Suite aux tragiques événements qui ont eu lieu en Inde, je publie ce texte sur mon blog. Dans un premier jet, j’avais écrit cette histoire pour les enfants du Lycée français de Lisbonne. Les enfants avaient préalablement réfléchi dans quelle histoire associer les marionnettes qu’ils avaient créées en papier mâché. L’histoire doit être encore simplifiée. Mais la version longue est intéressante pour les régions où la population augmente car, elle pose nettement la question de la cohabitation de l’homme avec les bêtes sauvages. Cette question existe en moi depuis la lecture du livre de Romain Gary Les racines du ciel.
Introduction :
Il y a bien longtemps, sous Louis XIV, durant une famine les chiens et les animaux domestiques se révoltèrent. Les hommes avaient faim et chassaient les animaux. Les animaux sauvages menaçaient les poulaillers et les troupeaux. Les animaux sauvages se plaignaient de l’excès de braconnage qui menaçait les espèces. Les animaux nommèrent alors des représentants et commencèrent à faire du charivari dans le royaume.
Une des filles du roi prit l’affaire en main. Elle était surnommée Hermine car elle aimait beaucoup les animaux, n’était pas grande mais menue, son teint était pâle.
Le renard représentait les animaux sauvages. Il avait été choisi pour sa ruse.
Le mouton représentait les troupeaux et l’oie les poulaillers.
Le chat était l’animal familier d’Hermine. Il parlait pour les animaux domestiques.
Les loups avaient voulu traiter seuls pour leurs intérêts.
Bruit de bêlements, d’aboiements, de glapissements
Scène I
Le roi s’approche de la muraille accompagné de la reine et d’un scribe chargé de noter les ordres du roi.
Le Roi : Qu’est-ce que tout ce bruit ?
Hermine en bas des murailles avec les animaux : Les animaux ont des requêtes. Leur situation est devenue insupportable.
Le Roi : Est-ce une raison pour faire tant de bruit ?
Le Renard : Nous avons faim et les forêts son devenues dangereuses. Nous ne pouvons plus attendre.
Le Roi au scribe : Faites entrer ces animaux.
Le scribe : Dois-je faire entrer le loup ?
Le loup tacheté : Vous faites bien de parler de nous. Si le braconnage continue ainsi sans règles et sans que les hommes soient punis nous organiserons des peurs dans le Gévaudan. De grands loups là-bas sont prêts à passer à l’action.
Le Roi : Ce sont des menaces !
Le Renard : Si je puis me permettre, Majesté, Souvenez-vous de Colbert. Il disait « L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris »[1]. Nourrissez et habillez les hommes avec l’élevage et la laine des moutons, laissez les forêts.
Le mouton : Les pluies ont gâché le fourrage. Nous aurons froid pendant l’hiver si nous sommes maigres et tondus.
L’oie : Comment ferons nous pour voler sans plumes ? Il manque de grains pour nous nourrir.
Le chien 1 : Nous les chiens nous vous rappelons qu’il est interdit de voler.
L’oie : Il ne s’agit pas de cela. Nous sommes mécontentes d’être maltraitées. Nous volerons vers d’autres territoires si la nourriture manque.
Le Mouton : Comme les hommes, nous avons peur des loups. Il me semblerait plus sage d’organiser des chasses avec les chiens pour surveiller les forêts et les exploiter pour le bois afin que nous puissions garder notre toison et que nos enfants les agneaux ne soient pas mangés au printemps.
Le Loup : Si tu parles encore, toi le mouton, je te mange séance tenante. Grrr… Jean de La fontaine l’a dit dans sa fable la raison du plus fort est toujours la meilleure.
Le chien 2 : Tu ne peux toucher à personne ici au pied du château. Tu ne peux pas toucher aux moutons ni aux agneaux car ils sont pour nous des mets raffinés. Contente-toi de dévorer les bêtes de la forêt.
Le mouton : Quand cesserons-nous d’être associés à de bons petits plats et à des pulls chauds pour l’hiver ?
Le renard : Jamais car vous ne pouvez bénéficier de la protection des hommes sans contrepartie.
La Reine : Tout ce petit monde ne semble pas s’entendre. Mais attention, les finances depuis la mort de Colbert partent à la dérive. Les territoires des loups se rétrécissent avec l’intensification du braconnage.
Hermine : Nous ne pouvons nier ce danger, l’homme partage avec le loup le gibier. Le loup s’en prendra un jour aux hommes
La Roi : Tu as peur du loup. Nous organiserons des battues pour le tuer.
Le chat : Je demande que le loup soit exclu de la discussion.
Le Roi : J’accorde aux habitants des forêts le droit de braconner pendant l’hiver. Mais ils ne pourront pas faire commerce de leur chasse. Nous organiserons avec les chiens des battues pour chasser les loups qui mangent les biches et le bétail.
Le Loup s’approche du scribe : Si tu notes cet ordre je te mange la main.
Le Scribe : C’est inutile, l’ordonnance concernant la chasse et les braconniers a déjà été imprimée récemment en décembre 1715, chez Jean de la Caille.
Le Loup : Qui est cette Caille qui va contre mes intérêts ?
Le Renard : Jean Caille est le nom de l’imprimeur. L’ordonnance de 1715 limite le braconnage. Elle est intéressante pour nous tous habitants des forêts. La chasse est le privilège des nobles qui ne devraient point faire commerce de leur chasse. Le problème est qu’ils n’appliquent pas la loi. De plus tu fais peur aux bergers qui sortent armés et braconnent.
Hermine : Ne pourrions-nous pas trouver d’autres solutions pour le loup ? Il est vrai qu’avec la pluie les récoltes furent mauvaises. Les paysans sont obligés de chasser et le braconnage s’intensifie ce qui fait sortir les loups des bois et menace les enfants qui gardent les troupeaux.
Le Mouton : Je demande que les réglementations de la chasse soient abolies et que tous les hommes chassent afin que les bêtes d’élevage vivent plus longtemps. La déforestation et l’assèchement des marécages permettraient d’agrandir les pâturages.
Le loup : La salive me monte à la bouche ta chaire tendre ne devrait pas vieillir si tu continues à te faire remarquer. Contente-toi de suivre les autres comme à ton habitude.
L’oie : Mouton, as-tu réfléchi à ce qui tu viens de dire ? Nos sœurs les chèvres sauvages, les oies sauvages seront massacrées, les rivières ravagées de leurs poissons. Cela aura des conséquences pour nous aussi. Une fois les ressources en gibier épuisées nous serons mangés. Les hommes devraient passer un examen, une licence pour pouvoir chasser tout en respectant les ressources.
Le Loup : Avec la découverte de la pomme de terre je pensais que les hommes chasseraient moins. Mais ils sont de plus en plus nombreux et notre territoire diminue. La chasse à l’homme est devenue difficile. Il faut absolument que je tienne conseil avec mes cousins du Gévaudan.
Le Renard : Méfie-toi, les hommes sont nombreux ne livre bataille que si tu es sûr de la victoire.
Le Roi : Que l’on tonde les moutons même s’ils sont maigres et les oies seront plumées afin qu’elles ne cherchent pas d’autres lieux où vivre. Que les chats se contentent des souris. Pour privilégier l’élevage laissons les paysans avec leurs armes. Faites appliquer l’ordonnance concernant la chasse et les braconniers et qui interdit le commerce du gibier en dehors des circuits officiels. Avec les chiens, organisons des battues aux renards et aux loups pour protéger l’élevage.
Le loup au scribe :Tu n’écriras pas cela ou je te mange la main.
Le scribe : éloignez ce loup, il me fait peur.
Le roi : « Seule l’oreille des hommes change. Chaque époque crée, selon l’ordre des choses, selon les préoccupations contemporaines, un dialogue vital avec la BÊTE, dialogue condamné à être toujours nouveau et unique, frivole et puissant, bulle de savon frôlant la pierre grise. »[2] Le nombre de mes sujets grandit, les villages s’étendent cela demandera une sagesse nouvelle pour surmonter les peurs de chacun qui mettent tout au feu.
Tous partent en grognant. Le scribe ne peut rien écrire car le loup le menace mais pour le loup la loi fut appliquée. Après un siècle de lutte les derniers grands loups du Gévaudan étaient morts. L’élevage s’est intensifié et organisé. Mais la chasse n’est pas encore bien réglementée et les Syndicats de pêche ou de chasse responsables du décompte des ressources sont peu ou pas entendus. La répression n’est pas assez dissuasive pour le braconnage. Les calomnies des promoteurs sur les chasseurs décrédibilisent leurs soucis de préserver les marécages, des forêts aux espèces végétales diversifiées, la lutte contre la pollution. Le cri des soucieux de la nature, des pêcheurs et des chasseurs ne concerne pas seulement les animaux mais l’ensemble des ressources naturelles. Sous l’empire la pêche et la chasse sont restreintes à ceux qui ont une licence qui les instruit de leur responsabilité dans la gestion des ressources. Ce système perdure encore en France mais avec ses fragilités.