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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 15:27

La critique de Lévinas

L’universalité de la pensée magique

 

413, Atelier chapelle, 11 01 2004

La chapelle est le lieu de rencontre dans l’amour. Dieu est amour pour Simonne et religion veut alors dire relation dans l’amour. Elle construit une chapelle où partager. Les pierres sont les archétypes de la pensée. En donnant à son corps la forme d’une chapelle avec un clocher, un large portail, une girouette et une cloche la question est posée : quelle relation existe-t-il entre les institutions et la personne individuelle son engagement, sa substance ? La substance au sens des actes qui constituent sa personne morale. L’individu ne peut vivre en idéaliste solitaire. « Accompagnent mon chemin  A sa mission de demain.  Au siège du centre social,  Réunis en assemblée spéciale  […] L’estampe religieuse  Qui en l’inconscient sommeil.  Au présent ma vie s’éveille.. De l’avoir longuement œuvré,  Ma bâtisse est achevée.  Mon atelier-chapelle  Prend corps au réel »[1].

 

Simonne Roumeur est claire et directe « l’estampe religieuse » est l’image mentale de la relation sociale. La question est posée de la relation entre l’individu et l’institution et de l’importance d’un respect mutuel.

 

Dans le Glossaire (n°185) sont présentés ce que l’artiste appelle ses « symboles individuels et universels ». On trouve entre autre l’abeille qu’elle nomme « être de feu » et qui symbolise le rapport entre le collectif et l’individuel. L’abeille est présente dans beaucoup de ses œuvres. Le monde des symboles est celui de l’imaginal un monde intermédiaire des images mentales issu de l’imagination et de la rationalisation dans la démarche de prise de conscience des relations avec les autres ou avec l’Autre. La relation alchimique se réalise au travers de l’oiseau, l’abeille, l’arbre, le soleil…

L’œuvre de Simonne Roumeur doit pouvoir démontrer l’universalité du concept d’imaginal. Le matérialisme magique serait une forme de l’imaginal. L’imaginal est le moyen heuristique de la transmission des connaissances psychologiques et les rend accessibles et utiles à tous. Se connaître soi-même et connaître l’autre est une richesse qui n’est pas réservée mais ouvre sur les possibles de la liberté. Le travail de Simonne Roumeur porte sur ses relations aux autres. C’est pourquoi ses brouillons que l’on pourrait qualifier de journal de ses rêves, comportent des pages intéressantes mais leur origine dans les joies et les difficultés des liens relationnels ne permet pas leur publication. L’auteur y fait référence à des personnes précises en donnant leur nom. L’imaginal est le moyen pour Simonne Roumeur d’objectiver ses rêves. Les archétypes auxquels elle a recours permettent à la pensée de chacun de vivre librement dans les images mentales de ses rêves. Le thème de l’universalité apparait dans Le temps et l’autre d’Emmanuel Levinas : « Le solipsisme[2]n’est ni une aberration, ni un sophisme : c’est la structure même de la raison. Non point en raison du caractère subjectif des sensations qu’elle combine, mais en raison de l’universalité de la connaissance, c’est-à-dire de l’illimité de la lumière et de l’impossibilité pour aucune chose d’être en dehors. »[3]

La connaissance et la sagesse, l’amour sont comme la lumière, ils se partagent sans s’amoindrir. Mais la raison, instrument de la prise de conscience, est subjective. La subjectivité dépend de la personne. Elle est liée à la substance, hypostase lumineuse chez E. Levinas, de la personne. Mais ce serait une erreur de tomber dans un subjectivisme idéaliste. « Le retournement possible de l’objectivité en subjectivité est le thème même de l’idéalisme qui est une philosophie de la raison. L’objectivité de la lumière, c’est la subjectivité elle-même. Tout objet peut-être dit en termes de conscience, c'est-à-dire mis en lumière. »[4]Emmanuel Levinas après avoir si clairement repoussé la subjectivité dans l’idéalisme offre une réflexion autour de la mort. La mort en effet est une constante universelle. Nous vivons tous avec la mort force centripète qui assure les jaillissements de la vie. Emmanuel Levinas passe très près d’une intuition sur l’universel qui à mon sens aurait été plus courageuse. Son pessimisme sur l’homme lui fait dire : « Ne peut-on pas résoudre ainsi une contradiction dont toute la philosophie contemporaine constitue le jeu ? L’espoir d’une société meilleure et le désespoir de la solitude, fondés tous les deux sur des expériences qui se prétendent évidentes, apparaissent dans un antagonisme insurmontable. Entre l’expérience de la solitude et l’expérience sociale il n’y a pas seulement opposition, mais antinomie. »[5]

 

Justement la solution est de refuser le pessimisme et le fatalisme qui opposent conscience collective et conscience morale avec les consciences individuelles. Ce pessimisme est issu des exemples et d’expériences qui montrent le manque d’amour et le mépris de l’autre dans les comportements humains. Le mot conscience est à prendre au sens de substance ou hypostase pour reprendre un mot d’Emmanuel Levinas et lutter contre sa philosophie de la solitude. Car la personne ne se réduit pas à l’individu ni à la personne morale, ni à la personne physique. La relation est ce qui constitue la personne morale donc en aucune façon la personne morale ne s’oppose à l’individu. Si S. Freud avait pu vivre son identité juive librement, il aurait pu plus facilement imposer la part universelle de la psychologie et la psychanalyse sans pour autant nier sa personne morale individuelle et celle de la synagogue. Il y est revenu, dans la phase ultime des persécutions, car la nécessité était trop grande face à son souci professionnel. La personne morale collective de Sigmund Freud est une part de l’individu S. Freud. La notion de père dans la pensée juive, par exemple, est très présente dans la psychanalyse. L’erreur d’opposer individu et personne morale collective est extrêmement grave car elle remet en cause le fonctionnement des institutions. S’il n’y a pas un dialogue équilibré entre la personne morale collective, l’individu, sa personne physique et sa personne morale, l’institution n’existe pas. En psychologie, pour préserver la personne morale individuelle, l’inconscient constitue une barrière que les médecins nomment barrière critique ou censure de l’inconscient[6]. L’inconscient va emmagasiner des informations, des images, des odeurs qui ne passeront pas dans le subconscient et dans le conscient. Ces mécanismes existent depuis longtemps dans la société et les personnes morales de la société, les entreprises, les institutions comme les églises. Même si la censure qu’exercent les personnes morales collectives ne sont pas réellement comparables avec celles de l’individu, il existe de analogies. La dimension symbolique de l’art permet à la société de dépasser certains blocages. L’Art est analogiquement le préconscient de la personne morale collective.

Henry Corbin[7]a pris la peine d’inventer le mot imaginal pour orienter les textes et l’interprétation des textes, l’herméneutique, les différents angles de lecture d’un texte et la sagesse qui peut s’en dégager. Pour mettre en place ce concept, Henry Corbin s’est inspiré de la démarche poétique et de l’enseignement de Sohravardi. Le discours amoureux, comme le chant des oiseaux, ouvrent les portes d’un ciel, celui de l’aimé comme le fiancé ou celui de la prière tourné vers l’Amour. Prendre le temps de regarder les images mentales d’un texte et de vivre dans le lieu qu’elles offrent constitue un acte de partage des idées, un moyen de rencontre, de relation dans le respect des silences, ombres des multiplicités de chacun.

 

L’imaginal est un objet nécessaire à la réflexion, une heuristique, un moyen d’accéder à la sagesse. Les formes de la rhétorique qu’il prend métaphores, paraboles, symboles, allégories permettent à chacun de vivre dans ses plis d’artiste et de poète. La langue arabe n’a pas d’usage du verbe être pour décrire l’existence. Les choses sont considérées dans leur devenir. Cette langue se prête donc à la saisie du vivant par les images mentales.

Les poètes du Proche-Orient ont inspirés ceux du monde entier. Ils n’apportent pas seulement l’inspiration, ils dévoilent par la perfection de leur art les caractéristiques de la poésie. L’imaginal est un de ces savoirs faire du poète quel que soit son origine. L’imaginal a une dimension universelle qui a permis sa conceptualisation grâce aux grands maîtres de l’art poétique qui ont existés en Orient.

La poésie de Simonne Roumeur utilise l’imaginal pour décrire la prise de conscience de certaines angoisses psychiques. Donc apparaissent dans l’œuvre de Simonne Roumeur une description des archétypes de la psychologie, la reconnaissance d’un visage psychique qui lui est propre mais qui révèle les plis universels de l’humanité ; une heuristique poétique que je rapprocherais de l’imaginal. Mais l’imaginal de Simonne Roumeur est tinté du « matérialisme magique » de Suzanne Besson une artiste surréaliste habitant au Relecq-Kerhuon dans les années 70. Le matérialisme magique est la révolution permanente de l‘imaginaire, la praxis cosmique des combinatoires au cœur de la matière, sources qui offrent l’espérance d’un progrès et d’un devenir dans une créativité à même la matière. Simonne Roumeur se contente de préserver la fragilité de sa vie aux travers des maladies l’intoxication et ensuite le cancer. Mais elle partage avec le matérialisme magique la volonté de transfiguration du monde. La révolte et l’enthousiasme passent par l’émotion contre le sordide de la réalité. Le retournement qu’elle crée va de l’angoisse à la joie. La démarche de Simonne Roumeur s’inscrit dans un contexte contemporain qui n’est plus celui d’une adhésion totale au pouvoir de la science et de la technique. La démarche de Simonne Roumeur est celle du souci de la préservation de sa vie.

Les œuvres peintes de Simonne Roumeur permettent la connaissance des angoisses et des joies qui font la vie. L’inquiétude, la nécessité de s’imposer dans le milieu familiale et social, les étapes de l’adolescence, l’audace de s’exprimer en société, d’écrire, de peindre, de dévoiler le pli artistique, l’effort pour l’indépendance, la lutte contre la maladie, le drame d’être une femme, les joies d’être une mère, le plaisir de la danse, en cela chacun peut se reconnaitre et découvrir que ces questions sont normales et se présentent pour tous dans les étapes de la vie. Les chemins de Simonne Roumeur sont communs à chacun. La reconnaissance de la dimension archétypale de nos angoisses aide à la prise de conscience de nos émotions et permet de les dominer afin d’éviter les approches fatalistes de la commune tendance naturelle ou des pulsions. L’œuvre de Simonne Roumeur est un bon outil.

Une fois reconnue la dimension universelle de la connaissance à laquelle l’heuristique imaginale de Simonne Roumeur nous permet d’accéder, la question des antécédent familiaux se pose moins lourdement. L’hérédité n’est pas l’origine de toutes nos inquiétudes, de toutes nos fragilités, mais cette origine est liée à notre humanité. Ce que la psychologie décrit ce n’est pas les défauts de notre famille mais les fragilités de notre humanité. Simonne Roumeur montre dans Atelier chapelle et dans l’ensemble de son travail que volonté, liberté et fraternité sont un bon contrepoids au mythe de l’homme parfait.



[1]S. Loaec Roumeur, Atelier chapelle, 413, 11 01 2004.

[2]Le solipsisme : un idéalisme qui considère le sujet pensant dans une seule réalité. La subjectivité y est considérée dans une existence unique vers une réalité unique. La connaissance est universelle mais la pensée rationnelle subjective qui éclaire le réel en réalité dans la prise de conscience laisse la personne seule dans l’isolement de sa rationalisation, la solitude.

[3]Emmanuel Lévinas, Le temps et l’autre, Paris : P.U.F., p. 48.

[4]Emmanuel Lévinas, Le temps et l’autre, Paris : P.U.F., p. 48.

[5]Emmanuel Lévinas, Le temps et l’autre, Paris : P.U.F., p. 40.

[6]Internet : Conscient, inconscient, préconscient, subconscient – formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique – Cours et schémas présentés par D. Giffard.

[7]Henry Corbin est le traducteur de Sohravardi.

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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 08:58

IMG 2747

 

Cette exposition a lieu au Musée d'art spontané de Bruxelles (Schaerbeek) et à la bibliothèque 1001 pages
entre le 1er avril et le 8 mai 2010.

 

Monique Oblin-Goalou donnera une conférence sur cette artiste le vendredi 30 avril 2010 à 12h30 à la bibliothèque 1001 pages.

 

IMG 2747
par Monique Oblin-Goalou

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25 août 2008 1 25 /08 /août /2008 15:32

V Jardin de l’âme

N°499 Figuier 2 03 06

 

Les apparences des images sont riches en couleurs lumineuses et en formes naïves. Il se dégage de ce travail une enfance. La surface peinte devient l’apparence des multitudes de l’âme.

 

L’unité se refait dans l’âme offrant des sensibilités issues de l’âme

 

L’art est non retrait et la question ne relève pas de son lieu physique mais de reconnaître que le lieu de l’art est dans le plan de l’âme. Si tous les plans existent ensemble, les uns pour les autres en dehors de toute idée de séparation entre le spirituel et le temporel, l’art devient l’expression de l’ouvert dans l’être. Le plan de l’âme réunit le sensible au spirituel, la plasticité prend alors une importance particulière. Elle devient le reflet des sensibilités de l’âme. La perfection plastique apporte joie et évite l’épuisement. S’élever intellectuellement nécessite le respect du corps. L’art assure un équilibre au travail intellectuel. La reflexion intellectuelle ne peut se passer de l’art, et particulièrement à propos de l’âme dont les prolongements ne négligent aucun organe. Sans sensible l’épuisement est assuré.

 

Le non retrait est le sensible. Regardons des œuvres comme 436 Dame de couleur, 435 figure de proue, 448 Vêtue de spirituel, 369 Energie Solaire, 394 Médecin des petits.

 

448 Vêtue de spirituel, 436 Dame de couleur, 435 figure de proue, 369 Energie solaire

Suivant le chemin d’avant,

Tracé par l’Auguste maman,

Me voici admirant l’océan

Du ragard neuf de l’Enfant.

Protégée des flots sans âge

Par l’antique grillage

Je vois sous la ligne de flottaison

Un banc de poissons

 

Guidé par un jeune rouget.

Surgit des eaux et rochers

Le divin créateur

De mon humble intérieur

Ma pensée plastique

Communie au son de la musique

Avec le chant chorale,

Annonciateur d’imminents régals.

 

Dans l’ivresse, mon âme nue

Dame de petite vertu,

Largue les dernières résistances

Pour cheminer dans l’abondance.

 

La création passe par le plan de l’âme, selon Gilles Deleuze, dans Le pli. Le plan de l’âme est la réunion de l’intelligence et du cœur. L’amour, la sensibilité se joignent à l’intelligence dans le cœur. Le coeur est l’origine de l’art et de la création. Comment rester hors du champ des bifurcations de la réalité ?

 

La libération de l’esprit se fait dans un dépassement des connaissances. Leur accumulation donne les forces qui s’uniront pour disparaître dans le flux de la création. La liberté est cette libération, non pas élévation, mais présence aux multitudes du savoir dans la métamorphose créative. Simonne Roumeur raconte ses rêves. Et ces rêves parlent de cette liberté acquise au-delà des arbres de la connaissance, de l’éducation de ses parents, de la mémoire, tout ce qui fait les richesses et la terre de son âme demande un dépassement, un départ.

 

N° 301 Tas de bourrier

 

«  Tas de « Bourrier »,

« Chargée par les propriétaires

De veiller sur la terre en jachère

Je descends la visiter.

Dès l’entrée suis arrêtée

Par un dépôt d’ordures

Qui jonche la nature.

Une incroyable accumulation,

Héritage de générations,

Déniché d’un minutieux labeur

Dans les recoins de mon intérieur

Et au fil des ans laissé sur place.

Arrivent mes Ainées. Sagaces,

Pour le libre accès à la vallée,

Elles suggèrent de les rassembler

Allons mon enfant à l’assaut !

Dressons les en monceau.

Armées de la pince à tisons,

Sans relâche entassons les trublions

Jusqu’à ce que monte les gravats

Bien plus haut que les épicéas.

L’enfant, sur le mont de suffisance

Reçoit l’écharpe d’Elu de vaillance

Pour avoir dominé son enfer.

Sur sa main se pose le pic-vert,

Gardien de sa nouvelle Vie.

Maître de notre déchetterie,

Dans le vide de la vallée

Visionnons notre tas de « bourrier ».

Sur la route de la destinée

Va mon Esprit Libéré. » S. Loaec Roumeur[1].

 

Simonne Loaec Roumeur passe par l’élargissement de sa conscience. L’illumination de la conscience est possible en revenant sur sa conscience et en se dégageant de tout ce qui l’encombre. Obligations, contraintes complexes…etc ne sont pas les bienvenus. La conscience se fait disponibles azu choix. Et permet la découverte de la pierre ce qui fait la personne. L’inconscient s’ouvre par le rêve dans l’œuvre de Simonne.

 

« L’ange porte l’élixir mystérieux sur sa tête et représente, par sa relation même avec l’astre à midi, une sorte de génie solaire ou un messager du soleil, qui apporte « l’illumination », c’est-à-dire l’élévation et l’élargissement de la conscience[2]. »

 

« Mais il n’existe dans la conscience aucune disponibilité pour accueillir les contenus inconscients, l’énergie de ceux-ci s’écoulent dans le domaine de l’affectivité,[3] […] ». L’inconscient trouve sa place dans les rêves qui constituent la rosée qui émane de la faille pratiquée dans le microcosme. Le microcosme est le sensible. Les failles du sensible s’ouvrent dans les symboles. Les pierres représentent les richesses de l’âme, le reflet de perfection propre à chacun. La symbolique de la pierre est un terme d’alchimie.

Simonne disait : «  Je suis une rebelle », ou encore, « moi je n’ai pas foi en une église, j’ai foi en moi. ». Ces propos ne sont pas contre l’Eglise mais la sagesse de savoir que chacun est une pierre nécessaire à l’édifice de l’humanité.

 

476 Âme de Pierre 16 08 2005

 

Comment rester insensible

A la détresse ostensible ?

Pour laver les pleurs des vies mitées de douleur.

L’âme de la pierre

Lève sa colère,

Dresse le phallus de la roche

Pour vivifier ce qui cloche.

 

Il n’y a pas d’élu la différence de chacun est nécessaire. Simonne Roumeur est une révoltée. Il a fallu un peu de temps avant que Simonne trouve l’audace d’écrire et de peindre. Trouver la pierre est une des démarches de Simonne. Simonne me disait aussi « L’enfant est minuscule

            L’enfant c’est quelque chose de sublime

            L’enfant c’est mon divin » »

 

L’enfant, la pierre, la lumière, l’esprit, la dame, la mère, ce sont des mots qui reviennent pour dire le reflet de perfection, de divinité, présence dans l’âme qui inspire les rêves, les écrits et les ouvres peintes.

 

Les forces de la vie se trouvent en soi. Ce que la médecine, ce que les autres ne peuvent donner se trouve en elle. Pour vivre sans se décourager, Simonne donne mais elle reçoit beaucoup de son mari, de la présence constante du docteur Cordier à ses cotés, de ses enfants et petits enfants, de son jardin et sa maison.

 

450 Grands cyprès

 

« Mon être immergé

Epure ma pensée

Qui perçoit, émergeant de la mer,

Une étendue de pierre,

 

Vaste meule de galets blancs

Dressés vers le firmament.

Portée par la force de l’eau

Je me hisse sur son dos.

 

[…]

S’envole mon esprit

S’abreuver à la Vie

De la déesse Mère

Permanente en ma Terre.

 

Pierre blanche, pierre noire

Me donnent à savoir

L’étendue de la science

Recelée en ma conscience[4]. »

 

La pierre peut-être considérée comme le lieu de naissance des dieux. Les âmes naissent de la pierre, selon les légendes primitives. L’homme terrestre est appelé Adam, l’homme spirituel Lumière. Ces deux hommes en sont un seul, l’âme et le corps. La pierre signifie l’homme intérieur, la nature cachée, le divin présent en chacun, l’envers de la chair. L’idée de pierre est à associer à la lumière, la pureté. L’homme porte en lui une part de pureté. Mais cette pureté est transmise par la chair du corps qui est l’atelier chez Simonne Roumeur.

 

Carl Gustave Jung écrit :

« Le dessein de la nature inconsciente qui a produit l’image de la pierre philosophale apparaît de la façon la plus claire. L’idée est que celle-ci naît dans la matière, qu’elle s’extrait de l’homme, qu’elle est répandue partout et que sa réalisation, située au moins virtuellement dans le domaine de l’homme, est partout possible[5] ».

 

La pierre se rapporte à la pierre précieuse et alors, il est possible de penser en termes d’étoiles qui émergent de la terre. La pierre est symbole d’éternité. Elle est le « corps de résurrection[6] ». La résurrection a d’abord été considérée comme celle de l’homme intérieur. Mais elle est de chair pour s’intégrer à la vie.

 

491 Sein tabernacle 24 12 2005

 

La pierre se transforme en lait. Il n’est pas question de lumière pure mais retour à la chair purifiée par l’Esprit. Simonne utilise souvent le mot Esprit.

 

« De l’avoir longuement œuvré,

Ma bâtisse est achevée.

Mon atelier-chapelle

Prend corps au réel[7]. »

 

L’œuvre peinte qui accompagne ce poème est une chapelle naïve comportant des yeux, des seins et une bouche. Le corps de la femme se mêle à celui d’une chapelle.

 

L’énergie, en sortant, libère le corps. Mais surtout, elle devient lait nourrissant. Donc la pierre se transforme en chair, en lait.

 

« S’attache à réhabiliter

Mon sein par le mal scalpé.

Entièrement relouqué,

Ventru de spiritualité

 

L’atout de ma féminité,

Nourriture d’Humanité

Est réceptacle

Divin. Sein-tabernacle[8]. »

 

Le cœur de pierre se retourne en chair.

 

Simonne Roumeur voyage par ses rêves dans son « monde intérieur », selon son expression, mais elle lui donne chair, une chair qu’elle a travaillée dans son atelier "chapelle", qui est son corps. La pierre se transforme en lait, si elle reste lumière. L’homme finit par s’épuiser et perdre la lumière. Il perd tout. Simonne a une démarche inverse. Son œuvre est une nourriture pour les âmes d’enfant.

 

CONCLUSION

 

Simonne Roumeur s’inscrit dans une démarche artistique qui concerne des artistes comme Frida Kahlo, Louise Bourgeois, Edward Munch, et les d’artistes de l’art brut.

 

Frida Kahlo (1907) est une artiste mexicaine qui, suite à un accident de tram, est restée immobillisée longtemps. Elle a appris à dessiner seule, allongée sur son lit. Elle s’intéressait beaucoup à la chair, comme Simonne, et la faisait rayonner de ses engagements, politiques, spirituels et amicaux, car elle peignait des portraits.

 

Louise Bourgeois (Paris 1911) est exposée aujourd’hui à Beaubourg. Elle s’intéresse à la chair, à la sexualité féminine, à la psychologie. Elle utilise ses émotions pour les traduire dans des œuvres d’art qui témoignent du point de vue de la femme sur le monde.

 

Edward Munch (1863-1943) a perdu de nombreux parents et relations pendant son enfance. Il faisait revivre sa famille dans des rêves. Il est, comme Simonne, un artiste du rêve.

 

Les artistes de l’art brut sont des marginaux extérieurs à la sphère culturelle. Des artistes se réuniront sous cette appellation pour s’opposer à l’art institutionnel, pour plus de liberté. Simmonne Roumeur n’avait pas de formation artistique préalable. Avec le temps, elle développe des capacités liées à ses lectures, à ses rencontres, à sa connaissance d’elle-même. Artiste de l’art brut pour être libre oui; mais, cela me gène de réduire cette artiste à l’art brut alors qu’elle porte en elle un fort engagement sur l’âme, l’Esprit, la relation entre la terre immense de l’esprit et son rayonnement sur le sensible dans l’art. Simonne est une artiste de l’âme, pour reprendre les vers de sa poésie le paon, la femme.

 

Je voudrais rester sur ces vers de La femme 137, que je citais au départ:

 

« Tout au fond je vois le paon

« Toi qui est femme,

Imagine ainsi ton âme. »

 

Iconographie :

 

137 La femme

269 Caverne

289 Opéra

065 Tâches

253 Nourriture régénératrice matière primordiale

219 Maison du chêne

413 Atelier Chapelle

162 Prie-Dieu

185 Glossaire

08 Ecriture Automatique

036 Orchidée

508 Tête à l’envers 7 06 06

499 Figuier 2 03 06

448 Vêtue de spirituel, 436 Dame de couleur, 435 figure de proue, 369 Energie solaire

301 Tas de bourrier

476 Âme de Pierre 16 08 2005

450 Grands cyprès

491 Sein tabernacle 24 12 2005



[1] S. Loaec Roumeur. Tas de « Bourrier », 301, 30 décembre 2002, Le Relecq Kerhuon : collection de l’artiste, œuvre exposée par l’association Art et Vie de la commune au printemps 2006. L’œuvre est la mise en résonance d’une image acrylique du tas de « bourrier » accompagnée de la poésie reproduite ici.

[2] C. G. Jung. Les Racines de la conscience, commentaire des visions de Zosime, Buchet/Chastel, 1971, p. 191.

[3] Ibid, p. 192.

[4] S. Loaec Roumeur. Grands cyprès, 2005, poésie 450.

[5] C. G. Jung. Les racines de la conscience, Paris : Buchet/Chastel, 1971, p. 213

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] S. Loaec Roumeur. Sein tabernacle, 24 écembre 2005, poème 491.

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25 août 2008 1 25 /08 /août /2008 15:26

 

IV Images, fabriques d’inconscient

n°08 Ecriture Automatique

 

Certaines citations d’Arthur Janov venaient dans la conversation. Arthur Janov est un psychiatre, qui s’est intéressé à la souffrance, au cri primal, à la révolte. Reprenons les mots de ce médecin que nous partagions : « Au lieu de rester à pleurer vivre, aller chercher l’enfoui ». Le but des thérapies d’Arthur Janov est de connecter les besoins du corps avec les souvenirs emmagasinés dans l’inconscient afin de donner au sujet son unité. La thérapie d’Arthur Janov n’est pas considérée comme une théorie scientifiquement valide. Elle est contestée par certains médecins comme dangereuse. La cure consiste en l’expression de désirs non satisfaits auprès du médecin puis, frustration par isolement, ce qui implique la souffrance, puis vient la révolte qui se traduit par le cri. Alors on estime que le lien entre souffrance et notre histoire s’est refait. L’art de Simonne est-t-il le cri de la vie, ou le cri pour vivre dans ses souffrances ? Médicalement l’important est que ses souffrances puissent s’exprimer, mais aussi que Simonne vive dans la réalité. Cette vie elle devait la choisir librement en fonction de ses capacités. La réponse sera très riche.

 

Selon Sigmund Freud le plaisir est un moteur de la vie mais il n’est pas le seul. Il y a un petit texte dans essai de psychanalyse de Sigmund Freud p. 92 à 95 qui traite de la vie et de la mort. Le milieu est important dans l’apparition de la différence. Pour faire un rapprochement avec la biologie, le renouvellement du milieu permet de garantir le non vieillissement des paramécies de laboratoire. La différence est ce qui va garantir un avenir autre, renouveler la cellule. Il y a d’un coté les rêves qui sont des actualisations symbolique du domaine de la pensée et de l’autre les peintures et les poèmes qui sont des réalisations symboliques. Les symboles orientent la puissance de l’homme vers l’amour, le respect de l’autre. Ils sont les instruments de fabrication de l’inconscient. Il créent des liens entre des milieux que tout semble séparer. Ils sont les rhizomes de la pensée.

 

Le rêve est important pour se connaître, mais aussi pour se fabriquer de l’inconscient. Les réalisations se font dans la réalité, elles changent, elles sont un retour au réel une présence au milieu des autres, une façon de vivre pour les autres. Comme elles sont Symboliques chez Simonne elles respecte l’inconscient de l’autre.

 

A Orchidée n°036

 

« Orchidée,

 

Majesté Orchidée

A poussé

Sa feuille

Jusqu’à mon seuil.

 

Venue féconder les fondations

De ma maison

Elle offre la fleur

Du bonheur.

 

Habillée

De pureté

Sa vivance

M’habite d’espérance

 

Et ouvre mes paupières

A sa lumière[1] »

 

L’orchidée se nourrit de l’air du ciel. Elle prend la forme des insectes du ciel. Orchis araignée, orchis mouche, orchis bourdon, vous trouvez ces fleurs en montagne. Et, elles vous disent que le ciel est aussi une nourriture.

 

Simonne est comme les orchidées. Elle vit du spirituel d’où son poème tête à l’envers.

 

B n° 508 Tête à l’envers 7 06 06

 

… Revitalise mon esprit

 

Tu en a bien besoin ma Vie

En ce temps d’apathie.

Ma seule arme est de créer

Ce que mon rêve donne à visionner.

Aussi ma Mère avec toi je suis.

Ce qui Est je le traduits,

Gourmande de mon salut.

Lorsque déracinant du talus

 

L’arbre dressé dans les airs

Tu le descends cime vers la terre.

Tu mets ma Mère

Ma tête à l’envers.

Ma pensée reste coi.

Le vrai est ce que je vois en moi !

Alors à l’œuvre mon imaginaire,

Peignons l’arbre à notre manière.

 

L’apparent de la Vie

Puise dans la terre son énergie.

La Force de l’Esrit

Est flambeau d’énergie.

Les racines captent dans le ciel

L’essence spirituelle

Qui tapisse les cœurs

De sa source de chaleur.

 

L’orchidée au sommet de la canopée vit de l’air du ciel dressant ses racines vers le ciel. Gilles Deleuze introduira ce nouveau modèle de la pensée. Il donne à la pensée la possibilité de sortir des arbres de la hiérarchie, des déductions et de la paternité qui répétent à l’identique expliquant ainsi la présence de la différence par l’influence du milieu possible grâce au liens rhizomiques.

 

Pour l’inconscient, le modèle du rhizome est important.

Gilles Deleuze fait remarquer l’importance de l’inconscient. Il ne s’agit plus, comme Freud, de dévoiler l’inconscient, mais au contraire d’en faire. On retrouve Lacan qui remet en avant l’importance d’une pensée symbolique. Le symbole devient le signe de l’ouvert de la présence des multiplicités de l’inconscient.

 

« Rosenstiehl et Petitot considèrent à juste titre la possibilité d’une « organisation acentrée d’une société de mots ». Pour les énoncés comme pour les désirs, la question n’est jamais de réduire l’inconscient, de l’interpréter, ni de le faire signifier suivant un arbre. La question est de produire de l’inconscient, et avec lui, de nouveaux énoncés, d’autres désirs : le rhizome est cette production d’inconscient même[2]. »

 

Nous avons vu, avec Hélène Cixous, que les oxymores et les contradictions étaient autorisées dans le rêve. La cohabitation de milieux différents est possible dans le symbole dont les deux faces ne se ressemblent pas. Le rêve, le symbole existent par l’imagination de l’intelligence et créent des liens rhizomiques, sources de devenirs différents.

 

Comme Simonne Roumeur était souffrante, elle tournait ses racines vers le ciel et prouvait que les nourritures de l’esprit peuvaient faire vivre.

 



[1] Simonne Loaec Roumeur, Orchidée, 036, Extrait de poésie, 22/02/95

[2] Ibid, p. 27

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25 août 2008 1 25 /08 /août /2008 14:59

 

III Mystère de l’âme

N° 253 Nourriture régénératrice matière primordiale

 

On retrouve le corps et certains organes, le jardin, les animaux, l’arbre et bien d’autres éléments de la vie courante comme dans cette image un fil téléphonique de la vieille génération. Le quotidien devient poétique grâce la dimension symbolique que Simonne lui donne. Les animaux ou homoncules donnent, comme dans les symboles de l’héraldique, une universalité à l’œuvre tout en lui gardant par sa naïveté une grande accessibilité. L’intérêt du symbole est une liberté d’interprétation.

 

Maison du chêne n° 219 2/10/98

 

Le Chêne m’invite à lui conter mes rêves.

Au jour qui se lève

L’offre étant de bon aloi,

Je vais au bois

Surgit

La jeune vie.

 

Si belle

Que je la crois nouvelle.

Je caresse son flanc,

Entends : « Viens dedans,

Le noir n’est pas peur mais profondeur ».

 

Je marque un temps d’arrêt.

Instant prélevé

Pour permettre à ma Vie de trouver

Sa stabilité.

Spiritualisée

Je me suis désincarnée.

 

La voie de la pureté

Exige la recherche de sécurité.

Ombre et Lumière,

Je sors de ma chaumière

Vêtue de carreaux.

Que le monde est beau !

 

Dans cette poésie on trouve un double mouvement : désincarnation, pureté, spiritualisé, lumière que Simonne oppose à l’ombre qui elle est : stabilité, vêtue de carreaux, arbre, chaumière, chêne. « Ombre et lumière » sont réunies sur le même vers donc l’opposition n’est pas séparation mais réunion des deux faces de l’humanité. Ce vers est la charnière du poème qui, après le passage dans la lumière, annonce le retour de l’âme dans le sensible. Le deuxième mouvement est le retour de la « vie spiritualisée » dans le monde, « Vêtue de carreaux. Que le monde est beau ! ». Le mouvement est Ombre avec désir de Lumière, Lumière, réunion des deux.

 

Simonne disait : « J’arrive dans ces sites paradisiaques mais il faut que je garde les pieds sur terre, rester en équilibre »

 

La nuit obscure de Saint Jean de la Croix est une pensée négative qui cherche la pureté,  « la voie de la pureté » disait Simonne. Une fois la pureté atteinte, l’enfance de la contemplation lui permet d’écrire : « La musique de ma Vie s’instaure en égérie. ».

 

Une fois dans la lumière, Simonne est-elle mystique ?

 

Simonne est plus proche des surréalistes que des mystiques. Elle travaille sur ses hyperrêves pour les dominer. De même, les surréalistes vont être ceux qui s’intéressent aux rêves.

 

Les mystiques, comme Anne Catherine Emmerick, ou Hildegarde de Bingen, avaient des visions. Elles recevaient la sagesse sacrée du divin dans la pensée immédiate, dans la mémoire immédiate, dans l’arbre de l’imagination. Ainsi Moïse reçoit la sagesse des dix commandements dans une lumière qui transfigure l’arbre de la pensée. Le buisson ardent a certainement été matériellement présent, mais il permet aussi une lecture intellectuelle et spirituelle de l’événement. Dieu a voulu le buisson ardent pour l’écriture des tables de la loi, respectant par là les branches de l’intelligence humaine. Ces branches sont notre rationalité, notre imagination, notre capacité déductive, la capacité de mémoriser, de symboliser, le sens du sacré et nous pourrions en trouver d’autres. Revenons à Simonne.

 

Où se situe Simonne par rapport aux mystiques ? Elle se situe dans l’arbre de l’imagination, dans la pensée immédiate, dans les rêves. Sa démarche est laïque, c’était son mot : «  laïc ». En fait, sa démarche est recherche d’énergie psychique, sa démarche est artistique, mais sans but prophétique. Comme Castanéda, elle ne se fixe pas de fin autre que de vivre encore. Une recherche d’unité la motive. Pour vivre, elle déploie tous les plis du sensible et de l’intelligence, donnant une grandeur immense au plan du rêve. De temps en temps, le sacré apparaît dans son travail. Simonne Roumeur est un être humain comme les autres, dans son intelligence, le pli du sacré existe aussi.

 

B Atelier Chapelle n° 413 11 01 2004

 

Accompagnent mon chemin

A sa maison de demain.

Au siège du centre social,

Réunis en assemblée spéciale

Sont avec les Anciens,

Les soucieux du bonheur humain.

Face aux regards limpides

Ma pensée se dissipe

*

Et capte dans la nébuleuse

L’estampe religieuse

Qui en l’inconscient sommeil.

Au présent ma Vie s’éveille.

De l’avoir longtemps œuvré,

Ma bâtisse est achevée.

Mon atelier chapelle

Prend corps au réel.

 

C 162 Prie-Dieu

 

« …

Je prie Dieu

Implore les cieux.

 

« Vous qui savez,

S’il vous plait de m’aider ? »

Il m’a entendue.

Il est venu.

 

Ouvrir la ceinture

De la terre du futur. »

 

Même s’il y a de la mystique dans les plis de l’Esprit de Simonne, ce n’est pas son but premier.

 

Le travail sur ses rêves est la première de ses motivations pour créer. En cela, elle est proche des surréalistes. L’une de ses œuvres s’appelle d'ailleurs "écriture automatique".

 

André Breton découvre les ressouces de l’écriture automatique en 1919. Le poète s’inspire de la jeune psychologie.

 

Blanchot, bien après André Breton, écrit à propos de l’écriture automatique : « L’écriture automatique est une machine de guerre contre la réflexion et le langage. Elle est destinée à humilier, à humilier l’orgueil humain, particulièrement sous la forme que lui a donné la culture traditionnelle. Mais, en réalité, elle est elle-même une aspiration orgueilleuse à un mode de connaissance… En levant la contrainte de la réflexion, je promets à ma conscience immédiate de faire irruption dans le langage[1] ».

 

Voilà encore une nouvelle notion: "la conscience immédiate".

La conscience immédiate est la matière des rêves. André Breton écrit, à propos du mot surréalisme : «Par lui, nous avons convenu de désigner un certain automatisme psychique qui correspond assez bien à l’état de rêve, état qui est aujourd’hui fort difficile à délimiter. Je m’excuse de faire intervenir ici une observation personnelle. En 1919 mon attention s’était fixée sur les phrases plus ou moins partielles, qui, en pleine solitude, à l’approche du sommeil, deviennent perceptibles pour l’esprit sans qu’il soit possible de leur découvrir une détermination préalable. Ces phrases, remarquablement imagées et d’une syntaxe parfaitement correcte, m’étaient apparues comme des éléments poétiques de premier ordre. Je me bornai tout d’abord à les retenir. C’est plus tard que Soupault et moi nous songeâmes à reproduire volontairement en nous l’état où elles se formaient. Il suffisait pour cela de faire abstraction du monde extérieur et c‘est ainsi qu’elles nous parvinrent deux mois durant[2]… »

 

Ce que Simonne Roumeur nomme le rêve, ce sont ces images de la mémoire immédiate qui l’envahissent la nuit quand elle ne parvient pas à dormir.

 

Les mots de Simonne montrent que les plaisirs intellectuels sont aussi sensibles « Quand je fais mes icônes, je ressens une jouissance physique qui est unique au monde. Quand je ressens une félicité, je sais que je suis dans le bon, que je ne me suis pas trompée. »

 

Maître Eckhart, du Moyen-âge, écrit : « Où donc est ton royaume ?

                                   - Dans mon âme.

                                   - Comment cela ?

                                   - Lorsque je ferme les portes de mes cinq sens et désire Dieu de tout mon cœur, alors je trouve Dieu en mon âme aussi clair et aussi joyeux qu’Il l’est dans la vie éternelle.[3] »

 

Qu’est-ce que le plan de l’âme ? Le plan de l’âme est le lieu plein de plis où viennent s’unir sensations, émotions, rêves et Intelligence. Les joies de l’âme font les joies du corps. La poésie et les images de Simonne en suivent les circonvolutions.

 

Je parle d’âme chez Simonne car elle me disait : « Je ne veux pas être exploitée commercialement parce que c’est une valeur, c’est du sacré, ce sont des icônes m’a-t-on dit ».

 

D Glossaire n° 185

 

Le rêve délivre des symboles que Simonne déchiffre et transforme en images mentales dans sa poésie.

 

Glossaire

 

Le rêve a boulversé l’Energie

De ma vie

M’a appris à regarder

Au plus secret de mon intimité.

A élevé à un niveau supérieur

Les relations intérieures

 

De mon inconscient,

De mon conscient

Venu du fond de mon mystère,

Des ondes de l’univers,

Les pulsations de mes trois niveaux

Se conjuguent pour le renouveau.

 

Ma pensée au cœur de son histoire

Retrouve sa mémoire,

Décode symboles individuels

Et Universels

Mon imaginaire voyage sur l’océan

Infini du temps.

 

Tout est couleur, danse, chant

Dans la maison de mon enfant.

Avec l’instinct du vécu de la création,

Mon pinceau traduit mes perceptions.

De l’ombre et de la lumière

Naît mon glossaire.

 

 « On a franchi tellement de frontières, l’esprit est relié à l’esprit universel. On est ailleurs. ». Ensuite il y a l’âme. La poésie et la peinture sont le lieu de l’âme, le retour du spirituel dans le rêve, puis dans l’arbre de la mise en œuvre du sensible et de l’intelligence.

 

Un symbole vient du grec "symbolon", sorte de jeton ou cachet personnel que les citoyens s’offraient en souvenir de l’hospitalité reçue dans une ville, l’action de rassembler, rapprochement, convention, pacte. La recherche de cette force de vie en esprit a été un cadeau à partager. Les images et poésies de Simonne nous réunissent dans la joie de vivre.

 

Les symboles de ses oeuvres expriment sa révolte face à la maladie. Son corps devient symbolique. Comme Louise Bourgeois dont les œuvres sont exposées à Beaubourg, l’histoire de son corps est éclairé par la pensée. Bien sûr les pensées de Simonne Roumeur ne sont pas celle de Louise Bourgeois. Cette dernière travaille sur l’angoisse et le rapport entre la psychologie et l’angoisse. Simonne explore l’énergie positive de son esprit. Simonne explique avoir consulté des médecins travaillant sur l’énergie du corps. Ce sont eux qui ont conclu à une intoxication. Simonne par son travail trouve l’énergie de vivre.

 

Ce texte n’est pas une légende au glossaire. D’ ailleurs Simonne met également une légende mais elle est partielle.

 

Faire référence à l’héraldique à propos de Simonne est intéressant mais risque d’être réducteur. Les textes de Simonne ne font pas qu’expliquer les images. L’âme, dans le dictionnaire Robert, pour une des définitions, est : "En héraldique, légende qui explique la figure d’une devise". Les poèmes de Simonne ne sont pas des légendes. Dailleurs, dans Glossaire, on trouve la légende à côté des symboles et le texte sous l’ensemble. Donc la poésie n’est pas la légende. Mais séparer l’œuvre peinte de l’œuvre poétique chez Simonne ne fonctionne pas. Le lien entre les images et le texte, c’est une certaine magie qui se fait dans l’âme du spectateur. Les plis multiples de la sensibilité, l’intelligence, les émotions plastiques, spirituelles, imaginatives... sont sollicités par ses symboles peints, ses images mentales poétiques, la finesse du geste du peintre. Le plan de son travail n’est pas à la surface du papier mais dans votre cœur.


[1] Catalogue, La révolution surréaliste, Centre Pompidou, 6 mars 24 juin 2002, p. 42.

[2] André Breton, cité in : Catalogue, La révolution surréaliste, Centre Pompidou, 6 mars 24 juin 2002, p.46.

[3] Maître Eckart, Les légendes de maître Eckhart, traduc. Gérard Pfister, Arfuyen, Orbey, 2002, pp. 24-25.

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25 août 2008 1 25 /08 /août /2008 14:35

C’est pour moi un réel plaisir d’être ici pour parler de Simonne. J’arrive de Bruxelles mais je vivais au Relecq Kerhuon voilà déjà deux ans. J’ai rendu visite quelques fois à Simonne et elle me parlait de son travail.

 

A l’époque j’écrivais une thèse sur le virtuel. L’œuvre de Simonne a été l’un des constituants de mon travail pour réfléchir la question du virtuel. Pour simplifier je dirai que le virtuel est le milieu de l’humain dans lequel la création peut se faire. La dispute tourne autour de la question de la pensée et de l’âme. La terre de l’âme constitue-t-elle un milieu avec son virtuel nécessaire à toute forme de devenir ? Disons encore dans le milieu doit-on se contenter de ce qui est matériellement objectivable ? La pensée constitue-t-elle un milieu ? Entre la pensée et le sensible existe le cœur appelé aussi l’âme lieu de toutes les virtualités selon Saint Augustin.

 

Simonne a cette richesse de montrer les milieux multiples de l’humanité, des milieux peu reconnus comme les rêves, l’imaginaire, l’Esprit.

 

L’origine de Simonne n’est pas dans l’acrylique avec laquelle elle peint. L’origine de Simonne est dans ses pensées. Nous entrons dans l’œuvre de Simonne par la finesse du travail de l’acrylique et nous découvrons, avec un peu de temps, entre la poésie et les images une possibilité de rêver. Simonne nous a légué une des peintures et des poésies mais aussi de nombreux écrits qui restent à découvrir. Je les regardais hier soir avec André. Je pense que tout cela présage des découvertes intéressantes.

 

Je n’ai pas la prétention de clarifier la totalité de son travail. 17 ans d’une vie artistique intense qui rendait fou certains psychiatres. 17 ans pour peindre son âme, celle de ses enfants, amis, rencontres ne peuvent se résumer en une heure. Mais je désire donner quelques clés pour aborder son œuvre. L’œuvre de Simonne est comme une grande île. Les baies qui permettent de la pénétrer son nombreuses. Je me propose de vous en montrer quelques unes.

 

 Dans l’origine de l’œuvre à partir de certains points biographiques je détermine comment Simonne peint.

 

Ensuite avec Poètes du rêve nous rencontrons deux poètes carlos Castanéda et Hélène Cixous qui accompagnaient sa pensée, mais aussi un philosophe, Platon, sur lequel elle s’appuyait.

 

J’appelle mystère de l’âme une approche de notions importantes et parfois controversées. Le travail de Simonne est une entrée dans l’âme par les rêves. Les rêves permettent cette entrée mais où va-t-on réellement ? Où situer Simonne parmi les penseurs de l’âme, les mystiques ?

 

La partie de ma présentation Images, fabriques de l’inconscient va montrer l’impulsion créative donnée par la recherche d’énergie. En reconstruisant sa personnalité autour de ses rêves elle fait et refait inlassablement son inconscient au travers de symboles.

 

Comme les contes des mille et une nuit, Simonne reconstruit sa vie tous les jours pour surmonter sa maladie. La maladie et la vie se transforment de telle façon que même un enfant peut pénétrer dans ses jardins. Que ce passe-t-il dans ce travail ? L’inconscient de Simonne fait jaillir des jardins qui sont merveilleusement toujours différents.

 

J’intitule ma cinquième partie Jardins de l’âme.

L’artiste s’est laissée emporter au-delà d’elle-même. Devant ses tableaux, disparaissent les fragilités de Simonne qui ont pourtant permis sa peinture. Il en sort des rêves pour chacun. Carl Gustav Jung explique cette démarche des artistes qui utilisent leurs fragilités, leur humanité car ils n’ont rien d’autre. Mais l’œuvre ensuite dépasse l’artiste pour atteindre une universalité. Cette universalité, Simonne la trouve autour des plis de l’âme, du rêve, de l’image qui est autant mentale que plastique. Elle met en avant l’humanité et sa joie de vivre.

 

Simonne est née le 12 août 1939 à Bohars. Sa vie est engagée, tournée vers les autres, ses enfants, des associations, vers le travail entre autre dans une association de travailleuses familiales. Elle participe à la vie du Relecq Kerhuon comme élue municipale.

 

En 1990, sa vie pourrait s’arrêter à une intoxication par des produits chimiques. Son sommeil est devenu rare mais des rêves habitent son esprit.

 

En 1994, après une désintoxication éprouvante, Simonne se réorganise progressivement autour de la peinture et de l’écriture. A la même époque, en faisant des recherches généalogiques pour déterminer l’origine des séquelles de l’intoxication, commence « l’écriture automatique ». Au début, ses œuvres au crayon témoignent de ses hésitations. Petit à petit, ses rêves peints sous forme d’écriture symbolique s’accompagnent d’un poème et prennent les couleurs lumineuses du ciel. Les images mentales du poème se joignent alors aux images plastiques pour notre plus grand plaisir.

 

Simonne travaille chez elle. Elle ne se dit pas artiste, mais artisane. Elle peint devant une petite table dans son salon et dans sa véranda. La nuit son sommeil est plein de rêves. Ses rêves lui permettent alors un travail de recherches, d’études autour des images mentales du rêve. Ne cherchez pas son atelier. Son atelier, c’est elle.

 

I B La femme afficher n° 137 Lire

 

Le poème la femme traite de l’âme. L’âme est ce quelque chose qui nous meut, qui nous fait bouger. L’âme est cette capacité à l’engagement.

 

Le paon se retrouve dans âme sœur n°360 et dans femme. Il est dans les deux cas l’allégorie de l’âme.

 

La femme

 

Pour ton jour de fête

Femme dresse la tête !

J’entre dans la ronde

Des femmes du monde.

Partout au labeur,

Beaucoup secouée de pleurs !

 

Il y a pour moi énigme

En plein cœur de cet hymne.

Si je me souviens,

Il n’y a pas si loin

Où l’homme décrétait la femme

Sans âme.

 

N’y aurait-il quelque part

Un reste de croyance d’ignare ?

Je vais immédiatement

Prendre renseignement

« Allô ! – les cieux ?

Dieu ?

 

« Peux-tu m’expliquer

Ce qu’il en est ? »

Tout au fond je vois le paon

« Toi qui est femme,

Imagine ainsi ton âme. »

 

Que voyons nous? Un paon et de quoi la poésie parle-t-elle ? De l’âme. Le dernier vers fait du paon le symbole de l’âme. Le paon est un oiseau qui ne vole pas et qui pourtant a le plus riche plumage de tous les oiseaux. En effet, certaines de ses plumes renvoient du vert, du bleu sans mélange. Au Proche Orient, le paon est le symbole de l’âme de l’humanité. L’homme réfléchit par sa conscience le monde spirituel. Il est la présence du divin dans la grotte étoilée. Mais l’homme comme le paon ne vole pas. Les hommes ne sont pas des anges. Selon le soufisme, le matériel et le spirituel participent de l’homme. La femme répond souvent mieux à cette situation, ayant plus que l’homme conscience de sa fragilité au monde matériel. Mais cette fragilité ne doit pas être l’occasion d’écarter la femme de ses engagements au monde. Au contraire, cela ferait courir le risque d’une perte de l’engagement spirituel et maternel de l’humanité dans le monde. Les plumes du paon réfléchissent le ciel comme la femme garantit le spirituel au monde.

 

II Poètes du rêve

A Caverne n° 269

 

Intéressons-nous maintenant aux philosophes et poètes qui vont nourrir cette œuvre. J’en retiendrai trois: Platon, Carlos Castanéda et Hélène Cixous.

Je lis Caverne (269) Donc je vous cite le texte de Caverne :

                                                                       « L’œuvre originelle est perfection

                                                                       La mer bouillonne d’imagination.

                                                                       « Me reproduire ne t’est nécessité.

                                                                       Sors du monde d’apparences agitées,

                                                                       Vas hors ta caverne contempler

                                                                       Le Vrai Monde des Réalités, des Idées. »

 

Plus loin...                                                       "Avec énergie gravissons les escaliers

                                                                       Des trois ouvertures sur la Réalité."

 

Un des textes les plus célèbres de Platon, tiré de son livre la République, est "le mythe de la caverne". Des prisonniers sont dans une grotte. Ils aperçoivent des ombres sur le mur. Ces ombres les incitent à chercher la lumière. Tel est le rôle de l’art, selon Platon: tourner les esprits vers la sagesse. Et ensuite, monter les escaliers qui permettent de libérer l’âme et de juger de ses actes en Vérité. Est-ce que ce n’est pas ainsi que l’œuvre de Simonne doit être regardée: un miroir, des ombres sur les murs de la grotte de notre cœur qui incitent à libérer notre esprit?

 

Ce thème est aussi celui d’Opéra. Je vous lis le texte :

 

B Opéra n° 289 Lire

 

N° 289 Opéra

 

Etre telle que je suis !

Profonde comme un puit

Ma pensée s’attelle

A la force spirituelle

De mon enfant-roi

Et en mon âme se déploie

Sur une chevauchée fantastique

Au cœur de ma basilique !

 

Au profond du noir

A la recherche d’espoir,

Aubade à ma souffrance

De partout accourent

Les chantres de ma cour

Raviver les oripaux

De ma tête au repos

 

Et redonner sa splendeur

A ma vieille demeure

M’est offert un gala

A l’ouverture de mon opéra.

Chant-musique-danse

Peaufinent mes sens,

Léguent à mon Esprit l’authenticité

De sa réelle destinée.

 

Les arts populaires

Peuplent mon atmosphère.

Nourriture complète

Des âmes dans la tempête

La musique de la Vie

S’instaure en égérie.

La conscience de ma vulnérabilité

Ouvre les portes des festivités.

 

Les rêves sont comme une grotte. La connaissance passe par le stade de la grotte. C’est un stade de prise de conscience. Les reflets de la lumière connaissance font signes, indiquant la direction de la lumière source. Simonne Roumeur parlait de Lumière avec moi pour dire énergie. Le tableau montre un visage noir et dans ce visage un rideau, une bouche rieuse, un signe en majesté, des souris qui dansent. Les rêves, la fête, le divertissement quand ils sont riches de spiritualité, peuvent être des portes d’accès à l’âme, à la Sagesse.

 

Platon est le philosophe des idées. Platon, à lui seul, est une école du monde grec. Il est né en 428 avant J.C. Il décède empoisonné en 348. Que faut-il retenir de Platon à propos de Simonne ?: La recherche de la lumière, l’ombre, ensuite la responsabilité de conduire les autres à la lumière.

 

Dans le livre Le Phédon de Platon il est écrit : « Sur la terre vivent un grand nombre d’animaux divers et des hommes qui habitent les uns dans la partie moyenne de la terre, les autres au bord de l’air comme nous au bord de la mer, d’autres enfin dans des îles que l’air baigne tout alentour et qui reposent sur la terre ferme : autrement dit en un mot, ce que sont pour nous, par rapport à notre utilité, l’eau et la mer, voilà ce que l’air est pour ces gens, et ce que l’air est pour nous, c’est l’éther qui l’est pour eux[1]. »

 

Dans le livre la République nous retrouvons le souci de la beauté et ce souci se traduit par un retour des lumières dans la vie. Celui qui s’occupera des affaires sociales, celui-là devra pouvoir juger du beau et avoir expérimenté le monde spirituel :

 

Voilà ce que dit Platon : « Mais, repris-je, n’est-ce pas, Glaucon, le motif pour lequel la culture musicale est d’une excellence souveraine, que rien ne plonge plus profondément au cœur de l’âme que le rythme et l’harmonie ; […] [2] » Les futurs citoyens grecs devront, selon Platon, acquérir la force d’âme dans les harmonies de l’art. Une fois citoyens, ils auront la responsabilité de conduire les autres à la lumière. La connaissance est pour tous. L’œuvre de Simonne est sociale, selon les termes de Platon. Sa plasticité, ses couleurs ouvrent notre âme pour une indépendance d’esprit, sans tomber dans la négation du sensible, en passant par le sensible.

 

Selon moi, je dirais que les rêves de Simonne ne sont pas la lumière dont parle Platon. Les rêves de Simonne constituent sa grotte que la lumière éclaire. La lumière est ce qui éclaire les rêves. La lumière est ce que l’Intelligence, comme sagesse, apporte au rêve.

 

Après avoir vu que la lumière de Platon éclaire les rêves de notre artiste. Il me semble intéressant de savoir qu’Hélène Cixous revenait aussi dans notre échange. Simonne appréciait cette poétesse pour l’importance qu'elle donnait au rêve. Comme elle, Simonne peint et compose à partir du rêve, pour créer du rêve.

 

Hélène Cixous est née à Oran en 1937. A 10 ans, elle perd son père. Ses mots seront: « Je ne crois pas au travail de deuil dont parle la psychanalyse. On ne doit pas enterrer, on doit retenir l’être qui est parti. Il m’arrive de retrouver mon père en rêve… » Les rêves de Simonne Roumeur sont proches des hyperrêves d’Hélène Cixous. Reprenons les mots de la célèbre écrivain : « C’est un état de méditation active, d’invocation, d’appel. Cela n’a rien à voir avec une pratique magique… Le rêve ne connaît pas la contradiction. Il me dit : « Oui, ton père est mort mais il est vivant aussi puisque tu le vois. Il est vivant tout le temps de cette vie accordée. » J’éprouve une joie folle, mélangée à un intense chagrin."

 

 

« En général, on oppose tristesse ou joie, mémoire ou oubli, vie ou mort. Alors que la plus forte de nos expériences psychiques se passe là où les contraires se mélangent.[3] » Elle s’intéresse au rêve, et vit avec ceux qu’elle a perdus, comme son père, dans ses rêves. Dans les rêves se mélangent la conscience de la mort autant que la joie de revoir celui que l’on a perdu. Les rêves concilient ce qui est inconciliable dans la réalité. Hélène Cixous parle d’hyperrêves. Et je me permets de reprendre ce mot pour Simonne.

 

427 Roi de Lumière

 

« Poursuivre le quotidien à loisir

Est mon profond désir

 

Mésange bleue porte le message

Au grand Sage :

Mon immense merci »

 

C Tâches 065 afficher

065 taches

 

Puisque pulsions de mon cœur,

Osez taches de couleurs

Vous mêler

Pour chacune exister

 

Et donner harmonie

A ma Vie

Derrière l’insignifiant

Qu’est-il d’important ?

 

Simonne faisait référence à Carlos Castanéda à propos de l’Esprit. L’aigle est le symbole de l’Esprit.

 

Carlos Castanéda est né le 25 décembre 1925 à Cajamarca au Pérou et est mort le 27 avril 1998. Carlos Castanéda s’invente une vie. Mais surtout il s’inspire de la mystique indienne américaine. Sa personnalité est controversée pour son élitisme. Selon lui, il existe une connaissance supérieure qui n’est accessible qu’à certains élus. On ne trouve pas chez Simonne cet esprit élitiste. Il se dit sorcier. Ses travaux poétiques sont orientés vers la recherche de l’énergie. Les fibres lumineuses constitutives de l’Univers émanent d’une source unique : « L’Aigle ». Il n’y a pas de transmigration ou de réincarnation comme chez les Pythagoriciens. Dans leur quête de l’infini, les sorciers emportent avec eux le plan terrestre, c’est-à-dire qu’ils voyagent avec leur corps physique, sans laisser la moindre dépouille à leur départ.

 

Citons Castanéda : « Un simple coup d’œil sur l’éternité qui se trouve à l’extérieur du cocon suffit à perturber le confort que nous procure notre inventaire. La mélancolie qui en résulte peut engendrer la mort[4]. » Si je comprends bien Castanéda, je dirais que le but est de faire l’inventaire pour empêcher les fuites énergétiques. Pour Simonne, faire l’inventaire permet de classer ce qui encombre et de se centrer sur la peinture et l’écriture. L’unité de l’Esrpit.

 

Ou encore : L’acte consiste à endiguer la fuite énergétique. Un acte parfait ne cherche pas les fruits. Il en aura, mais les énergies seront orientées par des objectifs abstraits. Il est question de magie… Retenons le rêve. Castanéda n’est pas un menteur mais un rêveur. Il est un magicien du rêve, quelqu’un qui s’intéresse au psychisme.

 

Dans Taches le message est court et simple. Simonne peignait pour tous ceux qui ont un cœur d’enfant. Tous ceux qui savent voir dans les choses simples une possibilité de rêver.

 

 



[1] Platon Phédon, Gallimard, Tome I, p. 845.

[2] Platon. La République, Gallimard, tome 1, p. 957.

[3] Hélène Cixous in Télérama 10 janvier 2007.

[4] Castanéda in wikipédia, 13 04 08

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28 juillet 2008 1 28 /07 /juillet /2008 15:18

 

Simonne Roumeur peintre du rêve. Autour de l’œuvre de cette artiste existe un mystère. L’imaginaire de Simonne est inépuisable. La finesse de son travail résonne comme une étrangeté pour certains et comme une merveilleuse familiarité pour d’autres.

 

Simonne rêvait toutes les nuits suite à une grave intoxication. Sa poésie et sa peinture reposent sur ses rêves. Ne sont-ils pas les portes de l’inconscient et de l’âme ? L’œuvre de Simonne ne retourne-t-elle pas certaines conceptions de l’inconscient ? Voici quelques approches de G. Deleuze, Jacques Lacan, G. Bachelard qui peuvent éclairer un aspect du riche travail de cette artiste : la construction de l’inconscient comme chemin pour vivre et lutter contre la maladie.

 

Cette question peut s’aborder en trois points. Voici des œuvres de Simonne accompagnées de leur poésie et de commentaires philosophiques.

 

Le désir de vivre

 



médecin des petits.

 

Quand Simonne ne rêvait pas, elle était inquiète. La source d’inspiration de sa poésie et de sa peinture s’éteignait. Ses rêves trouvent une réalité dans l’œuvre poétique et l’œuvre peinte qu’ils suscitent.

 

La démarche de Simonne est motivée en premier lieu par le désir de vivre. Sa peinture répond au principe de réalité.

 

Le principe de réalité est une découverte de Sigmund Freud. Essais de psychanalyse, Payot, p. 46 : « Sous l’influence des pulsions d’auto-conservation du moi, le principe de plaisir est relayé par le principe de réalité ; celui-ci ne renonce pas à l’intention de gagner finalement du plaisir mais il exige et met en vigueur l’ajournement de la satisfaction, le renoncement à toutes sortes de possibilités d’y parvenir et la tolérance provisoire du déplaisir sur le long chemin détourné qui mène au plaisir. »

 

Les intuitions de la nuit prennent corps dans la plasticité de l’acrylique.

 

Lacan reprend pour fonder sa psychologie l’importance de l’image. L’image mentale réunit la personne. Se constituer un inconscient poétique est vital pour Simonne Roumeur après les « hyper-rêves » de la nuit.

 

Gaston Bachelard écrit dans La poétique de la rêverie PUF 1999 p. 110,111 : « Nous connaissons sans doute des rêveries qui préparent notre vigueur, qui dynamisent des projets. Mais précisément elles tendent à rompre avec le passé. Elles alimentent une révolte. Or, les révoltes qui restent dans les souvenirs d’enfance nourrissent mal les révoltes intelligentes d’aujourd’hui. La psychanalyse a pour fonction de les guérir. Mais les rêveries mélancoliques ne sont point nocives. Elles aident même à notre repos, elles donnent du corps à notre repos.

 

Si nos recherches sur la rêverie naturelle, sur la rêverie reposante pouvaient être poursuivies, elles devraient se constituer en une doctrine complémentaire de la psychanalyse. »

 

Les rêveries en images de Simonne Roumeur rejoignent « le tissu uni de la vie » (poétique de la rêverie p. 112) que la maladie disloquait. Pour toute personne en recherche, l’œuvre de Simonne est un repos.

 

L’humour

 

Verbe en action n°410 ; Opéra n°289.

 

Simonne Roumeur utilise le tissu du quotidien mais elle utilise aussi l’humour. Ce dernier n’est pas ironique. Mais il est celui des simplifications de l’enfance qui ne s’encombre pas du souci d’être rationnel. Les fleurs ont des yeux et les animaux sont les personnages de ses peintures. Les images de son âme se cachent alors dans l’humour.

 

Simonne dévoile ses images mentales, son monde intérieur. Ce monde est familier rassurant il ressemble à toutes les images qui constituent le cœur enfantin des hommes. Le retentissement est puissant et emporte dans la rêverie. L’humour de Simonne ouvre les portes de la connaissance de l’âme à tous.

 

« Il y suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l’analyse donne à ce terme : à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image, - dont la prédestination à cet effet de phase est suffisamment indiquée par l’usage, dans la théorie, du terme antique d’imago. » Jacques Lacan. Ecrits I, p. 93.

L’imago est une image mentale comme les rêves de Simonne sont des images mentales. Les œuvres peintes de Simonne sont différentes de ses rêves car aucun objet ne peut ressembler à une image mentale.

 

La différence entre l’hyperréalisme du rêve et la réalisation peinte témoigne de la poésie de Simonne. La forme symbolique, allégorique, que Simonne donne à ses œuvres n’est pas dénuée d’humour. Selon Henri Corbin, l’humour est nécessaire pour accéder au spirituel. Le voile de l’humour rend le spirituel accessible à tous. Dans le sensible, le spirituel échappe à l’absurde par l’humour.

 

Pour parler de l’âme le poète se cache dans l’humour. « Et cette sauvegarde, il la trouve en parlant le langage des symboles. Et il arrive que ce langage soit, comme chez Avicenne, comme chez Sohravardî, inspiré par un humour supérieur. » Henry Corbin conférence Mystique et Humour, citée in cahiers de l’Herne Henri Corbin, p. 181.

 

Images, rouages de vie.

 



L’œuvre orchidée n°36, ou l’œuvre tête à l’envers n°508, peuvent suggérer que nous ayons à faire à une analogie. Comme si les reflets du spirituel se réfléchissaient dans la nature. Mais l’idée d’analogie est trop faible.

 

Les œuvres de Simonne sont des rouages, des lieux de « synchronicité ».

 

Carl Gustav Jung voit dans l’énergie psychique et l’énergie physique des similitudes qui disent que le psychisme est de même nature que le monde physique. L’Intelligence est de dimension charnelle et ce n’est pas une nouveauté. La relation causale structure l’intelligence et la synchronicité la nourrit.

 

« Le principe universel est présent même dans la partie la plus intime, et celle-ci est donc en accord avec le Tout. »C. G. Jung. Synchronicité et Paracelsica, Paris, Albin Michel, p. 82. L’accord, la contemplation, l’analogie, le symbole deviennent les clés du monde. La psychologie de C.G. Jung inspirera les rêveries de Gaston Bachelard.

 

Simonne produit de l’inconscient pour vivre et chacun peut y puiser. Donner, était le bonheur de Simonne.

 

« Pour les énoncés comme pour les désirs, la question n’est jamais de réduire l’inconscient, de l’interpréter ni de le faire signifier suivant un arbre. La question, c’est de produire de l’inconscient, et avec lui, de nouveaux énoncés, d’autres désirs : le rhizome est cette production d’inconscient même. » Gilles Deleuze, Felix Guattari, Mille Plateaux, p. 27 cité dans la thèse Le rhizome sous l’arbre p. 433.

 

Simonne produit de l’inconscient, des images qui font symboliser les esprits avec la vie. En faisant grandir son inconscient Simonne Loaec fait aussi grandir son âme.

 

L’orchis mouche, l’orchis bourdon, l’orchis araignée ressemblent à l’insecte qui les butine. Ce n’est pas une analogie de la plante pour attirer l’animal. Certains ARNm ont été transportés, peut-être par un virus, dans le patrimoine génétique de la plante. Les milieux ne sont pas séparés ils ont des jonctions qui permettent des échanges entre les mondes. Certains rouages permettent de penser les mondes en un seul.

 

Les images de Simonne sont ces rouages entre le spirituel et le sensible, entre l’âme et le monde physique.

 

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