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  • : Monique Oblin-Goalou
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27 janvier 2010 3 27 /01 /janvier /2010 13:57

Le 26 janvier 2010, Madame Rachida Dati était à Bruxelles et intervenait lors d’un dîner débat sur l’identité nationale et européenne, à l’hôtel Crown Plazza, rue de la Loi. Je reprends certains points abordés sur la difficile question de l’identité.

En guise d’avertissement et d’introduction :

Cette réflexion semblera disparate et chaque sujet est abordé de façon à peine suggestive ou incitative.

Le sujet de l’identité est difficile parce qu’il touche à tous les plis qui font l’homme. Qui peut parler, tout à la fois de loi, d’autorité, culture, art, éducation, philosophie, histoire, histoire contemporaine, sociologie … ? Dans son discours, Madame Rachida Dati a commencé par nous mettre en garde, dès les premières questions : « Ne me parlez pas d’autre chose que d’identité car le débat est important. Même si le temps imparti est court, les textes courts, et le sujet monumental n’éludons pas la question à facettes multiples. Chaque petite pierre peut enrichir le débat. »

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Madame Dati a insisté sur l’importance, pour les arrivants en Europe, d’appliquer la loi commune. C’est pourquoi des sanctions sont actuellement envisagées pour les femmes qui s’entêtent à porter le voile, même après plusieurs incitations à le retirer. Elle a également rappelé que la France et l’Europe ne considèrent pas la religion comme un élément de l’identité française ou européenne.

Sur le port du voile, le principe de se cacher aux yeux des autres démontre un manque de confiance. Le voile ne peut pas être considéré comme signe religieux. La religion, étymologiquement, est ce qui relie. Il est incontestable que le voile marque une division, ce qui est contraire au principe religieux. C’est pour cette raison que j’adhère à la position de Madame le Ministre. Il est inquiétant de voir les femmes se voiler. Les femmes, qui portent le voile, cachent leur visage et leur corps dont la beauté est un rayonnement de Dieu. Elles cachent cette présence de Dieu au monde. Moïse, en descendant du Sinaï, s’est voilé la face devant son peuple sortant de l’esclavage, qui avait peur de la lumière qui rayonnait de son visage. Les femmes croyantes sont confrontées à la société laïque qui, comme Caïn après son crime, se cache devant la face de Dieu. Et pour cela elles portent le voile. Comment sortir de cette division ? Comment sortir de ce rejet mutuel ?

Je n’ai pas de réponse, peut-être quelques suggestions :

-          la première serait de remettre en cause le principe qui considère la religion comme n’étant pas un élément de l’identité française et européenne. La plus grande partie des habitants de l’Europe est issue des religions du Livre ;

-          la seconde serait de préconiser d’adopter des lois morales qui ne soient pas en opposition avec les appels des religions et notamment de l’institution religieuse catholique ;

-          la troisième serait de reconnaitre l’importance de l’institution catholique au travers de son Eglise hiérarchisée et de ses programmes d’enseignement, de ses actions auprès des différentes communautés religieuses. (La sortie des communautés islamiques des garages et des caves, dont a parlé Madame Dati, s’est fait en partie par le dialogue interconfessionnel entre musulmans et catholiques. Dans son discours, Rachida Dati s’est dite issue d’écoles catholiques).

L’école est certainement le meilleur vecteur pour assurer l’appréhension de ce socle commun. Voici quelques suggestions qui peuvent offrir un moyen d’avancer ensemble sur le sujet de l’éducation.

Comment penser l’identité Européenne, garder les grandes richesses de ce qui est acquis comme socle commun et en faire partager les valeurs à ceux qui arrivent des autres pays du monde ?

Pour tenter de soulever quelques points pertinents de la problématique, ma réflexion utilise le point de vue de la Belgique, petit pays au cœur de l’Europe, et celui également de la France.

Comment faire vivre les virtualités de l’Europe, les richesses du passé et les enjeux du présent ? Qu’est-ce que l’Europe ? Qui sont ceux qui habitent l’Europe. Sur quelles pensées vivent-ils et trouvent-ils des points de cohésion ? Ce sont autant de questions qu’il convient de se poser.

La démocratie est le principal lien entre les peuples de l’Europe. L’art est le témoin des sagesses et des religions qui ont habité l’Europe, de cette richesse philosophique et culturelle, de tout ce qui fait sa terre spirituelle, sa conscience individuelle et collective. La science, et le confort de vie qu’elle apporte, est aussi un socle commun duquel la pensée émerge. Les français sont exigeants pour leur niveau de vie. Ils revendiquent le droit de participer à son amélioration et d’en être les garants au travers de leur formation.

La démocratie, l’art, les sciences, la formation ont un rapport étroit avec l’identité. Ils font références aux racines, à l’héritage, au patrimoine et à la qualité nécessaire de l’éducation.

Les échanges historiques à la base de nos racines culturelles.

Platon aborde la connaissance, non seulement dans un souci analytique, mais surtout (le Parménide en est témoin) dans un souci d’unité. Connaissance et amour sont les principaux thèmes de l’œuvre de Platon. Ceux qui se tournent vers la Lumière, vers l’éveil, retournent chercher les autres. Sur la frise du Parthénon, à Athènes, la procession des citoyens est protégée par des personnages tournés à contre sens et qui sont là pour indiquer la direction à suivre.

Concernant la Macédoine, la première personne qui vient à notre pensée est Alexandre le Grand, roi et grand conquérant qui va assurer le rayonnement de la Grèce sur le monde. Elève d’Aristote, il a vécu au IVème siècle avant Jésus Christ. Alexandre le Grand est célèbre pour ses batailles, mais surtout pour les liens qu’il tisse entre l’Europe et l’Asie. Il ouvre les routes vers la Chine. Les expositions Europalia.china qui se sont tenues à Bruxelles ont offert un magnifique témoignage. Dans l’exposition sur la Route de la soie, au Musée du Cinquantenaire, l’homme du cimetière de Yingpan reposait dans une tombe marquée par un mât. Les tissus de ses vêtements montraient la richesse culturelle qu’engendraient les échanges commerciaux entre l’Occident et l’Orient. Toujours dans l’exposition « La route de la soie », les œuvres numérotées 33 et 34 sont un tapis de feutre (matière spécifiquement nomade, sans trame), et une tenture funéraire en soie à la fine trame dont la finesse du pas montre le degré de sophistication de la technologie employée.  Ils se retrouvent réunis par des motifs purement Xiongnu (montrant un lion cornu affrontant un Yack et un griffon, ainsi qu’un renne, censés symboliser la lutte pour la vie, - le bien contre le mal, la lumière contre l’obscurité et la vie contre la mort. Le yack et le renne sont des animaux liés au culte solaire. Les différentes scènes sont séparées par des arbres. Dans l’espace central, des spirales géométriques symbolisent la vie éternelle). La tenture 34 présente des motifs caractéristiques de la partie occidentale du pays des Xiongnu, c’est-à-dire de l’Asie centrale et de la Perse. Les motifs des tissus sont donc d’inspiration à la fois orientale et occidentale. Les thèmes du champignon, ingrédient de la boisson sacrée, de l’arbre de vie, du daïmon, de la montagne sont propres à la culture irano-centrasiatique et donc occidentale pour le Xiongnu mais ils constituent un Orient sur la terre de l’Intelligence. Les thèmes de la sagesse et de la lumière sont désignés comme Orient, éveil, levé de soleil. En Asie, cette inspiration spirituelle orientale est issue des peuples Ouïgours géographiquement occidentaux. Ce rayonnement de la pensée se développe au travers du prisme artistique et sensible des denrées échangées.

Notre patrimoine et ses significations, symboles de notre identité.

Prenons un exemple en Belgique : pourquoi le béguinage de Louvain est-il classé au patrimoine de l’Unesco ? Les béguinages sont les témoins de l’indépendance des femmes : une indépendance intellectuelle mais surtout des êtres en tant que tels. La conscience collective devient individuelle grâce à de grands mystiques. Ces mystiques sont souvent des femmes.

La justification de l’inscription des béguinages belges au patrimoine de l’UNESCO a répondu à plusieurs critères. Celui cité précédemment en est un premier.

Un second critère est que les béguinages flamands présentent les caractéristiques physiques saillantes de la planification urbaine et rurale, ainsi qu'une combinaison de l'architecture religieuse et traditionnelle de style spécifique à la région culturelle flamande.

Un troisième critère est qu’ils apportent un témoignage exceptionnel sur la tradition culturelle de femmes religieuses, indépendantes en Europe du Nord-ouest, au Moyen-âge.

Le quatrième critère est qu’ils constituent un exemple exceptionnel d'ensemble architectural associé à un mouvement religieux caractéristique du Moyen-âge qui associe des valeurs séculières et monastiques.

La conscience comme garant de notre héritage.

Erasme, Henri Suzo[1], Nicolas de Cues, Maître Eckhart, Hildegarde de Bingen, Jeanne d’Arc et ses voix, participent tous à la découverte de la conscience, conscience morale et conscience de soi qui se fera tardivement avec Descartes et Locke au XVIIème siècle.

Le peuple, porteur de courage et de sens.

Le sacrifice du dernier carré héroïque de l’Empereur est commémoré sur le site de la bataille de Waterloo. Les soldats se sont battus jusqu’au dernier pour leur chef militaire. Durant la retraite de Russie, la Grande armée avait montré également à la face du monde que le courage n’est pas l’apanage de la Noblesse. Waterloo fut une défaite pour Napoléon, mais une victoire pour la démocratie. Le regard sur le peuple change. L’Empire serait en quelque sorte le démon[2] de la démocratie. Le démon vient de l’idée pythagoricienne de daïmon qui s’oppose à celle de héros. Le démon a une dimension surhumaine, voire inhumaine qui convient aux actes de l’Empire. Il a des conséquences sociales. De la vie, il entre alors dans le mythe. Le Héros a une dimension littéraire. Il est le reflet mythique du daïmon. Il est l’identité du nouveau corps social. Dans la situation catastrophique de la fin des années 30, Thomas Mann fait la critique du héros dans son livre La Montagne Magique. Le daïmon est défini par Detienne comme étant, efficace dans l’organisation des affaires publiques, orateur, médecin, philosophe, poète, mystique, bon soldat si nécessaire. Les batailles du daïmon sont dans tous les plis de l’humanité. Avicenne répond parfaitement à l’idée de daïmon.

Le rôle primordial de la formation. La préservation de la richesse des filières scientifiques :

Le meilleur des mondes possibles, dans l’œuvre de Leibniz, est un monde qui sait reconnaître l’indépendance des monades, leurs chevauchements, sans que l’individu soit pour autant réduit à un pli unique. Il est possible de croire à un corps social solide avec des institutions politiques, sociales, religieuses et culturelles représentatives qui respectent et reconnaissent comme vital chacun des membres qui constituent son corps.

La jeunesse est garante de la démocratie et l’école est le meilleur moyen de faire partager à tous la dimension démocratique de l’Europe. L’histoire des peuples prouve que la démocratie est liée à un bon niveau d’éducation. La Grèce antique proposait des formations scientifiques. Après la géométrie était assurée une formation à la mystique et aux nécessités sociales de la cité[3].

Aujourd’hui, le souci des parents d’orienter leurs enfants vers des filières scientifiques me semble relever du bon sens qui ne date pas d’aujourd’hui, comme nous venons de le voir. Posséder les outils mathématiques permet de vivre en harmonie avec la riche technologie contemporaine comme le calcul infinitésimal, les langages binaires, l’optique, les statistiques ou autres. Cela semble donc une revendication légitime. Pour autant, il est regrettable que des matières  comme l’histoire, la littérature, les langues vivantes et mortes, la philosophie  soient écartées de certaines de ces filières scientifiques avant le BAC sous prétexte de vouloir décourager le trop grand nombre d’enfants qui s’oriente vers une filière scientifique. Les jeunes qui sortent des écoles de cadres ne savent pas qui est Platon, Descartes, encore moins Leibniz, peu ou pas qui est Victor Hugo ou Kandinsky, ou Paul Klee… . Sans avoir lu et étudié sérieusement ces écrivains et penseurs un minimum serait d’en connaître la spécificité pour pouvoir s’y référer en cas de besoin.

Il est primordial de continuer à proposer à l’ensemble des jeunes une très bonne formation scientifique comme il le souhaite. Il faut voir comment c’est possible en abandonnant l’idée de tenter d’en décourager certains comme c’est envisagé aujourd’hui dans les projets de l’éducation nationale.

Le socle à préserver.

Si un enfant quitte l’école dès l’âge de 16 ans pour entamer une formation technique, ou une formation professionnelle, pour travailler tout bonnement, cherchons à avoir la garantie qu’il a acquis les rudiments qui lui permettent de s’intéresser à la vie publique et démocratique. Les bonnes questions à se poser sont alors : Connaît-il les origines de la démocratie, connaît-il le patrimoine de l’Europe, sait-il pourquoi il faut le préserver ? Connaît-il les institutions françaises et européennes ? Sait-il se situer dans le contexte mondial qui a tendance à vouloir tout gommer, tout niveler ?

Eléments de langage :

  • la formation est la base de l’identité.
  • Un jeune doit connaître ses origines et la valeur du patrimoine dont il devra assumer l’héritage.
  • Les racines de l’Europe doivent être identifiées, connues et aucune ne peut être négligée.
  • La connaissance de soi n’est pas suffisante pour respecter les cultures qui se côtoient. Il faut aussi connaître les autres. (Le commerce favorise les échanges et les relations entre les peuples.)

 



[1] « La naissance éternelle, je l’appelle l’unique force dans laquelle toutes choses et les causes de toutes choses ont de quoi être et être causes. Mais la renaissance qui vient à l’homme seul, je l’appelle une réorientation de chaque chose, quelle qu’elle soit, vers l’origine, à prendre selon le mode de l’origine, sans aucune considération du moi propre. » Henri Suso. Le petit livre de la vérité, Ed. Belin, 2002, p. 69.

[2] M. Detienne. La notion de Daïmon dans le pythagorisme ancien, Paris, Belles Lettres, p. 98 : « Tout homme de bien est un être surhumain, « démonique », durant sa vie comme après avoir fini de vivre, et qu’à juste titre il est appelé « démon ». ». La notion de démon est proche de celle  d’or, de géants, de celui dont la nature n’est pas corruptible.

[3] La tradition dit que Philosophe, ami et disciple de Socrate, précepteur d’Aristote, Aristoclès, dit Platôn (la large) fut d’abord poète, dramaturge et politicien. Théodore de Cyrène lui enseigna les mathématiques. Il créa près d’Athènes, dans les jardins d’Akadêmos, l’Académie, une école de la philosophie et des sciences, au fronton de laquelle il fit inscrire selon la tradition : « Que nul n’entre ici s’il n’est pas géomètre ». Pour Platon, la géométrie, avec ses formes et sa dialectique, permet la maïeutique, l’art d’accoucher de l’intelligence en chacun. Le jeune esclave du Ménon est la démonstration de cette présence innée en chacun. « […] formant les gardiens par une discipline des habitudes (ici façon de fluer dans la vie) ; leur communiquant sous le rapport de l’harmonie, une certaine perfection harmonieuse, qui n’est pas un savoir, et, sous le rapport du rythme, une certaine excellence rythmique (encore une expression pour décrire l’efflorescence de la vie que chacun trouve en lui) […] » Sohrawardi, penseur Perse, raconte sa formation aux sciences avant d’être autorisé à aborder les sujets spirituels et divins. La naissance de son intelligence est passée par les outils mathématiques et la théorie. Et ce fut une période difficile pour lui.

 

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