans les affaires publiques ? Comment éviter les discours qui détruisent l’âme ?   L’art oratoire ne concerne pas tous les discours, il existe pour que la souveraineté se réalise par la parole. Mais la parole se rapporte à quoi ? demande Platon. La réponse est la sagesse dont se moque Calliclès. « Quelle sagesse pourtant est-ce là, Socrate ? un art qui, une fois qu’il a mis la main sur un homme bien doué naturellement, l’a rendu pire ? l’a rendu aussi impuissant à s’assister lui-même et personne d’autre ? exposé à être par ses ennemis, dépouillé de tout ce qu’il possède ? à tout bonnement vivre méprisé dans son pays ? Un tel homme (s’il n’est pas un peu trop énergique de s’exprimer ainsi !), il est permis de le frapper à la joue sans avoir à en répondre ! »[17]Comment éviter Calliclès celui qui frappe et considère la sagesse comme un enfantillage ? Et Jésus fait-il référence à Platon et au Gorgias, aux principes de la justice, quand il répond à Anne avant de passer devant le Sanhédrin ? « Quand il eut dit cela, un des huissiers, qui était à côté de lui, donna un soufflet à Jésus, disant : Est-ce ainsi que tu réponds au souverain sacrificateur ? Jésus lui répondit : si j’ai mal parlé, fais voir ce que j’ai dit de mal ; si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »[18]. Alors Jésus est déféré devant le Sanhédrin. La justice ne se conforme pas à la loi du plus fort politiquement, socialement, en richesses ou autres. Même quand ils ont agi selon la plus grande des injustices, les hommes ont tenté de ne pas agir comme Calliclès contre la sagesse. La loi vient du désir d’amour présent en l’homme par la proximité avec les dieux. Platon le savait déjà l’homme doit fuir l’incontinence et chercher la sagesse. Et il décrit l’homme sage comme celui qui « fait les choses qui conviennent aussi bien à l’égard des Dieux qu’à l’égard des hommes »[19]. F.T. Marinetti avait-il lu Platon et se servait-il du personnage de Calliclès pour lutter contre la démocratie et les intérêts communs de la République ? « […] nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas de gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing »[20]. Ou encore : « Bientôt viendra le moment où nous ne pourrons plus nous contenter de défendre nos idées par des gifles et des coups de poing, et nous devrons inaugurer l’attentat au nom de la pensée… »[21]La laideur du discours de Marinetti oblige à ne pas tout citer. « Qui peut affirmer qu’un homme fort ne respire beaucoup mieux, ne mange beaucoup mieux, ne dorme beaucoup mieux que d’habitude après avoir giflé et terrassé son ennemi ? »[22]

Comment plus de deux mille quatre cents ans après Platon avons-nous pu supporter de tels discours qui flattent nos pulsions les plus viles et y conformer nos esprits dans les années 30 et encore même aujourd’hui ? Une des conséquences les plus immédiates du manque de souci des autres est la pauvreté spirituelle autant que matérielle. Car l’une ne découle pas de l’autre, elles apparaissent ensemble. Les films Erwin Wagenhofer, Let’s make money, 2008 et Charles Ferguson, Inside Job, 2008 décrivent le mépris des financiers pour une main-d’œuvre peu couteuse qui doit avoir conscience que toute avancée sociale la plongerait dans le chômage et la faim. Mais aussi, ces films dénoncent les guerres organisées à des fins économiques. Selon le site diplomatie.gouv.fr[23],la Corée du Nord est confrontée à des pénuries alimentaires. La dette de la Corée du Nord est importante. Depuis toujours la diplomatie américaine fait pression pour imposer plus de liberté d’expression et d’entreprise aux Nord-Coréens. Pour lutter contre une éventuelle démocratisation, dramatiser le débat dans la violence, la dictature de Corée du Nord mène une politique d’essais nucléaires. Ces initiatives inquiètent les démocraties qui ne désirent pas reprendre leurs essais nucléaires mais qui pourraient se trouver contraintes de se défendre. Le temps prouve encore et encore combien Socrate avait raison de dévoiler Calliclès pour lutter contre les tyrannies. Le personnage de Calliclès a éteint les démocraties grecques et menace nos démocraties peu soucieuses des droits, mais surtout peu soucieuses d’un art oratoire qui forme les âmes, d’une doxa favorable à un pouvoir démocratique, la sagesse étant considérée comme une faiblesse et un archaïsme. Contre toutes sagesses, l’humanité est reconnue dans ses perfections matérielles et niée dans ses fragilités. La sagesse est aussi la force du stoïcisme de vivre dans le respect de l’autre, sans nier son identité. Réduire la sagesse à une faiblesse est une erreur. « L’épaisseur du corps »[24]est importante. Mais de quel corps s’agit-il dans cette réflexion de Gilles Deleuze sur le stoïcisme ? Il s’agit des richesses de la forge où viennent rebondir les substances relationnelles en résonances multiples. Il s’agit de tous les plis de l’humanité du corps physique de la personne mais aussi de ces corps par lesquels se rencontrent nos sociétés. Ces corps ont des dimensions qui se croisent et se juxtaposent dans des espaces politiques, religieux, confessionnels, professionnels, culturels, amicaux. Ce sont autant de cercles, autant de corps pour engager des dialogues et se croiser dans le cœur même de la personne qu’elle soit physique ou morale.

La voiture implique des accidents. Machine et humanité dévoilent la fragilité de l’humanité devant l’automatisation de la machine, le décuplement des forces qu’elle permet. La machine est symbole de perfection, de répétition, de normalité. En regardant le jeune aurige, deux fois vainqueur des jeux pythiques, la perfection de son corps, il serait dangereux de ne pas se souvenir que ces fêtes étaient célébrées en l’honneur d’Apollon à Delphes. Les Grecs avaient d’autres dieux comme Zeus, honorés lors des jeux Olympiques : Dionysos dieu du vin, Hadès dieu des enfers, Cronos qui mangeait ses enfants par peur d’être détrôné par l’un de ses fils, Rhéa qui se cache de Cronos pour accoucher de Zeus, les dieux de l’amour Aphrodite, Eros, Psyché et bien d’autres encore qui montrent que le culte des Grecs ne se réduisait pas à la perfection, mais avait aussi à voir avec les douleurs, angoisses et plaisirs de l’humanité. Les accidents de la route font des victimes et chaque fois se pose la question de la responsabilité en termes juridiques. « La responsabilité du fait des choses n’est donc pas purement causale ; elle suppose toujours un jugement de valeur dont les éléments seront apportés soit par la victime (preuve du rôle actif), soit par le gardien (preuve de la cause étrangère). »[25]« Dire que le gardien sera responsable parce-que sa chose est créatrice d’un risque ne justifie rien en soi car l’activité de la victime est également source de risque »[26]. Dans le cas du viol ou du meurtre, il y a volonté de nuire, mais l’activité de la femme ou de la victime peut aussi parfois avoir été provocatrice ! Ce n’est évidemment pas toujours vrai… Dans le cas de l’accident de voiture, le conducteur est responsable, par son choix, d’utiliser une machine. Il est important, donc, qu’il la conduise dans le respect de ceux qui se déplacent en dehors de la carapace d’un engin et des passagers dont il a la responsabilité. Les circonstances peuvent montrer un comportement anormal de la victime, erreur de conduite, ou comportement dangereux. Dans ce contexte, le livre dénonce la « responsabilité d’anormalité »[27]comme n’étant pas prise en compte après avoir mis en place la dette d’anormalité[28]. Mais, sur la question, Jean-Christophe Saint Pau n’est pas clair. Il joint les cas où la victime n’a pas d’assurance. Et dans ce cas la victime est indemnisée au titre de victime par celui qui a une assurance. Donc si un enfant jailli brutalement d’un porche et se jette sur une voiture, le conducteur indemnise la victime à titre de civilité ; l’enfant pourtant n’aura pas respecté la règle de traverser la route en marchant dans les espaces réservés à cet effet. Or, ce cas ne concerne pas la dette d’anormalité car il concerne la lourde question de ceux qui vivent et roulent sans assurances et dans le cas de l’enfant de la responsabilité civile. Dans la plupart des cas, la faute de ne pas avoir d’assurance est considérée comme très grave. Il existe quelques cas sans assurances pour ce qui concerne des piétons, sans assurance pour leur responsabilité civile. Et dans ce cas, ils seraient pris en charge par l’assurance du conducteur de la voiture qui leur cause un dommage. Ces cas ne sont pas une question d’anormalité mais de protection civile. L’anormalité relève de la responsabilité civile, de la responsabilité de la communauté de prendre en charge la dimension d’humanité de chacun avec ses défaillances, ses différences, ses limites. A propos de l’affaire Perruche, Christophe Radé écrit : « Voilà sans doute qui explique la résurgence du fantasme d’enfants, s’estimant mal nés et engageant des poursuites contre leurs propres parents, ou d’une société française en plein déclin qui encourageait les parents à ne pas avoir d’enfants, ou pire, à s’en débarrasser, plutôt que de leur donner les moyens de les élever sereinement »[29]. Ce que défend Christophe Radé est le droit de garder son enfant handicapé dans de bonnes conditions avec l’aide affectueuse de l’ensemble de la société. Il n’omet pas, tout en gardant la réserve que lui impose sa profession de servir la loi, de noter la difficulté de conscience que peut provoquer l’avortement pour anormalité. Je pose alors la question : l’avortement est-il devenu une euthanasie ? La loi aurait-elle un effet pervers d’eugénisme ? Le choix de la famille de garder son enfant en cas de handicap lourd engage l’ensemble de la société civile et la solidarité sociale. Le suivi médical est coûteux et les familles ne peuvent pas ou rarement s’offrir les soins, opération ou assistance quotidienne. L’article Responsabilité civile et anormalité[30]de Jean-Christophe Saint-Pau ne répond pas à cette question, mais suggère une responsabilité d’anormalité inspirée, selon moi, par l’usage de l’avortement en cas de détection de maladie génétique. Le livre Études à la mémoire de Christian Lapoyade-deschamps montre l’effet normalisant de lois. L’acte d’avorter est devenu courant, provoquant une pression et une solidarité diminuée auprès des familles d’handicapés. Ce qui fait écrire à Christophe Radé : « Ce qui justifie la responsabilité du gardien, c’est un double jugement de valeur : le risque créé par la chose est anormal ; le risque créé par la victime est normal. La justice impose alors d’attribuer une dette de réparation au gardien ». Le cas où la victime a des gestes anormaux, comme l’enfant encore trop jeune pour dominer totalement sa vivacité, n’est pas décrit car il relève de la complexité du jugement entre le risque, les responsabilités individuelles, civile, la solidarité sociale. L’homme est le gardien de l’être. Comme sur la frise du Parthénon[31], la procession ne se fait pas sans le regard attentif de ceux qui surveillent l’avancée. Où est l’anormalité d’un trisomique ? En jugement de valeur, elle est certainement dans son manque d’indépendance ? Qui oserait dire qu’il ne dépend pas des autres ? La valeur représente tout ce que l’humanité intolérante mesure à partir de son monde trop matériel et orgueilleux de réussite.

La réflexion de Christian Lapoyade-Deschamps touche une difficulté éthique et morale induite par l'affaire de la loi Perruche. La défense des victimes et des plus faibles, des silencieux est de plus en plus difficile et je crains que Christian Lapoyade-Deschamps ait laissé une œuvre trop tôt inachevée à propos de l'accident dans la violence du contexte contemporain. J’aimerais connaître ses positions sur l’anormalité dans le cercle familial ou amical où les conclusions et les axes d’une pensée se dévoilent avant leur démonstration ou mise en œuvre publique. L’accident a arrêté sa vie. L’hommage qui lui est rendu post-mortem montre la libre interprétation de ses élèves instruits de la matrice ouverte et heuristique de son cours. Son œuvre est restée trop tôt inachevée, sachant bien que toute œuvre reste inachevée et fragile, car humaine. Certains objectifs ou certaines causes ne se réalisent qu’avec beaucoup de temps et de travail. L’entourage peut porter, dans la discrétion, des relations familiale ou amicale certains objectifs, dans la discrétion et la patience.

La vitesse en voiture est devenue un délit grave. L’évolution de la vitesse montre que son usage s’est reporté sur les trains et les avions. Ces derniers permettent de se déplacer plus loin et plus rapidement que l’automobile. La régulation de la circulation passe par le respect du code de la route. L’évolution de la vitesse est liée à un usage plus large de l’automobile qui implique un plus grand souci de l’autre et augmente l’importance du code. Les machines ont ouvert de nouveaux réseaux dans les relations humaines, impliquant la mise en place de nouveaux codes comme le code de la route, nécessaires à la régulation de la vie sociale : les codes et réglementations sanitaires aux descentes et montées dans les avions ou bateaux pour limiter la propagation de certaines maladies ou certaines espèces. Le code sert les relations des êtres vivants aussi bien animaux qu’humains et même entre les animaux et les hommes. Avec Julien Benda, il apparaît dans cette réflexion qu’un des principaux freins à l’Europe démocratique est le nationalisme des clercs. Julien Benda était d’origine juive et il dénonçait, par l’expression « trahison des clercs », le racisme des populations et le refus de l’effort de dialogue avec des cultures différentes, le pessimisme des clercs. Ce nationalisme est teinté de populisme dans le sens où il ne favorise pas les relations dans la connaissance de nos identités démocratiques et de l’histoire des origines des institutions publiques ; dans la connaissance de l’autre, car il se contente de demander le retrait politique des clercs ! Devant cette conclusion hâtive du retrait, F.T.Marinetti donne la réponse excessive et non laborieuse, sur la terre intellectuelle, de la violence, en s’imposant par la gifle et le sang. De ces positions, on connaît le prix exorbitant payé par l’humanité. L’accident rappelle nos responsabilités sociales sur la dépendance et les soucis mutuels qui unissent les hommes entre eux. L’anormalité rappelle que la substance qui permet aux sociétés de faire corps dans des liens solides et forts a pour origine la fragilité de notre humanité. Il n’y a pas de dette d’anormalité, mais une substance de différence dans l’identité forte de la reconnaissance de notre richesse naturelle, génétique et de notre richesse spirituelle acquise. A la surface de ces rencontres se construisent des codes, des règles qui permettent à chacun de se respecter et surtout de se former dans son identité autant que dans celle des autres. La connaissance devient possible autour des relations dans la répétition et dans la différence.



[1]Clerc, personne engagée dans l’état ecclésiastique, employé d’une étude d’officier public ou d’officier ministériel, lettré, savant, intellectuel.

[2]Jullien Benda, La trahison des clercs, Edition Grasset 1975, p. 278.

[3]Alexis de Tocqueville, 1805-1859 : homme politique libéral conservateur car issu d’une famille royaliste. Par ses écrits, il est célèbre pour ses analyses de la révolution françaises et de l’évolution des démocraties. Il oriente la démocratie vers une dimension sociale. Il est défenseur de la liberté individuelle et l’égalité politique. Ces écrits ont une influence importante sur la pensée contemporaine. Il est un des pères de la démocratie en France et dans le monde et du droit moderne.

[4]Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris : flammarion, 1981, tome 1, p. 397. Alexis de Tocqueville est un des pères de la démocratie par la richesse de ses études qui restent très influentes dans la pensée contemporaine.

[5]« Considérée (l’Église Catholique) par le régime nazi comme son principal adversaire […] Elle se garda de toute intervention politique. Reste que le tiers du clergé catholique fut poursuivi d’une manière ou d’une autre par la police politique et que bon nombre de prêtres payèrent de leur vie leur fidélité à leur foi. » Isabelle Hausser in Hans et Sophie Scholl lettres et carnets, Dossier, p. 443.

[6]Le témoignage du luxembourgeois le Père Jean Bernard in Pfarrerblock 25487, Luxembourg : éditions Saint-Paul, 2004 (Bloc des prêtres, même éditeur2006 ) inspirera Le film de Volker Schlöndorff, Le neuvième jour, 2004.

[7] Giovanni Lista, Préface in F. T. Marinetti, Le futurisme, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, p. 16.

[8]Intelligentsia : définie selon le philosophe polonais Carol Liebelt comme les gens instruits, les professeurs, le clergé, les ingénieurs. Ce mot apparait quand la connaissance commence à agrandir son rayonnement au-delà des abbayes. Les bibliothèques se démocratisent par l’imprimerie.

[9] « L’écroulement du communisme historique était inévitable, mais il laisse un vide. Notamment en ce qui concerne la culture. Quel autre parti publiait de la poésie dans son journal ? » Pierre Juquin in Louis Aragon le fou des mots, Hors-Série Le Monde une vie une œuvre, novembre-décembre 2012, p. 67.

[10]F. T. Marinetti, Le Futurisme, Premier manifeste du futurisme, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, p. 152. Marinetti privilégie l’action et réélabore les formes esthétiques comme le feront plus tard le groupe De Stijl et le Bauhaus pour chercher les formes de la dynamique de la vie, de la production et du progrès.

[11] T. Marinetti, Le Futurisme, Premier manifeste du futurisme, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, p. 153.

[12]Tuons le clair de lune in F. T. Marinetti, Le futurisme, Lausanne : Éditions l’Âge d’Homme, 1980,  pp. 157-169. Ce texte manifeste contre la vision du clerc isolé et solitaire, romantique qu’imposait Julien Benda au début du XXème siècle.

[13] T. Marinetti, Le Futurisme, deuxième manifeste futuriste, Milano : Arnoldo Mondadori Editore, pp. 164-165. T. Marinetti s’attaque à la spiritualité de la poésie orientale, dont le chant amoureux de l’oiseau ou de l’amoureux sont le reflet du chant de celui qui cherche Dieu, un lien lieu de la Rencontre. Le spirituel réduit à un fantôme disparaît dans le fracas des armes et les fauves mangent l’oiseau qui chantait.

[14]Platon, Protagoras, Eurythydème, Gorgias, Ménexène, Ménon, Cratyle, traduction : Émile Chambry, Flammarion, 1967, p. 256, 504 b. Cette traduction permet de faire le rapprochement avec la dérèglementation qui touche la finance au détriment du monde du travail.

[15] Platon, Gorgias, Œuvres complètes, Paris : Gallimard, t. 1, 1950, p. 461.

[16] Platon, Œuvres complètes, Gallimard, 1950, tome I, 523d, p. 484.

[17] Platon, Œuvres complètes, Gallimard, 1950, tome I, 486b, p. 432.

[18] Jean, 18 22-23.

[19] Platon, Œuvres complètes, Gallimard, 1950, tome I, 486b, p. 460.

[20] Marinetti, Le futurisme, l’Age d’Homme, Lausanne : 1980, p. 152.

[21] Marinetti, Le futurisme, p. 126.

[22] Marinetti, Le futurisme, p. 102.

[23] Internet site : diplomatie.gouv.fr. consulté le 8 04 2013.

[24]Gilles Deleuze, Logique du sens, pp. 14-15 déjà cité ici p. 5.

[25]Jean-Christophe Saint-Pau, Responsabilité civile et anormalité, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeau, Pessac, 2003 p. 252.

[26]Jean-Christophe Saint-Pau, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeau, Pessac, 2003 p. 252.

[27]Jean-Christophe Saint Pau, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeau, Pessac, 2003 p. 253.

[28]Christophe Radé in Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeau, Pessac, 2003 p. 242.

[29]Christophe Radé, Retour sur le phénomène Perruche in Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeau, Pessac, 2003 p. 235.

[30]Jean-Christophe Saint-Pau, Responsabilité cicile et anormalité, Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses Universitaires de Bordeau, Pessac, 2003.

[31]Phidias, Frise du Parthénon, représentant la fête nationale des Pan Athénées, de style sévère. La plupart des personnages vont de la droite vers la gauche, comme dans la plaque VIII de la frise sud, Procession des jeunes filles, Londres : British Museum. Mais certains personnages font face au mouvement comme dans la Plaque dite des Ergastines, fragment de la frise est du Parthénon, Paris : Musée du Louvre.

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 13:16

Pour l’exposition du 20 avril au 27 novembre 2011 à Bruxelles, la tombe de Toutankhamon s’est dépliée devant nous comme un bouton de rose. Mais la vie du pharaon n’a jamais fleuri. Elle resta un bouton de rose pour témoigner du passé. L’exposition Toutankhamon à Bruxelles décrit la momie comme portant la marque d’une fracture ouverte du fémur au niveau du genou. L’analyse de la momie permet d’avancer l’hypothèse que Toutankhamon était sportif et en forme ! En voyant les véhicules légers qui font le mobilier de sa tombe, il est difficile de ne pas croire que le jeune homme de dix-neuf ans n’avait pas eu le plaisir de les conduire avec ses meilleurs chevaux. L’hypothèse d’une blessure liée à l’usage de ces engins n’est pas à écarter. Cette hypothèse sur sa mort rend Toutankhamon proche de nos préoccupations contemporaines. A toutes les époques, la conduite de véhicules fut associée à la sagesse au vu des risques encourus ; il a existé des liens entre l’éducation et l’usage d’un véhicule. Statistiquement, les insuffisances techniques, ou humaines montrent qu’il est impossible de réduire à zéro les accidents. Mais l’amélioration du réseau routier, la sensibilisation des conducteurs à leurs responsabilités montrent que les pourcentages de morts et blessés peuvent diminuer considérablement.

L’aurige est un thème de tous les temps. Conduite et sagesse sont associées. L’aurige est un archétype de la conduite de la personne et de la liberté de l’âme. Il y a, par conséquent, une relation entre conduite et philosophie. Les mots, les accidents, l’éducation, la difficulté des sentiments et la liberté… sont les mêmes pour conduire et pour parler de philosophie, car nos comportements au volant engagent la vie des autres. La machine a inspiré des lignes d’ombres aux démons de nos parents heureux de leurs nouvelles inventions. Leurs discours, comme ceux de Marinetti ou de Françoise Sagan, ne sont plus possibles car nous sommes aujourd’hui très nombreux sur les routes. De la philosophie morale de Platon vient l’image mentale de l’aurige et la richesse de son heuristique en fait une matrice. Elle incite à regarder de façon critique les philosophies qui ont accompagné les nouveautés techniques du XXème siècle, au service d’une pensée sans conscience et sans souci du respect des codes qui régissent la vie. Le livre Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps[1]montre la fonction normalisante des lois et suggère des orientations sans solidarité à une époque où les institutions européennes tentent de se mettre en place. D’un côté la loi normalise les comportements comme L’IVG qui devait résoudre les cas de grossesses chez les mineurs mais qui en fait s’est avéré très utilisé pour prévenir les naissances des trisomiques et des enfants atteints de handicapes dits lourds. La substance du corps social ne réside-t-elle pas justement dans la solidarité, dans nos fragilités et blessures qui constituent autant d’ouvertures qui rendent nécessaires les relations.

 

Les images de l’homme dirigeant un ou plusieurs chevaux sont fréquentes et peuvent être très anciennes. Une des merveilles du monde est l’Aurige de Delphes en Grèce. Le mot aurige en Grèce signifie « celui qui détient les rênes ». La statue faisait partie d’un ensemble de quatre chevaux tirant un char. Cette œuvre date de 477 avant J. C. et fut un ex-voto de bronze érigé en commémoration du quadrige victorieux lors des jeux pythiques de 478 et 473 avant J. C. Le style de l’œuvre est sévère et d’une période artistique qui sort de l’archaïque et introduit les œuvres classiques. La simplicité augmente la légèreté et l’économie des lignes et témoigne du savoir-faire de l’artiste. Il s’agit bien ici de savoir et de sagesse qui veut donner aux formes ni trop, ni trop peu. Et cette sagesse fait signe à la conduite où nous avons besoin du savoir éclairé par la sagesse. La rapidité et la légèreté avec laquelle nous nous déplaçons d’un lieu à un autre sera objet d’enthousiasme et d’offrandes aux dieux et encore aujourd’hui les grands pilotes automobiles sont admirés. Ce que nous admirons chez eux est la vitesse, mais aussi leur savoir « sophia » pour pratiquer la vitesse en connaissance de cause, leur capacité à tester les machines et participer à leur mise au point au-delà de ce que cela représente pour leur vie. Par cette admiration nous reconnaissons les améliorations qu’ils apportent aux voitures par leurs connaissances et leurs expériences. Comme membres des équipes qui entourent la course automobile, ils permettent la mise au point d’innovations pour des voitures de série plus sûres et plus protectrices.

 

Sur le bas relief de l’étendard d’Ur[2],au troisième millénaire, revivent des chars à roues pleines tirés par des équidés dans les couleurs chatoyantes que la mosaïque a su garder. Les restes de premiers véhicules à roues se trouvent en Égypte. Tout le monde est d’accord pour dire que l’invention de la roue marque le début du véhicule. Elle permet de transporter plus lourd, plus rapidement qu’à pied ou à cheval et, avec le temps, plus rapidement le camion, ou le train par exemple. Les accidents de cheval, les accidents de voiture, d’avions, de trains furent de tout temps la cause de graves dommages personnels et de pertes de vie. Grace Kelly et Lady Diana sont deux exemples fameux. Dans nos familles, nous comptons tous des victimes de la route. Dans le trafic de tous les jours, les conditions sont différentes des courses. Le film français, Les choses de la vie[3]est d’une émouvante actualité. A bord de son automobile, le personnage principal, l’avocat Pierre Delhomeau, se rend à Rennes où il va défendre un cas. Sur le trajet, il perd la vie dans un accident de voiture. Le film raconte ses dernières pensées avant de mourir. Il laisse dramatiquement ceux qu’il aimait, une lettre de rupture destinée à sa fiancée dans la poche. Partent avec lui les souvenirs de sa joie de vivre.

 

Dans le contexte du réseau routier, la sagesse relève de notre responsabilité. Elle n’est pas celle du circuit automobile. Mais elle demande un certain niveau de connaissances en physique pour comprendre les forces qui régissent la conduite d’un véhicule. En circulant à une vitesse élevée, le contrôle du véhicule devient plus difficile. En effet, dans les courbes, la force entre les pneus et le revêtement de la route augmente avec le carré de la vitesse et avec l’amplitude du virage. Cela joint à l’inertie de la voiture, les risques de dérapage et de sortie de route sont importantes. Pour pouvoir suivre les conseils des assureurs, il est nécessaire de connaître des notions simples comme la force résistance, la quantité de mouvement, la vitesse, la masse. Ces connaissances de base sont utiles à tous et toutes et nous ne pouvons les refuser à nos enfants. La conduite traduit la force d’âme dans le comportement. Les charretiers avaient la réputation de jurer dans les manœuvres d’où l’expression célèbre : « Jurer comme un charretier ». Jurer dénote un manque de force d’âme, mais cela peut-être travaillé dans la créativité et l’audace, en surmontant les difficultés et les évitant, en encourageant la constance dans l’effort.

 

Platon a choisi l’image de l’aurige pour la rhétorique. Comme dans tous les arts bien parler vient de l’âme. Comme dans tout art, pour bien parler il est nécessaire d’aimer. Par conséquent, Platon parle d’amant à propos de l’orateur et d’aimé à propos de l’auditeur avec qui partager le savoir. L’aimé doit posséder aussi les deux ailes de la sagesse et la raison. L’âme de l’amant et de l’aimé se divise en trois parties dans l’image mentale de Platon, le cocher et une paire de chevaux.

« Or, voici maintenant de quelle façon tombe aux mains de ce dernier celui qui a été pris. Conformons-nous à la division faite au début de cette histoire, de chaque âme en trois parties, dont deux en forme de cheval et la troisième en forme de cocher. […] Des deux chevaux, donc, l’un disons-nous, est bon, mais l’autre ne l’est pas »[4].

Le char ailé de Platon avance avec le cheval désagréable et émotif, dispersé, autant qu’avec la réserve et la crainte de l’étalon. L’étalon est la mesure et la référence de la sagesse ailée ainsi que des perfections dans l’unité avec le cocher. L’étalon est le standard, référence pour mesurer, juger et ajuster. « Il faut en effet, chez l’homme, que l’acte d’intelligence ait lieu selon ce qui s’appelle Idée, en allant d’une pluralité de sensations à une unité où les rassemble la réflexion »[5]. Le spirituel vers lequel tendent les deux chevaux l’un par l’intelligence et l’autre les émotions est « l’Emplumé »[6]. L’Amour permet à l’âme de porter « l’Emplumé », présent en elle. Entre l’enthousiasme et la raison, le désir et la vertu, savoir utiliser toute sa personnalité, permettent d’avancer dans la sagesse. Pour éviter un discours trop séminant, sans matière, sont nécessaires les plis du sensible, de l’affection, des préoccupations heuristiques ; l’attelage a besoin d’être bien équilibré entre la mesure et le désir. L’objet est porté par la légèreté du divertissement, arc de l’attention, de l’humour, arc de la simplicité, l’heuristique arc de la relation, des figures de styles...

 

Le désir n’est pas négligeable. Et Jean-Paul Sartre le raconte dans Les mots.

« Je le détestais parce qu’il oubliait de me choyer […] J’avais deux raisons de respecter mon instituteur : il me voulait du bien, il avait l’haleine forte. […] il ne me déplaisait pas d’avoir un léger dégoût à surmonter : c’était la preuve que la vertu n’était pas facile. […] je confondais le dégoût avec l’esprit de sérieux. J’étais snob. […] « Le père Barrault pue » et tout se mit à tourner : je m’enfuis en pleurant. Dès le lendemain je retrouvais ma déférence pour M. Barrault, pour son col de celluloïd et son nœud papillon. Mais, quand il s’inclinait sur mon cahier, je détournais la tête en retenant mon souffle »[7].

L’œuvre de Jean-Paul Sartre Les mots décrit ses souvenirs d’enfances, les relations privilégiées qu’il avait avec ses maîtres. Il donne également une image intéressante de la vertu. Sans la nier, il dénonce le snobisme qui impose de mauvaises conditions aux vertueux impliqués dans l’étude et le travail avec sérieux. La vertu n’est pas facile mais il est préférable de ne pas lui associer de mauvaises conditions comme l’odeur pour le jeune J. P. Sartre. Disons que ces mauvaises conditions, parfois fortuites et difficilement évitables, ne sont pas à rechercher. Par exemple, produire en travaillant 14 heures par jour est préjudiciable et met les vertueux dans la difficulté. Dans le travail comme dans l’art, les deux chevaux de l’âme sensibilité et idéal contribuent à l’efficacité. La conduite de notre personnalité et nos relations avec les autres ne peuvent nier ni le corps, ni la chair de l’intelligence, leurs fragilités, ni l’esprit.

 

Dans le film Décomposition symphonique n°9 pour accident de voiture[8]de Felix-Etienne Tétrault, nous pouvons entendre le son d’une respiration ou peut-être le bruit de l’assistance respiratoire accompagnée d’une batterie d’intensité plus ou moins faible aux sons aigus qui rappellent le bruit régulier des machines, des rythmes qui accompagnent la vie. Quand le souffle cesse, alors tout s’arrête. Cette musique d’une mort par accident sonne à nos consciences. Tous les conducteurs savent qu’ils prennent des risques pour leurs vies, celles de ceux qui les accompagnent et celle des tiers présents dans le trafic en perpétuelle augmentation. Sadako Sasaki lance ses mille grues de papier qui accompagnent la légende de paix de l’origami. « J’ai écrit la paix sur tes ailes. Vole de par le monde pour que plus aucun enfant ne meure ainsi ». Ce sont les mots de Sadako Sasaki et la substance qui se joint à son nom. Quand la personne meurt sa rose se replie sur elle. Sa lumière reste, devient icône pour réunir dans l’unité d’une conscience commune. Les modes de l’être et la liberté ne sont pas liés aux accidents. Ce serait un pessimisme de s’opposer aux stoïciens en considérant que les accidents déterminent nos choix, notre conscience. Ce serait un pessimisme de croire que les chantages au travail, à l’amitié, à la calomnie, à la prison puissent altérer la personne. Gilles Deleuze, dans Logique du sens, décrit le mélange stoïcien sans destruction des corps mais avec des effets de désorganisation favorable à de nouveaux liens plus puissants et plus larges. Par la blessure, la relation ouvre sur les devenirs mais la nature des corps ne change pas. « Elle sait que les événements concernent d’autant plus les corps, les tranchent et les meurtrissent d’autant plus qu’ils en parcourent toute l’extension sans profondeur »[9]. Dans la relation se dévoile la substance.

« Que veulent dire les Stoïciens lorsqu’ils opposent à l’épaisseur des corps ces événements incorporels qui se joueraient seulement à la surface, comme une vapeur dans la prairie »[10].

Les mélanges en présences paradoxales permettent les émanations de surface. Dans la Logique du sens, le devenir s’inscrit dans la légèreté de l’ontique, dans la vie, dans les croûtes fragiles du quotidien, du travail, le plan de l’existence. Le drame est de mourir en écrivant une lettre de rupture comme le personnage de Paul Guimard, ou d’être méprisant, de favoriser la réduction des relations avec ses semblables. Quand Pierre Curie, inventeur avec son épouse Marie de la radiologie, si utile à la réduction des fractures, mourut sous un lourd véhicule, quand Archimède, inventeur du calcul infinitésimal, est mort gratuitement de la bêtise d’un soldat, la relation à chaque fois s’est interrompue. La lumière se retire. L’humanité se ferme un peu. L’être existe dans l’étant, la présence, la chair. Dans la mort, la pensée de la personne se joint à la mémoire et aux pensées de Dieu. Elle reste mouvante pour pouvoir inspirer la création amoureuse du visible et de l’invisible. Dans la résurrection, le ciel de la matière devient un éloge à Dieu qui manifeste ainsi son amour sur tous les ciels de ses enfants. L’image mentale des grues de Sadako Sasaki est dans le cœur des hommes de tous les peuples. Sa légende est comme un passereau, une relation entre des lieux éloignés par la géographie physique, du cœur, de l’esprit, de l’âme, presque rien comme de petits papiers pliés, ou comme les papiers du Tibet. L’accident ferme une rose. Quand une personne meurt par accident, tous portent la responsabilité de ce recul.

 

Comment échapper à l’envoutement de la vitesse ? Comment éviter les dérives violentes des pulsions de mort issues du rejet social qui se manifestent dans la conduite automobile. Une des meilleures descriptions est celle de Françoise Sagan. Il y a des personnes qui cherchent l’autodestruction dans l’alcool, la cigarette, la drogue ou la vitesse. L’isolement de la société, la difficulté des relations engendrent une pulsion de mort, le rejet de l’homme, de l’humanité, un pessimisme. La pulsion de mort a été décrite pour la première fois par Sigmund Freud dans Essai de psychanalyse[11]. Qu’est-ce qui pousse le buveur ? La pulsion de mort. S. Freud associe la « pulsion du moi » à une tendance vers la mort. Il va trop vite. La « pulsion du moi »[12]qui pousse Françoise Sagan à écrire est le désir plus ou moins conscient de faire lien, vinculum pour assurer la cohésion du corps social. « La pulsion de perfectionnement » existe dans le refoulement des pulsions sexuelles des pulsions du moi dans une spéculation. Partager les archétypes de la pensée entre en contradiction avec la cruauté présente dans les relations. La pulsion du moi est une pulsion de vie dans le corps social, mais la dureté du miroir, du regard des autres provoque un désir de fuite chez Sagan dans l’ivresse de la vitesse et dans l’usage des drogues. Pour beaucoup, le stress de la vie sociale se traduit par des excès de nourriture, ou l’inverse l’anorexie, l’excès de boisson ou de cigarettes... Avant d’entrer dans la doxa[13]collective, la pensée se heurte au gros animal : « En fait foncièrement conservatrice, elle (la foule) a une profonde horreur de toutes nouveautés et de tous les progrès […] dans un rassemblement d’individus en foule, toutes les inhibitions individuelles tombent… »[14]Cette lourdeur explique le rejet de la doxa par les grands penseurs comme Parménide ou encore Simone Weil, la philosophe. L’angoisse de Françoise Sagan lui fait écrire : « Qui n’a pas cru sa vie inutile sans celle de « l’autre » et qui, en même temps, n’a pas amarré son pied à un accélérateur à la fois trop sensible et trop poussif, […] qui n’a pas ressenti, tout en se livrant à ces tentatives toutes de survie, le silence prestigieux et fascinant d’une mort prochaine… »[15]. Ces propos sont sans conscience de l’autre car la conduite nous engage vis-à-vis de l’autre. Il nous faut respecter sa rose et celles de notre entourage. « L’important c’est la rose »[16]. Bien sûr, les angoisses de rapports sociaux et du rejet existent toujours mais il n’est aujourd’hui plus possible d’utiliser la vitesse pour les exprimer.



[1] Études à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, 2003.

[2]Étendard d’Ur, Bas relief en mosaïque des tombes royales d’Ur, IIIème millénaire avant J.C., Londres, British Museum.

[3]Claude Sautet, Les choses de la vie, 1970, film avec Romy Schneider et Michel Piccoli. Le livre est de Paul Guimard, Les choses de la vie, Ed. Folio, 1973.

[4]Platon, Phèdre, Paris : Gallimard, 1950, tome II, pp. 44,45.

[5] Platon, Phèdre, Paris : Gallimard, 1950, tome II, p. 39.

[6] Platon, Phèdre, Paris : Gallimard, 1950, tome II, p. 43.

[7] Jean-Paul Sartre, Les mots, Gallimard, 1964 pp. 66-68.

[8] Félix-Etienne Tétrault : Décomposition symphonique n°9 pour accident de voiture, 2010, Internet, Artflx.olympenetxork.com.

[9] Gilles Deleuze, Logique du sens, Éditions de minuit, 1969, p. 20.

[10] Gilles Deleuze, Logique du sens, Éditions de minuit, 1969, p. 14-15.

[11]S. Freud, Essais de psychanalyse, Payot, 1981, p. 82 : « […] tout être vivant meurt, fait retour à l’anorganique, pour des raisons internes, alors nous ne pouvons que dire : le but de toute vie est la mort et, en remontant en arrière, le non vivant est là avant le vivant » Au-delà du pessimisme de S. Freud sur l’origine non-vivante (il n’y a pas d’apparition spontanée de la vie), son intuition de la présence de tendance vers la mort dans toute vie est liée au fait que tout être vivant passe un jour par la mort.

[12]S. Freud, Essais de psychanalyse, Éditions Payot, 1981, p. 89.

[13] La doxa est dans la philosophie de Parménide une connaissance confuse qui sert de support aux relations et s’oppose à la vérité. La doxa sert des intérêts idéologiques. Elle est incontournable dans les relations qui structurent le groupe. Mais, sans une capacité à se renouveler dans la recherche de la vérité par la connaissance et l’expérience la doxa sert des individus et des lobbies qui nuisent aux sociétés.

[14]S. Freud, Essais de psychanalyse, Éditions Payot, 1981, p. 134.

[15]F. Sagan, Avec mon meilleur souvenir, Paris : Folio Gallimard, 1992, p. 61.

[16]Chanson L’important, c’est la rose, paroles Louis Amade, musique Gilbert Bécaud.

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