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15 janvier 2015 4 15 /01 /janvier /2015 18:45
Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie
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Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie
Les formes de l'âme dans la poésie

Le mercredi 9 décembre conférence: Les formes de l'âme dans la poésie

Au XIIIème siècle, suite aux premières traductions des penseurs grecs et de leurs commentateurs orientaux et méditerranéens, apparait le désir de reconnaître la conscience individuelle et sa place dans la société. Une famille se compose de gens libres[1]. Qu’est qu’une personne libre ?

(Comment toucher l’âme dans le discours ? L’objectif n’est pas l’éducation mais la connaissance de soi pour chercher à aimer et non pas à changer l’autre pour qu’il nous ressemble. Jean Tauler[2] écrit : « Tu ne doit pas seulement témoigner de la charité à ceux qui sont de ton état ou de ta manière de vivre ; cette charité exclusive est commandée par des sectes que la Sainte Église condamne sévèrement »[3]. )

La mystique rhénane, d’Albert Legrand à Maître Eckhart a permis une prise de conscience du peuple, de sa liberté de penser. Deux institutions sont à l’origine de l’épanouissement d’une mystique. Les béguinages abritent des communautés de femmes pieuses, à la foi religieuses et laïques qui ne sont pas engagées par des vœux monastiques. L’ordre monastique des dominicains jouissaient d’une grande liberté spirituelle et avaient une influence sur les béguines qu’ils accompagnaient spirituellement. La mystique consiste à reconnaître en chaque personne la présence de Dieu et la liberté de préserver cette présence. Au premier abord, cette conscience du discernement en chaque âme, semble porter atteinte à l’autorité politique ou religieuse. L'instruction et l’indépendance des femmes et de toute personne n’allaient pas sans heurts et craintes[4].

Cette rencontre décrit une étape de la formation des institutions modernes et le contexte de leur mise en place, l’importance de la morale. Je ne juge pas les institutions alors encore peu conscientes de leur place et de leurs rôles. Il n’est nullement question de remettre en cause l’Église. Cette réflexion a pour désire de témoigner des prémices de la reconnaissance de la conscience individuelle. Bien sûr les maladresses existent pour tous les acteurs dont je vais vous parler. Souvent, devant l’injustice, ils ne voyaient pas très bien les solutions qui viendront plus tard. L’importance du secret et de la réflexion, de laisser à chacun le loisir de réfléchir pour la formation de la conscience se perd dans l’accusation de quiétisme[5] et autres accusation d’hérésies…

Pour appuyer cette réflexion sur les formes de l’âme dans la poésie, je commencerai par présenter l’imaginal oriental, je ferai référence à un conte d’Avicenne[6], repris par le poète Jâmî, l’histoire d’Absâl et Salaman. L’imaginal est un terme inventé par Henry Corbin traducteur de Sohravardi et de textes orientaux d’Avicenne ou de Rûzbehân. Qu’est-ce que l’imaginal ? L’imaginal avec la figure de l’iconal désignent les métaphores des vertus du monde dont les faces s’éclairent quand elles sont tournées vers Dieu. L’imaginal correspond à la lumière de sagesse présente dans la nature les animaux et la matière. L’icônal correspond à la présence de Dieu dans l’humanité naturelle. Ces deux figures littéraires ouvrent les portes de la présence de Dieu en sagesse, de la joie en Dieu dans l’amour. L’imaginal et l’iconal sont des signes-reflets de la divinité présente à la matière. : « Il est en premier lieu l’apparent. Il est en second lieu l’intérieur, Il est en troisième lieu le signe (voici les cercles) ».[7]

Plan :

I Avicenne

A Le néoplatonisme oriental

A1 Des images de l’âme dans l’œuvre d’Avicenne

A2 Les oiseaux

A3 La chimère de Platon

A4 L ’Aphrodite Céleste

B Rûmî, le secret

II La Mystique Rhénane

A Le bienheureux maître Jean van Ruysbroeck

B La condamnation de Marguerite Porete

  • Présentation
  • Le secret exemple de personnes ayant prié dans le secret
  • Les hérésies
  • Les thèmes de Marguerite Porete développés dans son livre Le Mirouer des simples âmes anéanties

C Le cœur

D Maître Eckhart

  • présentation de Maître Eckhart
  • Le thème de la volonté dans l’œuvre de Maître Eckhart
  • La théorie de l’amour de Maître Eckhart
  • Une puissance de l’âme la femme

III Les intérêts politiques et le contexte politique de la mystique rhénane

IV L’influence du néoplatonisme oriental dans la pensée de l’idéalisme allemand

I LE NEOPLATONISME ORIENTAL

Gravure de Winckler (1915)

Je ne peux pas parler des multiples textes qui ont pu être traduits entre l’Orient et l’Occident. J’illustrerai cette approche orientale à partir d’un conte d’Avicenne qui concerne les relations entre les personnes. Qu’est-ce que la pensée orientale véhiculait ? Les écrits de Platon puis d’Aristote s’intéressaient à la science, l’ordre du monde et avec Platon la sagesse qui permettait aux habitants de la Cité d’avoir le discernement pour choisir ceux qui les dirigeraient et d’éviter la tyranie. Avicenne s’inspire de ces deux pensées et comme médecin, il se souci aussi de l’Esprit de ses patients et de leur indépendance de pensée. Il se soucie de la femme. Il montre dans le thème du mythe d’Absal et Salaman l’importance de ne pas se tromper dans l’amour ou dans l’amitié, de ne pas mélanger la sagesse de l’aimé avec la Sagesse. Dans Le conte des mille et une nuits, Shéhérazade garde la vie sauve par ses contes et sa sagesse. La femme apporte la sagesse mais faut-il s’arrêter là ? Faut-il laisser à la femme ou aux moines la prière comme le dit Errol Flynn dans Robin des Bois dans le film de 1938 de Michael Curtiz et William Keighley. Robin des Bois embauche frère Tuck pour éviter « l’ennui de prier » ! Sous prétexte de séparer les rôles, il est à la mode de ne pas développer certaines dimensions de la personnalité pourtant essentielles à la vie comme « manger » spirituellement.

A Avicenne

A1 Des images de l’âme dans l’œuvre d’Avicenne

L’œuvre d’Avicenne comprend trois récits peu connus mais repris par Henry Corbin dans son livre Avicenne et le récit visionnaire.

Fresque de l’aurige vainqueur, 150-160 après J.C. Maison des auriges, Ostie, Italie.

Ces trois récits en persan semblent constituer un tout évoquant chacun une étape d’un même parcours mystique. [8] Le Récit de Hayy Ibn Yaqzân, qui signifie "Vivant fils du veilleur" [9] décrit la rencontre avec un sage. Il lui enseigne les sciences et lui apprend à se séparer de le convoitise et de la colère symbolisés par deux personnages qui sont deux montagnes de l’âme à connaître et dominer ou éliminer. L’âme s’éveille et prend conscience que le sage est une partie d’elle-même. Le sage lui apprend que la vérité est à chercher au-delà des sens et de la matière dans une réalité spirituelle. Avec le Sage, il entre dans l’Orient de la sagesse et ce retour le met en présence des formes archangéliques de lumière qui sont l’origine de l’âme. Le voyage mystique n’est possible qu’après avoir dominé le corps et avoir dominé les deux compagnons la convoitise et la colère.

Dans le Récit de l’Oiseau (Risâlat al-Tayr), l’âme retourne vers l’Orient son origine. L’Ange qui l’accompagne lui permet de dépasser la montagne du Qâf (le corps). L’oiseau symbolise l’âme et surmonte pièges et tentations survolant de nombreux ciels. Quand elle se trouve en présence du Roi, il lui annonce la nécessité de retourner au monde sensible. "Nul ne peut dénouer le lien qui entrave vos pieds, hormis ceux-là mêmes qui l’y nouèrent. Voici donc que j’envoie vers eux un Messager qui leur imposera la tâche de vous satisfaire et d’écarter de vous l’entrave. Partez donc, heureux et satisfaits". [10] L’âme revient au monde terrestre et retrouve son corps. Elle existe dans sa dimension spirituelle et divine mais, elle vit aussi auprès de ses compagnons. Mais, ces rencontres spirituelles lui permettent d’avoir conscience de la présence à ses côtés de l’Ange messager du Roi.

L’ascension céleste du prophète Mohammad (mi’raj), Mohammad, Abraham et l’ange Gabriel, miniature turque, XIIIe siècle

Dans le troisième récit, Salâmân et Absâl reprennent le thème de la vocation de l’âme de retourner vers son origine spirituelle. Le récit décrit Salâmân, régnant sur un royaume, et Absâl, son jeune frère intelligent et beau. La femme de Salâmân amoureuse du jeune homme tente de le séduire mais, il ne cède pas à ses avances sa vie s’en trouve menacée. Absal meurt empoisonné par la femme. Salaman dans sa tristesse renonce à tous ses biens. Il mène une vie mystique et, dans sa prière, Dieu lui dévoile la vérité sur la mort de son frère. Il venge la mort de son frère en donnant à boire le poison à sa femme et ses complices.

Dans le Livre des Directives et des Remarques, Avicenne indique les rôles d’Absal et Salâmân, "Sache que Salâmân est une allégorie qui te représente toi-même, et qu’Absâl représente allégoriquement ton degré dans l’irfân, la science secrète, si tu es de ceux qui s’y adonnent"[8]. Salâmân et Absâl sont deux aspects de l’intellect : contemplatif dans son désir de rejoindre l’origine lumineuse de la sagesse qui est la véritable substance de l’âme. Ce désir est symbolisé par Absal. L’a pratique appartient à Salâmân qui incarne la volonté de dominer le monde de sensible et sous lunaire. La mort d’Absâl est symbolique de l’âme scellée qui par manque de prière à perdu la vie, son origine lumineuse c.a.d. sa sagesse. La vengeance de Salâmân correspond à la prise de conscience de la dimension spirituelle présente en lui, source qu’il trouvait chez son frère avant qu’il ne disparaisse, et la domination de ses désirs charnels et sensibles par l’intellect[9].

Ces trois récits incitent à se tourner vers la véritable identité de sagesse présente en nos âmes. Mais je vais encore reprendre ces textes pour y retravailler encore le sens spirituel en l’éclairant avec d’autres récits.

A2 Les oiseaux

Illustration du mantiq al-tahyr de Attâr, Iran XV° siècle ; Internet: 15 août 2012 Tradition orientales.

Le Sîmorgh est une figure symbolique de la littérature persane. L’Avesta lui donne le nom de Sanéa. Le Sanéa ressemble à un aigle, mais il est représenté avec deux têtes. Dans la littérature islamique persane, l’oiseau vit dans la montagne fabuleuse ou imaginale du Qâf[10], avec les péris et les démons. Cette place depuis le corps lui donne une double vue qui le fait le messager des dieux auprès des hommes. Le Sîmorgh peut échanger avec l’homme, mais si son langage est compréhensible des hommes. Il peut donc devenir le confident des mystiques. Il transporte sur ses ailes les héros des grandes épopées. À l’époque islamique, le sîmorgh symbolise le maître mystique, mais aussi les êtres de lumière de la divinité, ses manifestations aux hommes. Le Sîmorgh est le symbole du moi caché. Farîdun-Dîn ‘Attar, dans son Colloque des oiseaux, y fait référence. L’oiseau devient la recherche de soi. Les oiseaux, trente oiseaux, (sî morgh veut dire trente oiseaux) partent à la recherche d’un but transcendant. Quand ils arrivent à destination, ils constatent que le Sîmorgh est eux-mêmes.

Ancien chapiteau de la cathédrale d’Autun construite en 1120 pour accueillir les reliques de Saint Lazare et lieu de pèlerinage.

Dans le Récit de l’Oiseau, l’âme captive se réveille. Dans l’extase, elle voyage par-dessus les vallées et les montagnes, comme la montagne du Qâf. L’âme revient de l’extase, mais elle continue à progresser aux côtés de l’Ange.

A3 La chimère

Un des premiers textes à traiter de l’âme est le Phèdre de Platon. Le néoplatoniciens s’en inspirent. L’âme y est immortelle et inengendrée. Mais elle a une double nature. Le Phèdre a été l’objet de multiples interprétations pour dire que dans l’âme qui cherche à suivre le bien aimé, on trouve deux natures, l’une fougueuse, l’autre soumise. Le livre IX de la République décrit aussi l’âme. Les trois personnes qui constituent une personnalité y sont le lion et l’homme et celle de l’imaginaire et de ses possibles multiples.

Chimère sur un plat à figures rouges apulien, v. 350-340 av. J.-C.,musée du Louvre

« -Façonnons par la pensée une image de l’âme, pour que celui qui tient ces propos réalise ce qu’il dit.

-Quelle image ? demanda-t-il ?

-Une image, répondis-je, comme celles de ces natures antiques dont les mythes rapportent la genèse : La chimère, Scylla (monstre marin), Cerbère, et un certain nombre d’autre constituées d’un ensemble de formes naturelles multiples réunies en un seul être.

-C’est en effet ce que l’on raconte, dit-il.

-Façonne donc la forme unique d’un animal composite et polycéphale, possédant à la foi les têtes d’animaux paisibles et d’animaux féroces, disposées en cercle, et accorde lui le pouvoir de se transformer et de développer toutes ces formes par lui-même.

-Cet ouvrage sera l’œuvre d’un modeleur habile, dit-il, mais comme la pensée est plus malléable que la cire et les matériaux de ce genre, la voici modelée.

-Modèle à présent une autre forme, celle d’un lion, puis celle d’un homme, mais fait en sorte que le premier soit beaucoup plus grand, et que le second vienne en deuxième.

-voilà qui est plus facile, dit-il, c’est modelé.

-Attache maintenant ensemble ces trois formes, en les réunissant en une seule, de manière qu’elles s’ajustent naturellement les unes aux autres.

-Elles sont attachées ensemble.

-Façonne ensuite un recouvrement extérieur, l’image d’un être unique, celle d’un être humain, de telle sorte que quelqu’un qui ne pourrait voir les formes contenues à l’intérieur, mais ne pourrait que saisir l’apparence extérieure, croie voir un être vivant unique, un être humain ».

A partir de là deux attitudes s’offrent à l’homme être injuste et développer le Lion et la bête multiforme présents en nous ou, être juste et développer les plis paisibles comme un jardinier soigne ses plantes au détriment des mauvaises herbes. Cet homme intérieur fait alliance avec le naturel du Lion. Il prodiguera ses soins à tous en développant leur amitié mutuelle et avec lui-même »[11].

On retrouve ces trois personnages dans le mythe de l’attelage ailé du Phèdre (Platon, Phèdre, Le mythe de l’attelage ailé, 253 a, 246 a ). Le lion est remplacé par un cheval impulsif et l’homme par un cheval soumis. Le cocher est la troisième hypostase[12] de l’âme celle de la raison. L’imaginal sera de travailler dans son âme à n’entretenir que les plis de sagesse.

Nizami Ganjavi, Leila et Majnun[13], Une miniature de la version d’Amir Khusro; Walter Art Museum.

La tradition littéraire inspirera les motifs des métaphores de l’indiscible et de la recherche de la sagesse, de l’amour de Dieu. Les Légendes de Leila et Majnun ou l’épopée de Khoshrow et Shirin ont été rapportées au XIIe siècle par Nézami. Mais, elles appartenaient déjà à la tradition orale. L’amour pour Dieu prend les motifs amoureux littéraires des légendes populaires. Avicenne utilise la littérature pour décrire l’intellect dans le récit d’Absal et Salâman.

Prenons le récit de Salâman et Absal. La version avicennienne a en partie disparue, mais elle est rapportée par d’autres auteurs comme Nasîr et elle s’inspire du mythe hermétique d’Absal et de Salâmân[14]. L’explication, par Avicenne, du récit d’Absâl et Salâmaân[15] est la suivante: Absâl est l’intellect contemplatif sans lequel Salâmân ne peut diriger le royaume. Salâmân est l’Ange terrestre qui écrit. Il est l’intellect pratique. Salâmân et Absâl sont donc les deux faces de l’âme. En l’absence d’Absâl, Salâmân est désemparé et ses ennemis en profitent. Absâl le contemplatif peut seul conquérir l’Orient et l’Occident. C’est Absâl le contemplatif qui guerroie. Les conquêtes d’Absâl, en Orient et en Occident, sont celles du récit de Hayy ibn Yaqzân. La fiancée d’Absâl, selon H. Corbin, représente sa relation avec l’Orient. En effet, Absâl a aussi une épouse dans la version d’Avicenne. L’épouse de Salâmân est un démon (c.a.d. un pli de notre identité à dominer), quand celle d’Absâl serait un Ange céleste. On peut voir aussi, dans l’attirance de l’épouse de Salâmân pour Absâl, le lien qui unit les deux composantes de l’âme. La pensée d’Avicenne est celle d’une double personnalité dans l’homme, l’homme terrestre et l’homme céleste. On retrouve un fondement de l’Islam qui fait la différence, dans une personnalité, entre l’homme de lumière et l’homme terrestre. Mais, l’Islam ne se résume pas à un nestorianisme[16]. Ce double serait issu de la pensée hermétiste qui ne les séparait pas mais les considérait comme la doublure l’une de l’autre. Ces deux personnages deviennent les puissances d’une même âme. Ces puissances[17] sont elles-mêmes duelles, comme les chevaux de l’aurige du mythe du Phèdre. Ces deux personnages sont des figures « icônales » des plis de l’âme, de ses intellects et puissances.

Pour ne pas rigidifier ces analyses de l’âme des hommes, il est bon de dire que l’âme est une, mais elle comporte comme des plis et des replis[18]. Les personnages et les animaux de l’imaginal sont les métaphores de l’âme et ses capacités.

Reprenons l’exemple de Salâmâm et Absâl qui représente le couple des Anges[19] terrestres. Ces Anges sont les deux puissances de l’intelligence de l’âme. Ils sont la spéculation et la pratique qui permettent d’accéder à la connaissance. L’Ange qui écrit et agit est Salâmân, « l’intellect pratique ». Absâl est l’intelligence agente. Ils sont les deux faces de l’âme. Absâl est la partie de l’âme qui regarde vers le divin. Il est le représentant, la part virtuelle de l’âme humaine, et symbolise avec les anges du Coran. Dans l’âme se retrouvent, comme dans un miroir, les hiérarchies du « ciel », les dualités. Les anges virtuels de l’âme humaine symbolisent les archanges et les « Kérubim » ou les « Anges-Âmes »[20]. L’ange virtuel (le calame) est aussi l’ange terrestre qui est l’intellect contemplatif. Aliéner une des dimensions de l’homme, rejeter l’intellect pratique, ou l’intellect agent d’un individu, est une aliénation de la personnalité[21]. Je dis virtuel dans le sens de potentialité à ouvrir, encore en retrait et qui peut advenir par le travail et les anges célestes, prendre substance. Les anges célestes sont virtuels dans l’amour. Ils dirigent notre âme, la substance qu’ils apportent éclaire jusqu’aux derniers replis de notre humanité sensible. Entre Avicenne et Sohrawardi la différence vient de la sagesse divine qui existe et éclaire le monde sans séparation, selon Sohrawardi, entre le premier moteur et les derniers ciels de la création.

Semi de roses et phénix, mosaïque, Antioche, V° siècle. L’oiseau après avoir volé et cherché, trouvé l’aimé dans le partage amoureux, le trouve en lui. Il revient à lui-même pour donner une sagesse aux autres. L’oiseau est l’Emplumé. « Or donc, celui d’entre les suivants de Zeus duquel Amour s’est emparé, est capable de porter avec plus de fermeté le poids du Dieu qui a nom l’Emplumé »[22].

A4 L’Aphrodite céleste

Comparons le récit hermétique avec le récit d’Avicenne. Le récit hermétique raconte l’histoire de Salâmân éperdu d’amour pour Absâl. Cet amour ne lui permet pas de régner. Il a recours à un sage. Ce sage lui fait voir l’image qu’il porte en lui. Cette image est celle de l’Aphrodite céleste. Salâmân confondait son amour pour son ami Absâl avec celui de cette image intérieure. Salâmân reconnaît en lui les deux dimensions de son âme. Il n’a plus besoin de reporter son amour d’autrefois, sur une autre personne. Il le trouve en lui. « La dignité royale du grand arcane hermétiste : la conjonction du masculin-féminin ».[23] Le philosophe devient présence. La relation d’extériorité a disparu pour l’adoration de la Figure-archétype. La figure du Père, des lois, qu’il impose disparaît au profit de celle de l’Aphrodite céleste. La relation au monde devient une relation d’amour. La loi rend vertueux ouvrant les portes à la présence divine[24]. La mort d’Absal s’interprète comme la prise de conscience de notre sagesse. L’objet de l’amour présent en l’autre, la sagesse, passe dans le sujet[25]. Cette situation est rendue possible par un voyage intérieur au texte, une méditation incitée par le texte, auquel fait référence le voyage du Sîmorgh. Les obligations et relations sociales, les lois sont la répétition, les parts déterminées de la vie. L’amour permet de sortir du déterminisme paternel. Comme un livre d’heures les étapes de la vie se répètent et la participation progressive de tous les ciels se refait au quotidien tous les jours depuis le début. Le spirituel ne se contente pas d’une initiation qui change pour toujours l’existence. Le spirituel est une démarche qui se reconstruit chaque jour sur les bases de la vertu, la loi, la sagesse, l’amour et la lumière.

Dans le cycle de l’oiseau, il se fait comme une inversion du sujet. Le regard d’amour porté à l’aimée se transforme en prise de conscience d’une sagesse présente en nous. L’objet de l’amour présent en l’autre, la sagesse, passe dans le sujet. Cette situation n’est possible qu’au travers d’un itinéraire intérieur au texte auquel fait référence le voyage du Sîmorgh.

Le monde intermédiaire n’est pas du pur Platon, ni du pur Aristote. Le monde intermédiaire est le chemin qui passe par le sensible et l’intelligible. « L’erreur des dogmatiques est de faire comme s’il y avait un temps pour penser, temps solennel et un peu triste, et un temps pour aimer boire et danser.[26] » L’amour et la beauté sont le lieu d’une « transmutation ». Le symbolisme n’a pas seulement la prétention de représenter mais il retourne le sujet vers son Soi. C’est un thème que l’on retrouve dans les fidèles d’amour. « L’union qui conjoint l’intellect possible de l’âme humaine avec l’Intelligence active comme dator formarum, Ange de la Connaissance ou Sagesse-Sophia, est visualisée et vécue comme une union d’amour. »[27] Ce n’est pas dans une relation d’information que se fait le ta’wîd, mais dans une relation d’amour.

B Rûmî, le secret

Le secret, la caverne, la grotte se retrouvent aussi dans la mystique rhénane et orientale. Cet archétype spirituel, le secret, a des significations différentes suivant le contexte.

Le secret serait-il une influence de Jésus ? La souffrance incite à la prière. « Le corps est pareil à Marie, et chacun possède en lui un Jésus. Si nous éprouvons en nous cette douleur, notre Jésus naîtra ; mais si nous ne sentons aucune douleur, Jésus, par le chemin secret qu’il avait pris, s’en retourne à son origine, nous laissant privés de ses bienfaits »[28]. Jésus prend le sens ici du fond de l’âme, de la présence de Dieu en chacun, la part spirituelle de l’humanité. Cette spiritualité nait de la souffrance d’exister dans le corps qui provoque le désir de se tourner vers le spirituel. Cette conception montre Allah comme un Dieu qui souhaite le malheur des croyants. Elle est dangereuse car elle n’incite pas au progrès et à l’amélioration des conditions de vie.

Dieu a une dimension secrète. Il est indicible. « Si nous nous efforçons d’expliquer ce secret, même les saints unis à Dieu (awlya) perdront le fil du discours »[29]. « « Ce monde-ci est comme le rêve de celui qui dort ». Son interprétation, dans l’autre monde, sera différente, elle ne ressemblera pas au rêve. Il faut un interprète divin pour l’interpréter, car toutes choses lui sont dévoilées »[30]. Cette conception s’inspire de la Sourate 74 du secret caché. Dieu se rend visible par le Coran décrit alors comme son manteau : « o toi secret caché, apparais et préviens, célèbre ton Seigneur… ». « Que nul ne conçoive l’ambition d’obtenir la connaissance des secrets de ce livre sans revenir auprès de la personne (shakhs), du khalife qui possède la science du Livre »[31]. La recherche de Dieu se pratique individuellement avec le livre de la sagesse orientale de Sohravardî mais aussi en communauté avec l’imâm et le Livre du Coran.

La prière, en islam, dite secrète, désigne aussi le retrait de la personne qui prie : « l’homme intelligent et parfait est celui qui est reconnaissant malgré les épreuves, tant dans la présence que dans le secret »[32].

La Sourate de la Caverne dans le Coran raconte l’histoire d’enfants qui, pour fuir les persécutions, se cachèrent dans une grotte et en sortir vivant 307 ans plus tard dans une société à nouveau tournée vers Dieu. Les persécutions et l’amoralité ont obligé les enfants à se cacher. Ils se sont endormis. Les enfants sont les plis de la spiritualité qui se figent en attendant de pouvoir s’exprimer à nouveau.

Tom Pouce sur un papillon, illustration de L. Leslie Brooke, 1905

Pendant les croisades, les moines et les pèlerins qui se rendent en terre sainte retrouvent la sagesse grecque perdue à la chute d’Athènes qui commence au VIe siècle. Au VIIe siècle, le Parthénon devient une église ainsi que l’Érechthéion. Elle appartient à l’empire romain d’Occident. Au IX et Xème siècles, elle est envahie par les arabes. La fermeture de l’Académie de Platon[33] par Justinien en 529[34] amena de nombreux savants à s’exiler en Perse et l’enseignement grec qui s’y épanouit s’intégra pleinement à la pensée arabe. Sous l’administration des vizirs barmécides, Bagdad devint une grande capitale intellectuelle. Al-Mamun, calife de 813 à 833, avait réuni à Bagdad de nombreux savants. Il crée en 829, l’Observatoire de Bagdad. Pour la première fois après les chinois il est possible d’observer en permanence les étoiles. Les astrologues avaient traduit le Traité d’Astronomie et le Catalogue d’étoiles du grec Hipparque. Ce sont ces connaissances que les croisés rapportent d’Orient.

Quand au Moyen-âge, les premières traductions des pères grecs arrivent, l’Allemagne s’en trouvera influencée, d’abord religieusement sous les regards craintifs des pouvoirs politiques puis religieux en place. Avec ces nouvelles connaissances, le pouvoir religieux tentera de s’opposer à la tyrannie politique. Mais vite, l’inquisition d’abord opposée aux rois de l’Europe se retournera contre l’Église au service de la monarchie absolue. Les traductions de Platon, Aristote… se multiplient et la conscience populaire se met en place au travers de contes qui témoignent de ce désir de liberté.

Aristote sera interdit, censuré en 1210 pour les livres naturels. Mais, il continuera à être largement publié et diffusé. En 1215, la censure s’étend aux œuvres philosophiques d’Aristote et à ses interprètes païens Avicenne et Al-Farabî. L’Église détenait la connaissance et les universités. Elle agit sous la pression du pouvoir politique et royal.

L’influence orientale montre que l’un des premiers mouvements de libération de l’âme est religieux.

D Maître Eckhart (1260-1328)

La mystique rhénane est le résultat de la scolastique dominicaine allemande. La théologie rhénane est l’expression d’une liberté liée à l’indépendance des dominicains. Même si Maître Eckhart fut condamné, Albert Legrand a été l’initiateur dans sa province allemande d’une mystique du Verbe dans une tournure d’esprit néoplatonicienne dionysiaque et avicennienne. Le verbe est cette épée à double tranchant de celui qui sait voir Dieu dans la prière et dans la contemplation, dans le sens premier du texte et dans ses figures de style, parabole et autres lieux de méditation. Selon Albert Legrand, l’Un est ineffable et ne peut être exprimé que par une dialectique négative. Les puissances négatives du Verbe sont dyade[35], infini, mouvement, altérité, dissimilitudes, cycle de l’autre, devenir, matière. La prise de conscience du lieu secret de l’âme permet de penser la liberté individuelle. Ce lieu secret où Dieu parle à la personne n’est secret que dans le sens d’isolement quand Dieu demande de prier dans le secret de sa chambre, dans le calme d’une grotte et la discrétion. Ce lieu secret de l’âme est un des éléments de la liberté. Reconnaître à chacun une intimité avec Dieu, et toujours différente, participe de la conscience de l’ineffable. Le partage spirituel a donc besoin de passer par la voie négative pour laisser intacte la grotte de la Présence spirituelle. Quand Dieu s’est fait présence, il peut y avoir partage et formation d’un imaginaire commun dans le sens d’images mentales communes pour parler de Dieu. Les expériences partagées ouvrent la voie au discernement. Elles sont rarement semblables entre les personnes car Dieu a de multiples moyens de parler à sa créature.

By Reza Shah Kazemi
from the book The Spirit of Tolerance in Islam
(London: IB Tauris/IIS, 2012, pp.111-125)

A Présentation de maître Eckhart

Le pape Jean XXII émet une bulle condamnant certaines de ses thèses. Maître Eckhart ne le saura jamais, il s'est éteint peu avant, probablement en 1328. Mais, En 1992, le cardinal Ratzinger, Benoît XVI, a estimé que Maître Eckhart, n'ayant pas été condamné comme hérétique, n'avait nul besoin de réhabilitation, donc qu'il est "un bon théologien orthodoxe" (lettre du Vatican[36]). Mais ce n'est qu'à la suite d'un article de 2010 que cette information fut diffusée.

Maître Eckhart fait partie du courant moyenâgeux de la mystique rhénane et a contribué à son expansion.

Ce mouvement, basé sur le dialogue entre une âme et Dieu permettra d’initier la liberté individuelle dans la prise de conscience de l’âme personnelle de chacun, de la présence de Dieu en chacun. Certains points deviennent des spécificités de l’humanité du maître et de son époque et ses contradictions, sa dimension séculière (le séculier se définit comme appartenant au siècle, l’époque de l’auteur).

La mystique de Maître Eckhart est indispensable à la liberté de conscience nécessaire à la démocratie pour deux raisons :

Le souci de penser le monde dans l’unité de la divinité sans séparer les plis de l’humanité du monde spirituel

  • "L'être et la nature de Dieu sont miens", cette phrase résume sa vision profondément unitaire. Le divin est présent à la fois dans le monde extérieur et à l'intérieur de chaque individu ; si ce n'était pas le cas, le UN serait deux, ce qui est impossible.

Deuxième souci, se rendre disponible à la présence de Dieu en nous.

  • Seul le détachement peut vider l'âme pour qu'elle se remplisse de la grâce divine.

Ces deux principes semblent contradictoires mais en réalité le mouvement de se tourner vers Dieu se fait dans une connaissance de l’humanité où chaque pli se fait porte vers Dieu. La porte n’arrête pas l’esprit de celui qui la passe. La connaissance de ces portes à tourner vers Dieu, de ces miroirs à orienter permet de devenir rayonnant de la présence de Dieu.

La mystique de maître Eckhart se caractérise par des thèmes dont trois me semblent importants :

B La volonté

« les choses qui sont maintenant pour nous trop élevées, la raison les remarque pourtant. En revanche c’est la volonté seule qui peut toute choses, C’est ce dont témoigne Saint Paul quand il dit : « je peux toutes choses avec Dieu qui me fortifie. » »[37]

Il ne parle pas de plis de l’âme ou de facettes mais de puissances. La volonté va constituer les orientations du possible et déterminer librement l’existence dans l’amour.

La réflexion de Maître Eckhart sur la volonté s’inspire de Saint Augustin. « Ainsi, pour multiples et divers que soient les biens entre lesquels chacun choisit ce qu’il veut et le voyant et le faisant sien, le constitue en toute droiture et vérité en bien suprême, il se peut cependant que la lumière même de la sagesse dans laquelle nous pouvons voir et posséder ces biens soit une réalité unique commune à tous les sages »[38].

C L’amour, le coeur :

Les thèmes de la lumière, de l’intellect et de l’émanation forment la théorie de l’amour de Maître Eckhart où la lumière est la connaissance et mémoire, l’intellect la volonté, l’émanation les fruits d’un retour à soi.

Les personnes divines, dans un néoplatonisme, projettent leur image dans l’âme qui devient leur origine : « […] la volonté l’image du Saint-Esprit, le pouvoir de connaître celle du Fils, la mémoire celle du Père »[39].

« Un maître dit : Dieu est par la grâce porté et planté dans l’âme ; de là jaillit en elle une divine fontaine d’amour qui ramène l’âme en Dieu… »[40]. À cette phrase suit une description des moyens avec lesquels l’âme s’approprie le divin. Entre la voie négative et l’approche positive l’Esprit s’impose dans l’âme par la raison. Le divin entre alors dans la volonté. L’amour place le spirituel dans une surexistence par rapport à l’intellect, le raison, le sensible.

Le cœur du juste se fait miroir du cœur de Dieu. Maître Eckhart écrit : « Les justes, au contraire, n’ont absolument aucune volonté : ce que Dieu veut, cela leur est tout bien, quelque grands que soient les malheurs qui arrivent. Les hommes justes prennent la justice si à cœur que si Dieu n’était pas juste ils ne se soucieraient pas plus de lui que d’une guigne ! Ils sont si fermement établis sur la justice, si entièrement sortis de leur moi, qu’ils ne se soucient ni des peines de l’enfer, ni des joies du ciel, ni de quoi que ce soit d’autre. […] J’ai dit : le juste reste toujours égal à lui-même. Comment cela ? Eh bien, celui qu’une chose réjouit encore mais qu’une autre chose trouble, il n’est, précisément, pas encore « juste » ; bien davantage, celui qui est joyeux à un moment, mais à un autre l’est moins ou ne l’est pas du tout, il est encore loin de ce qui est juste »[41].

« la plus puissante prière, presque toute puissante, pour acquérir toutes choses, et aussi, parmi elles, l’œuvre le plus précieuse, est celle qui sort d’un cœur vide. Plus celui-ci est vide, plus puissante, précieuse, proche, louable et parfaite sont prière et œuvre. […] « Qu’est-ce qu’un cœur vide ? » - Un cœur qui n’étant pas chargé ni troublé par quoi que ce soit, ni attaché à rien, ne voit nulle part dans le monde son avantage, mais est plongé entièrement dans la plus chère volonté de Dieu, ayant renoncé à la sienne propre ! »[42]

Attention ! Ces deux phrases montrent que maître Eckhart ne propose pas le renoncement pour se soumettre à n’importe qui. Le renoncement ne se manifeste pas comme un esprit passif dans le monde. L’esprit s’offre à Dieu et aux hommes selon la volonté de Dieu seulement qui peut se manifester dans le partage spirituel mais pas dans le matérialisme et les intérêts charnels! Maître Eckhart s’adresse à des moniales ou des béguines qui ne vivent que pour Dieu, mais agir selon le cœur de Dieu s’adresse à tous.

D Une puissance de l’âme, la femme

Dans l’œuvre d’Eckhart l’âme reçoit le nom de femme. « Si quelqu’un n’était jamais que vierge il ne porterait jamais de fruit, pour devenir fécond il faut nécessairement être femme. « Femme » est le nom le plus noble que l’ont peut attribuer à l’âme, beaucoup plus noble que celui de « vierge ». »[43] La vertu caractérise la béguine mais elle cherche à aller plus loin. Elle cherche Dieu. La féminité est réceptivité, maternité, accueil et ces qualités sont les vertus qui permettent de se rendre disponible à Dieu. Aristote nomme cette capacité l’intellect patient. La femme est l’icône de l’intellect patient dans l’art de la rhétorique spirituelle.

Au travers de l’enseignement de son prédécesseur Thierry de Freiberg, Maître Eckhart garde l’idée que « l’intellect agent »[44] est l’image même de Dieu. L’âme est la grotte de Dieu. « le grand maître Origène présente une comparaison : l’image de Dieu, le Fils de Dieu est dans le fond de l’âme comme une source vive »[45].

Le fond secret de l’âme « l’abditum mentis »[46] constitue le thème de méditation de saint Augustin, le fond secret de l’âme. Le secret de l’âme est ce que Saint Augustin appelle « le lieu secret de Dieu » une retraite pour les âmes. « Mais peut-être les âmes, existant déjà dans quelque lieu secret de Dieu, sont-elles envoyées pour animer et régir le corps de chacun de ceux qui naissent un par un. »[47] « Car ce que l’on appelle sa pensée n’est pas l’âme, mais ce qui est le meilleur dans l’âme. »[48] La pensée est une image, imitation imparfaite de la trinité.

L’icône de Dieu réalise le monothéisme. Ce thème du fond secret de l’âme est inspiré de Proclus et de son concept d’hénade[49] qui permet de penser le multiple dans le monothéisme.

La relation à Dieu se réalise par l’intellect agent et l’intellect possible. Cette relation permet de passer de l’un au multiple, du tout au possible. « Ceci (intelliger) se produit de deux façons : d’une première façon, en puissance ou potentiellement, comme dans l’intellect possible qui [peut] « tout devenir », selon le Philosophe au livre III de De l’Âme, d’une autre façon en acte, comme dans l’intellect agent, qui [peut] « tout faire » »[50].

« Si le fond secret de l’âme, dont on a souvent parlé, qui est intellect par essence toujours en acte, était en réalité une certaine puissance selon le mode de l’accident dans le sujet âme, à la manière des vertus sensitives et de l’intellect possible, on pourrait efficacement s’opposer à ce qui a été dit, à savoir que l’âme n’est pas immortelle grâce à l’information par laquelle elle est informée par la raison éternelle ou à partir de l’existence de vérité immuables »[51].

« le fond secret de l’âme, qui est intellect par essence en raison de son émanation depuis Dieu et de son retour à Dieu comme à son principe, et en raison de sa relation à Dieu comme similitude de sa représentation, est au plus haute degré image de Dieu »[52].

Le fond secret de l’âme n’appartient peut-être pas dans sa totalité à l’âme. Elle peut-être une substance séparée dans le cas de relations avec les anges. « Ce sont les substances spirituelles que nous appelons ange…Ainsi, ces substances spirituelles procèdent depuis Dieu dans la ressemblance de la substance divine qui subsiste dans de telles perfections à sa manière, c’est-à-dire d’une manière divine et qui lui propre »[53]. L’intellect agent comme image de Dieu, ange de la face, participe de notre âme qui participe ainsi de la divinité. Cette approche de l’intellect agent s’inspire d’Avicenne, La métaphysique, IX, 7. Dietrich de Freiberg remarque qu’Avicenne comme Averroès considèrent l’intellect agent comme substance séparée[54]. « De plus, tu dois savoir que dans notre pur intellect, il n’y a en aucune manière multitude de formes ; lui-même est en effet le principe de toute forme émanant de lui dans l’âme. De plus, tu dois accepter de la même manière qu’il est une disposition purement séparée, du fait qu’ils intelligent certaines choses »[55]. Averroès écrit : « Et, en tant qu’elle est l’agent, de toutes les formes intelligibles, il faut nécessairement que l’Intelligence agente soit séparée et qu’elle ne soit ni mélangée, ni passible »[56].

Maître Eckhart sortira de cette impasse en déplaçant la réflexion comme adéquation de la chose à l’intellect vers celle des relations entre l’être du connu et celui du connaissant. La théorie de la vérité aristotélicienne par ses commentateurs s’en trouve modifiée. Julie Casteigt, dans Connaissance et vérité chez Maître Eckhart seul le juste connait la justice[57] page 35, décrit l’approche de maître Eckhart comme centrée sur l’engendrement. L’engendrement par et dans le connu s’inspire de Jean I, 18 : « Dieu nul ne l’a jamais vu, Le fils unique qui est dans le sein du Père Lui l’a manifesté ». « Les expositions du verset mentionnent non seulement qu’une connaissance n’est vraie mais surtout n’est possible que si le connaissant est dans ce qu’il connait »[58]. Maître Eckhart a recours pour développer sa thèse à deux figures iconales présentes dans ses textes : « Seul le Fils connait le père » Matthieu 11, 27 ; et « seul le juste connait la justice », parce qu’il est engendré par elle et en elle. Ces figures permettent de préciser la notion d’engendrement comme un rapport d’identité de nature et de distinction selon la relation entre un principe et son principié » Julie Casteight, Connaissance et vérité chez Maître Eckhart, p. 35. Jean 14, 26 -que le connaissant soit et soit dans le connu- avec l’engendrement du connaissant dans et par l’être du connu qui advient dans l’acte de connaître. « D’autre part, il élabore philosophiquement la notion d’engendrement présente en Jean 1, 18 et dans la question de la naissance du Verbe dans l’âme, au travers des sermons allemands, de telle sorte que la constitution du connaissant dans l’acte de connaître éclaire le rapport filial de l’homme à Dieu et soit réciproquement éclairé par lui » Julie Casteigt, Connaissance et vérité chez Maître Eckhart, Vrin, 2006, p. 35. Cette approche de Julie Casteight implique que la sagesse de Maître Eckhart soit soucieuse de la préparation des cœurs pour recevoir la divinité. Maître Eckhart centre sa réflexion sur l’intellect patient, le cœur de l’homme. Le cœur est le lieu de la volonté. Dietrich de Freiberg étudie l’intellect agent et ses rapports à l’âme. Il le conçoit comme extérieur à l’âme. La relation, la sagesse qui fait relation permet de penser l’existence dans l’unité, la présence de Dieu dans l’unité. La sagesse passe de l’intellect agent à l’intellect patient pour atteindre l’intellect possible.

Avicenne dans son texte, De la relation[59], traite de ce qui fait lien entre les relatifs l’aimant et l’aimé, le sujet et son objet, le père et le fils… Ce texte inspire maître Eckhart pour penser la relation de substance entre le père et le fils. Mais maître Eckhart ne va-t-il pas trop loin dans l’interprétation de saint Mathieu 16, 24 « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive » ? Son interprétation est hardie comme la souligne l’éditeur en note : « il faut qu’il se dépouille et se défasse de tout ce qui est croix et souffrance […] Quiconque aurait renoncé à lui-même et serait complètement sorti de soi, rien ne pourrait plus être pour lui une « croix » ou une souffrance : tout lui serait un ravissement, un délice, une joie du cœur. Un tel homme marcherait vraiment sur les traces de Dieu »[60]. Maître Eckhart supprime la souffrance ce qui à mon sens n’est pas la pensée de Jésus mais un contre sens car les quatre évangélistes rapportent les propos de Jésus qui présagent de sa terrible mort. Cette approche dangereuse du maître rejoint le rêve orgueilleux du surhomme[61], de l’homme parfait. L’extase n’est pas un perpétuel délice mais un temps de bonheur dans la contemplation de Dieu, le réconfort des anges[62] qui ne retire pas l’épreuve.

Se mettre dans la volonté de Dieu apporte le vrai bonheur. L’intelligence et la connaissance se servent le cœur de Dieu, dans l’œuvre d’Eckhart. « Et personne n’est où est le Fils qui est celui qui est « dans le sein et dans le cœur du Père » : Un dans l’Un c’est le lieu du Fils. « Je veux la conduire dans une calme retraite et là je parlerai à son cœur ! » C’est le Père qui le dit. Cœur à cœur, Un à Un, c’est ce qu’aime Dieu, »[63].

  • Le secret, des exemples de personnes ayant prié dans le secret et ayant partagé cette méditation

Le Libre esprit, selon l’inquisition, est un esprit libéré du superflu pour laisser la place toute entière à Dieu. Cette démarche est une pratique courante du monachisme. Elle rejoint la démarche hésychaste. Elle concerne aussi les laïcs en période de carême, et encore pour prier même sans engagement lié à des vœux. Son objectif consiste à trouver la paix en Jésus Christ en dehors du monde. L’inquisition condamnait cette démarche quand elle s’accompagnait d’un rejet de la hiérarchie religieuse. En fait cette condamnation repose sur une incompréhension. La démarche de prière demande de se mettre en présence de Dieu. Pour la prière individuelle, la présence de Dieu se réalise dans le silence de l’âme comme l’explique Matthieu : « Quand tu pries, retire toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret te le rendra »[64]. Bien sûr il y a différentes formes de prières. Les prières en assemblées, par exemple, la célébration de la messe dans l’arche de la liturgie… Ces prières ne sont pas secrètes mais publiques et participent de la formation du corps social spirituel. Ces dernières n’excluent pas la prière dans le secret. Cette prière de méditation permet de connaître sa conscience, de réfléchir sur sa vie.

icons from Sinai. — Los Angeles: Getty Publications, 2006. — Catalogue No. 13, pp. 152-153, ill. Annonciation, XIIe siècle.

La prière secrète individuelle ne signifie pas le renoncement au partage spirituel. L’annonciation est un exemple de ce type de prière. Marie n’a pas gardé pour elle l’annonce de l’ange. Elle ne cachera pas à sa cousine Elisabeth sa maternité spirituelle merveilleuse, ni au monde. Et pourtant, l’annonce de l’ange se réalise dans le secret de sa maison.

Livre d’heure en usage à Rome au XVe siècle, Sainte Marguerite d’Antioche, Bibliothèque de l’agglomération de valence Roman sud Rhône-Alpes.

De même Jeanne d’Arc reçoit les messages de saint Michel, de sainte Marguerite d’Antioche[65], et de sainte Catherine d’Alexandrie[66] quand elle est seule, et s’empresse de se faire connaître pour accomplir sa mission et témoigner au procès. Elle entend des voies mais dans le silence et le secret de sa prison. Elle les rapporte publiquement au procès. L’expression mettre au secret signifie mettre en prison, écarter la personne de toute relation sociale, s’écarter du monde. Ensuite y retourner. Comme l’oiseau dans le récit de l’oiseau d’Avicenne. Moïse rédige les tables de la loi, seul, sur le Mont Sinaï, après que Dieu se soit manifesté au travers du buisson ardent[67]. Cette retraite a permis de donner au peuple juif la Loi, le soutien paternel de Dieu premier ciel à vivre pour devenir fils et assurer la présence de dieu au monde : « Aaron et tous les israélites virent Moïse, et voici que la peau de son visage rayonnait, et ils avaient peur de l’approcher. Moïse les appela ; Aaron et tous es chefs de la communauté revinrent alors vers lui, et Moïse leur parla. Ensuite tous les israélites s’approchèrent, et il leur ordonna tout ce dont Yahvé avait parlé sur le mont Sinaï. […] les israélites voyaient le visage de Moïse rayonner. Puis Moïse remettait le voile sur son visage, jusqu’à ce qu’il entrât pour parler avec Lui »[68]. Dans l’Ancien testament, les hommes ont peur de la Lumière et de la Sagesse de Dieu. Ils la mêlent à leur quotidien par l’obéissance à la Loi, mais la Loi sert tous les hommes[69].

Bernin (Gian, Lorenzo Bernini), extase de sainte Thérèse, Église Santa Maria della Vittoria, Rome.

Sainte Thérèse du Bernin montre une extase de la Sainte en présence des lumières spirituelles. Un Ange à ses cotés tient une flèche pour lui transpercer le cœur.

Conclusion : La réflexion sur l’âme de maître Eckhart permet de reconnaître que chacun peu travailler à se mettre en présence de Dieu, elle implique la liberté de chacun de disposer de sa volonté et de juger par lui-même de la présence de la divinité comme source de ses engagements. Nul ne peut dicter à quelqu’un les orientations de son existence sauf Dieu. Le vœu d’obéissance à une communauté de ceux qui choisissent le monachisme est un choix qui n’engage pas l’ensemble des croyants. Mais dans le monachisme, l’étude de la liberté de conscience permet d’accéder à la connaissance de la conscience collective. La présence de Dieu dans le secret des âmes constitue l’arche de la communauté. Le monachisme peut ainsi être considéré comme une des origines de la connaissance du mouvement indépendant de chaque âme en Dieu. La personne morale de la communauté s’inspire de la prière dans le secret des âmes et du partage, de l’écoute de chacun. Ainsi, l’humble Bernadette a permis à l’Eglise, la personne morale de l’Eglise, de reconnaître l’immaculée conception. Selon Maître Eckhart, le renoncement au cœur n’est pas un renoncement à la volonté mais une volonté placée dans le cœur de Dieu.

Dieu s’adresse à toutes les consciences. Le rôle des hiérarchies religieuses n’est pas d’empêcher le dialogue des fidèles avec leur Dieu. Le rôle de la hiérarchie religieuse est de préparer les âmes à la sagesse ou vertu et la connaissance dans l’amour portes de la présence de Dieu dans les âmes. La présence de Dieu peut-être plus grande dans les âmes des humbles que dans celle des savants. Elle l’est certainement souvent. Mais cela doit être source de joie et non de jalousie pour les très aimés de Dieu. La richesse de cette multiplicité dans l’Un constitue l’un des fondements de la démocratie, la conscience de l’importance de chacun et de l’importance des consciences.

Ce texte est un raccourci pour le blog d’une réflexion plus importante. Mais j’ai choisi de rapporter le thème du secret car il a été l’objet de beaucoup de persécutions entre frères dans la croyance.

[1] Aristote écrivait : « Mais une famille achevée se compose d’esclaves et de gens libres » Les politiques, Paris : Flammarion, 1990, p. 94 (I, 3, 1253-b). L’esclavage ayant été aboli nous disons : une famille se compose de gens libres.

[2] Tauler (1300-1361) : moine dominicaine mystique Rhénan élève de maître Eckhart.

[3] Jean Tauler (disciple d’Eckart dont il fut l’élève) Sermon 31. Sermons de jean Tauler, trad. Hugueny-Tery, Paris, Éd. Du Cerf, 1991, p 236 et suivantes.

[4] Reconnaître une relation à Dieu possible à chacun relève de l’évangile : «

[5] Quiétisme : hérésie, doctrine mystique inspirée de l’Espagnol Michel Molinos (1628-1696), répandue en France à la fin du XVIIe siècle, suivant laquelle la perfection chrétienne réside dans la quiétude, c’est-à-dire « l’amour pur » et la contemplation de Dieu, en l’absence de toute activité propre de l’âme. Le quiétisme diffère du jansénisme. Ces mouvements déforment l’oraison dans leur théologie. Les uns dédaignent les œuvres, la mortification, la méditation conceptuelle, les autres exagèrent sur la piété pénitentielle et la fuite du monde. Ces deux piétés sont pourtant nécessaires et forment des plis de l’âme car une Marthe et une Marie existent dans chaque âme (in Albert Dufourcq, Bulletin Hispanique, 1923, Volume 25, n°25-3, p. 290 www.persee.fr site université de Lyon, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche).

[6] Avicenne (980-1037) : Médecin et philosophe écrivain, scientifique persan. Il est connu pour ses écrits en astronomie, alchimie, chimie, psychologie.

[7] Halladj, Le livre des Tawassines, Le Jardin du savoir, Editions du rocher, 1994, p. 95-97. Halladj reconnait l’importance des signes. Pourtant Halladj dit ne pas croire aux intermédiaires. Il existe plusieurs chemins vers la divinité. La relation à Dieu sans intermédiaire est la plus puissante mais Dieu veut que nous vivions dans notre ciel en respectant les hiérarchies célestes. Ce thème est celui de la chute d’Iblis l’ange qui n’a pas voulu s’incliner devant l’homme. Halladj préfère mourir que de contempler les créatures. Mais Halladj ne sera-t-il pas sauvé pour avoir aimé la contemplation dans la négation. Il la cite comme ce qu’il n’est pas et par là la reconnait dans la différence.

[8] Avicenne, Kitâb al-Ishârât wa-l-tanbihât (Livre des directives et des remarques), traduction française d’Amélie-Marie Goichon, Edition Unesco-Vrin, 1951, p. 484-485. La science secrète se pratique dans l’isolement et correspond à la méditation. Il ne s’agit pas d’un secret mais de l’examen de conscience individuel que l’on pratique dans le secret d’une pièce silencieuse. Chacun est libre de partager ou pas ce que sa conscience lui dicte en fonction des nécessités de situation.

[9] Avicenne, Le Récit de l’Oiseau, traduction de Henry Corbin in Corbin, Henry, Avicenne et le récit visionnaire, Verdier, Islam spirituel, 1999, p. 253.

[10] Le Qâf est le corps.

[11] Platon, République, livre IX, 588C à 589C, pp. 474-476.

[12] Hypostase : étymologiquement signifie ce qui est placé en dessous. En art, soubassement d’un concept. Substantif en grammaire par exemple « le boire ». On parle d’hypostase pour les trois personnes divines de la Sainte Trinité des chrétiens qui croient en un Dieu Un et Trin.

[13] Nizami Ganjavi, Leila et Majnun, poème littéraire dont motifs inspirerons les soufis et la recherche de la sagesse.

[14] H. Corbin. Avicenne et le récit visionnaire, p ; 276. Il est important de préciser que la vision n’a pas le sens de vision du futur mais celui de sagesse pour la vie quotidienne.

[15] Avicenne et le récit visionnaire, Verdier, p. 288.

[16] Nestorianisme : Hérésie chrétienne qui soutient qu’en la personne de Jésus coexistent deux personnes l’une divine, l’autre humaine. Cette thèse est défendue à l’origine par Nestorius (381-451). En 431, le concile d’Ephèse condamne le nestorianisme.

[17] Le terme de puissance est défini dans Stéphane Leclerc. Gilles Deleuze, immanence, univocité, et transcendantal, Sils Maria, 2003, p. 179. L’idée de puissance y est opposée à l’idée de pouvoir. La tradition impose le pouvoir.

[18] Il est important de parler de doublure, de plis, pour toutes ces dimensions dans l’âme. C’est une alternative aux visions naïves d’Avicenne et Sohrawardi.

[19] Henry Corbin parle d’Ange pour les deux anima car, selon les commentaires d’Henry Corbin pour Avicenne les Anges existent vraiment ils sont plus que la Forme de l’Infigurable. Avec Avicenne, commence à être pris en compte l’importance du calame qui conduira au voile poétique.

[20] Expressions d’Henry Corbin, Avicenne et le récit visionnaire, Verdier, p. 61.

[21] « L’élimination de l’Anima caelestis en tant qu’Ange céleste, d’une condition inférieure à l’ordre des Kerubim, n’entrainera-t-elle pas celle de l’Anima humana comprise comme « Ange terrestre » ? » Henry Corbin, Avicenne et le récit visionnaire, Verdier, 1999, p. 93.

[22] Platon, Phèdre, 252c.

[23] Henry Corbin. Avicenne et le récit visionnaire, p. 275.

[24] Ici apparait la fonction normalisante de la loi. La loi détermine la vertu. Si elle ne s’appuie pas sur la sagesse des textes fondamentaux, elle peut avoir une paternité dangereuse sur la spiritualité et la formation d’une pensée adulte.

[25] Ce thème se retrouve dans l’œuvre de Novalis : « Je trouvai ce que je n’avais jamais espéré ; une illumination divine descendit en moi ; depuis le jour où je l’enterrai (sa femme très aimée) ici-même, une main céleste enleva toute peine de mon cœur » Novalis, Henri d’Ofterdingen, Paris, Flammarion, 1992, p. 153. Ce passage est inspiré de l’expérience personnelle de Novalis après la mort de Sophie.

[26] Christian Jambet. Le caché et l’apparent, L’Herne, 2003, p. 171.

[27] Henry Corbin. Avicenne et le récit visionnaire, Verdier, 1999, p. 330.

[28] Rûmî, Le livre du dedans, Actes sud, 1982, p. 45-46.

[29] Rûmî, Le livre du dedans, Actes sud, 1982, p. 135.

[30] Rûmî, Le livre du dedans, Actes sud, 1982, p. 136.

[31] Sohravardî, Le livre de la sagesse orientale, Verdier, 1986, p. 232.

[32] Rûmî, Le livre du dedans, Actes sud, 1982, p. 227.

[33] Académie de Platon :

[34] La fermeture de l’Académie d’Athène, de pensée néoplatonicienne, intervient juste après que Denis (qui avait pris le nom de celui que Saint Paul avait converti sur l’Aréopage) ait exprimé en terme néoplatoniciens la tradition de la mystique nocturne inspirée du livre de L’Exode.

[35] Dyade : couple de deux sujets, de deux éléments en interaction. En philosophie, union de deux principes qui se complètent. Exemple : oxymore.

[36]En 1992, la réhabilitation de Maître Eckhart passe par une lettre brève du Vatican destinée au Maître de l’Ordre de l’époque, Timothy Radcliffe. Ce dernier résume cette lettre pour annoncer à la British Eckhart Society la levée de la censure sur Eckhart. Voici le résumé : « on nous a répondu qu’en réalité cela n’était pas nécessaire puisqu’il n’avait jamais été condamné nominalement, mais seulement certaines propositions qu’il était supposé avoir soutenues, et par conséquent nous sommes parfaitement libres de dire que c’est un bon théologien orthodoxe ».

[37] Maître Eckhart, Œuvre de Maître Eckhart, Gallimard, 1942, p. 69.

[38] Saint Augustin, Œuvres, Le libre arbitre, La Pléiade, Gallimard, 1998, tome I, p. 466.

[39] Maître Eckhart, Œuvre de Maître Eckhart, Gallimard, 1942, p. 72.

[40] Maître Eckhart, Œuvre de Maître Eckhart, Gallimard, 1942, p. 71.

[41] Maître Eckhart, Œuvre de Maître Eckhart, Gallimard, 1942, p. 106-107.

[42] Maître Eckhart, Œuvre de Maître Eckhart, Gallimard, 1942, p. 160-161.

[43] Maître Eckhart, Œuvre de Maître Eckhart, Gallimard, 1942, p. 269.

[44] Intellect agent : avec l’intellect patient, l’intellect agent est une des fonctions de l’âme. Elles ont été inventées par Aristote in De l’âme, III 5.

[45] Maître Eckhart, Les Traités, Éditions du Seuil, 1971, p.164.

[46]Dans la trinité de la mémoire, l’intelligence et la volonté la sagesse de la pensée se réalise mais jamais elle ne s’achève devant la sagesse de Dieu. Par la contemplation l’homme s’abreuve à la source pour nourrir les relations, la charité. « Seigneur, mon Dieu, mon seul espoir, exauce-moi de peur que, par lassitude, je renonce à te chercher, et fais que je cherche toujours ta face avec ardeur. » St Augustin, œuvres III, La Pléiade, Gallimard, 1998, p. 727, La Trinité, Livre XV, 51. Le secret incite à chercher. Dieu se cache pour que nous le cherchions.

[47] St Augustin, œuvres III, La pléiade, Gallimard, 1998, p. 534, Le libre arbitre, Livre III, 57.

[48] St Augustin, œuvres III, La pléiade, Gallimard, 1998, p. 672, La Trinité, Livre XV, 11.

[49] Participer de l’hénade permet d’être divinisé selon Proclus (Voir l’introduction note 6).

[50] Dietrich de Freiberg, Œuvres choisies, La vison béatifique, Paris : Vrin, 2012, Tome II, p. 117.

[51] Dietrich de Freiberg, Œuvres choisies, La vison béatifique, Paris : Vrin, 2012, Tome II, p. 135.

[52] Dietrich de Freiberg, Œuvres choisies, La vison béatifique, Paris : Vrin, 2012, Tome II, p. 161.

[53] Dietrich de Freiberg, Œuvres choisies, La vison béatifique, Paris : Vrin, 2012, Tome II, p. 147 et note 1.

[54] Dietrich de Freiberg, Œuvres choisies, La vison béatifique, Paris : Vrin, 2012, Tome II, p. 135.

[55] Avicenne cité in Dietrich de Freiberg, Œuvres choisies, La vison béatifique, Paris : Vrin, 2012, Tome II, p. 135 note

[56] Averroes cité in Dietrich de Freiberg, Œuvres choisies, La vison béatifique, Paris : Vrin, 2012, Tome II, p. 135.

[57] Julie Casteigt, Connaissance et vérité chez Maître Eckart, Vrin, 2006.

[58] Julie Casteigt, Connaissance et vérité chez Maître Eckart, Vrin, 2006, p. 35.

[59] Avicenne, La Métaphysique, Livre III, chap. 10, Paris : Vrin, tome I, pp. 200-205. La relation chez Avicenne est considérée comme accident. Il manquait certainement à Avicenne la relativité.

[60] Maître Eckhart, Sermons-traités, Paris : Gallimard, 1987, p. 223.

[61]« Goethe concevait un homme fort, hautement cultivé, habile à toutes choses de la vie physique, se tenant lui-même bien en main, ayant le respect de sa propre individualité, pouvant se risquer à jouir pleinement du naturel dans toute sa richesse et toute son étendue, assez fort pour la liberté ; homme tolérant, non par faiblesse, mais par force, parce qu’il sait encore tirer avantage de ce qui serait la perte des natures moyennes ; homme pour qui il n’y a plus rien de défendu, sauf du moins la faiblesse, qu’elle s’appelle vice ou vertu… » F. Nietzsche, Le crépuscule des idoles, Flâneries inactuelles, & 49.

[62] Le pain des anges, le réconfort des anges : « Alors lui apparut, venant du ciel, un ange qui le réconfortait » Luc 22, 43.

[63] Maître Eckhart, Sermons-traités, Paris :Gallimard, 1987, p. 223.

[64] Matthieu, 6 ; 6.

[65] Sainte Marguerite d’Antioche : son nom était Marine mais elle sera nommée Margueritte. Vierge converti au christianisme, elle refuse d’épouser le préfet Olybrius. Il la fait torturer. Elle a une vision du démon en un horrible dragon. mais une vision de la croix l’aide à garder sa foi et à prononcer une exhortation qui convertit une multitude d’assistants. Elle meurt décapitée.

[66]Sainte Catherine d’Alexandrie (III° et IV° siècle) : dite la Vierge argumentatrice. L’Empereur Maximin tenta de la torturer mais les instruments volèrent en éclat tuant autour d’eux. Elle tint de si beaux discours que l’assistance et les docteurs se convertissaient massivement. L’Empereur finit par la décapiter. Dans son enfance, elle eu une vision l’incitant à se faire baptiser.

[67] La rédaction des tables de la Loi est relatée dans le Livre de l’exode, chapitres 3, 19, 20, 24, 32, 34.

[68] Bible, Exode, 34, 30-35.

[69] Si des hommes se servent de la Loi pour faire tomber les enfants de Dieu, ils auront à en répondre devant Dieu : « Malheur à vous, les légistes, parce que vous avez enlevé la clé de la science ! Vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés ! » Luc 11, 52 ; Matthieu 23, 13. « Seulement voici ce que je trouve : Dieu a fait l’homme tout droit, et lui cherche bien des calculs » Ecclésiaste, 7 :29.

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 13:22

Bonsoir à tous ; Je vous remercie d’être là ce soir. Je suis heureuse aussi d’être parmi vous et je remercie Anne de Commines de m’accueillir pour ses rencontres de qualité autour de la poésie.

Iconal Rôles et Liberté

Je vais vous parler d’un sujet qui peut engendrer des polémiques, le monothéisme. Henry Corbin au travers de multiples livres a essayé d’aborder le « paradoxe du mothéisme ». Henry Corbin soulève de nombreuses contradictions. Je voudrais mettre en lumière quelques éléments sur ce sujet de manière à montrer que le monothéisme ne s’oppose pas à l’existence et au regard contemplatif sur la nature. Pourquoi parler du monothésisme sur le thème de l’icône ? Les icônes sont les portes des cultes monothéistes chrétiens. Elles évitent un monothéisme radical qui nie la création dans son ensemble. Henry Corbin est le traducteur de Sohravardi penseur Perse musulman au moyen-âge. Sohravardi s’appuie sur la pensée de Zoroastre pour transmettre une sagesse, un existentialisme spirituel. Il se rattache à l’épopée iranienne. Ses motifs littéraires et poétiques sont d’un grand intérêt pour npous qui nous réunissons grâce à Anne entre poètes.

Image 1

Angels bow down for newly created Adam, whereas Iblis (Satan, dark, right) refuses. Islamic Persian miniature from before the 19th century. Halladj comme Iblis refuse de reconnaitre la création. Les anges s’inclinent devant l’homme, mais Iblis reste à part. Il refuse la voie contemplative.

Image 2

La chute des anges rebelles, Pieter Bruegel le Vieux, Musée des arts anciens de Bruxelles, collection permanente. Tableau critique des gnostiques comment peut-il y avoir qu’un seul Dieu différent de l’humanité ? A cette question les gnostiques répondent que derrière l’épuisement des désirs de l’humanité se trouve Dieu.

Comment éviter la chute des anges et respecter le monde naturel qui nous entoure tout en pratiquant l’amour de Dieu ?

Le monothéisme apparaît avec le mazdéisme. Zoroastre est un prêtre de la religion mazdéenne. Avant l’an 600 avant J. C. ses textes font passer la religion du polythéisme au monothéisme. Le corps est-il une « prison » pour reprendre une expression de Sohravardi pour désigner le corps? Faut-il l’épuiser en assouvissant toutes les pulsions ou, au contraire, à la façon des manichéens, le diaboliser ?

La solution serait-elle d’être ni gnostique, ni manichéen ?

Trois soucis apparaissent dans l’œuvre de Sohravardi : en premier celui de dominer le corps, le souci néoplatonicien de faire rayonner l’ensemble de la personne, souci de ne pas tomber dans un gnosticisme dangereux qui cherche Dieu dans l’épuisement des rôles de la personne.

Quand on cherche la Vérité on ne néglige aucune piste. Les deux problématiques apparaissent dans l’œuvre de Sohravardi. Mais s’ajoute un souci de modération du monothéisme dans l’œuvre de Sohravardi qui passe par la sagesse des anciens Perses zoroastriens. J’utiliserai des écrits de Zoroastre pour montrer cette influence. La sagesse des ancien Perses se soucie de bonne pensée, de modération, de santé… donc de morale.

Plan : Introduction

1 La sagesse dans l’œuvre de Sohravardi

I Qui est Sohravardi ? II Le zoroastrisme sans Soravardi, III Le Zoroastrisme de Sohravardi

2 L’influence des lumières du zoroastrisme dans la pensée orthodoxe et la pensée chrétienne.

Donc au départ j’émets l’hypothèse que le zoroastrisme a inspiré Sohravardi mais aussi le monde de l’icône.

Conclusion

1 Je m’intéresse dans la première partie à La sagesse perse dans l’œuvre de Sohrawardi

Au XII° siècle, Sohravardi a fait parvenir jusqu’à nous la pensée des anciens sages de la Perse et cette religion existe encore aujourd’hui. Les Parsi considèrent Sohravardi comme un témoin de leur foi.

I Qui est Sohravardi ?

A/ Biographie : Sohrawardi est né à Sohraward, en 549/1155 (1) , et il meurt à Alep, en 587/1191. Il est parfois nommé al-Maqtul, en mémoire de sa mort violente par décapitation et pour dire en même temps qu’il n’est pas un témoin de la foi. Mais il est considéré rapidement comme un martyr. Certains se diront ses disciples et l’appelleront martyr. Ses commentateurs, comme Molla Sadra, le nommeront « Sahib al-Israq », le maître des lumières. Et ce nom seul lui est resté.

B/Au sujet de l’œuvre de Sohravardi et des penseurs orientaux, Henry Corbin met en place l’idée d’Imaginal : Sohrawardi est célèbre pour ses discours en similitudes. Ses romans d’initiation permettent le dévoilement, accès à la connaissance, par des insinuations subtiles. Les insinuations incitent à la méditation car l’interprétation est toujours à reprendre et chacun y est libre. L’intervention des motifs de l’épopée iranienne permet au « roman d’initiation » sohrawardien de se rattacher à une tradition littéraire. Sa mystique présente un motif qui sort de l’histoire et de la tradition et permet de prendre conscience de l’idée d’Orient et d’Occident spirituel déjà présent dans l’œuvre d’Avicenne, des soufis (2) et de Sohravardi. Ce motif littéraire vient d’un poème d’Unsuri (3) (né en 441/1049). Ce motif est celui d’un « Archange couleur pourpre(4) » que l’on retrouve dans un récit de Sohrawardi (5) .

Les proto-religions témoignent de l’apparition du monothéisme et une sagesse, une connaissance du spirituel, se met en place progressivement. Les mondes spirituels ne perdent pas leurs splendeurs dans le monothéisme. Au contraire, à l’image du monde sensible, l’intelligence, l’imaginaire, le courage, la patience, l’affection toutes les vertus de la relation, de l’enseignement, l’heuristique… deviennent les occidents de la Sagesse dans l’épiphanie du spirituel.

Le traducteur des écrits de Sohravardi est Henry Corbin comme nous l’avons vu. L’imaginal est une forme littéraire qui s’inscrit dans les disciplines enseignées en Perse à l’époque de Sohravardi. Les disciplines des sciences arabes se divisent selon al-Fârâbî (339/950) en « six branches : la science de la langue, la science de la logique, la science mathématique (qui se divise en 4 disciplines classiques – arithmétique, géométrie, astronomie et musique – viennent s’ajouter la perspective et la science des poids et mesures, ainsi que l’algèbre et les mathématiques appliquées), la science naturelle ou physique, prolongée par la théologie naturelle ou métaphysique, et enfin la science morale et politique »(6) . L’enseignement de Sohravardi appartient à la théologie naturelle ou métaphysique et à la morale. Je n’attacherai pas d’importance à l’idée de métaphysique contrairement à ce qu’a fait Henry Corbin. Mais, je ferai plutôt un rapprochement entre la théologie naturelle et la rhétorique, le souci didactique plus exactement heuristique de la transmission des connaissances et la recherche de la Vérité. L’imaginal permet à partir de l’observation de réaliser des métaphores qui saisissent la dimension spirituelle de la sagesse et de la divinité. L’iconal est l’observation de l’intelligence de la sagesse dans l’humanité alors que l’imaginal est l’observation de la sagesse dans la nature. Pour l’iconal la « théologie naturelle » s’applique à l’homme.

C/ Sohravardi est un néoplatonicien : il utilise les connaissances de Platon et d’Aristote pour décrire les merveilles des anciens Perses. Les péripatéticiens associaient des divinités aux espèces. Cette philosophie est inspirée d’Aristote et de sa théorie de la définition.

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Artiste anonyme, Zodiaque du prince Iskandar-Sultan, Londres Wellcome library, London. Illustration du livre de Rarîd-ud Dîne Attar, Le cantique des oiseaux, éditions Diane de Selliers, 2014, site editionsdianedeselliers.com

Pour Sohravardi, les espèces sont l’ombre des mères appartenant au monde spirituel. Cela rejoint la théorie des Idées de Platon et les théories péripatéticiennes d’Aristote de la définition. Platon La République Livre VII « représente-toi des hommes dans une sorte d’habitation souterraine en forme de caverne » ; Platon République Livre X, il s’agit du texte sur la poésie et l’imitation, les trois espèces de lit (celui de Dieu, celui de l’artisan et celui du peintre) qui ont pour but de montrer que la finalité de l’éducation n’est pas d’être capable d’imiter mais de s’y connaître dans la matière étudiée (et d’en avoir l’expérience ? ) (600C) ; pour Aristote le Traité du ciel le chapitre 6 ; Aristote Le traité de catégories ; La physique : « Or, les étants sont multiples soit par la définition (par exemple l’être du blanc est autre que celui du cultivé, alors qu’une même chose peut-être l’un et l’autre, de sorte que l’un est multiple), soit par la division, comme le tout et les parties. Et là, désormais embarrassés, il reconnaissent que l’un est multiple… »(7) Physique, livre premier. « or sur le cercle il n’en est pas ainsi, mais le consécutif en est toujours le seul différent. Est donc infini ce dont, en le considérant selon la quantité, on peut toujours saisir quelque chose au-delà. Ce qui ne possède rien au-delà est achevé et est un tout, car c’est ainsi que nous définissons le tout : ce dont rien est absent, par exemple un homme ou un coffre est un tout. Et comme est la chose particulière, ainsi est aussi le sens propre, par exemple le tout est au-delà de quoi il n’y a rien, tandis que ce au-delà de quoi il y a un manque n’est pas un tout, quoi qu’il lui manque. Le tout et l’achevé sont d’une nature soit tout à fait la même soit très proche. Or rien est achevé sans avoir de fin, et la fin est une limite »(8) Nous tombons sur l’aporie du Parménide. Ce qu’il faut retenir ce sont les cercles qui encerclent le contemplatif de plus en plus larges vers la divinité. La divinité est au-delà de chacune de nos contemplations en sautant d’un cercle à l’autre, d’un ciel à l’autre. L’icône l’imaginal sont les clés de ces sauts non pas dans l’imitation mais dans la connaissance. On trouve une démarche péripatéticienne de la physique dans le travail de Sohravardi et elle est inspirée directement d’Aristote.

II Le Zoroastrisme sans Sohravardi

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Quelles sont ces ombres, ces mères, ces idées, ces formes pour reprendre Platon, qui habitent le mazdéisme? En lisant l’Avesta j’ai noté des points importants de sagesse.

A On trouve Les étoiles qui expriment par leur présence les perfections de la géométrie et de l’intelligence.

B Après les étoiles, la bonne santé qui est le fruit de la vertu et de lutte contre la sorcellerie. Le jeûne qui conduit aux visions et rêves peut-être dangereux et contraire à l’Avesta car contraire à la santé. Le jeûne s’il signifie de renoncer aux excès et de dominer les désirs de son corps est nécessaire pour une pensée spirituelle ou intellectuelle.

C Nous avons vu les étoiles et la bonne santé ce qui en découle ensuite est La vie simple: Vie simple sans les drogues, sans la magie qui prend le sens de sorcellerie, le simple comme source de sagesse. Dieu aime les âmes simples et la Vérité par opposition aux mauvais maîtres. (Deux sortes de magies : La magie comme divertissement, comme Montaigne l’explique par souci pédagogique et souci de respecter les rythme de la concentration de l’esprit, oui ; La magie pour tromper l’assemblée non).

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Page du Taccuinum Ibn Al Butlan le thème de la mandragore. Traité arabe de médecine écrit par Ibn Butlan.

Zoroastre, dans la Gâthâ (terme sanskrit qui signifie hymne, vers) dite de « la réforme de l’existence », Yasna (partie de l’avesta) 48, écrit : « Quand, ô Sage, les guerriers apprendront-ils le message ? Quand frapperas-tu cette ordure de liqueur, Grâce à laquelle les sacrificateurs méchamment, Et les mauvais maîtres des pays, Volontairement, exécutent leurs supercheries ? »(9)

La liqueur à laquelle fait référence Zoroastre Selon Jean Varenne, le soma (breuvage d’immortalité) serait le jus d’un champignon hallucinogène, l’amanite tue mouche présente alors dans les montagnes de Perse, remplacé plus tard par le chanvre. Le Veda (textes composés au XVe siècle avant notre ère. Terme venant du sanscrit qui signifie vision connaissance) a fait référence à la plante soma, qui a une tige, un chapeau, mais ni feuilles, ni fleurs. L’absorption donnerait une impression de vol, de voyage, de visions colorées et hallucinations auditives (10) .

D Après les étoiles et la bonne santé, La vie simple, la vertu se résume en bonne pensée. La bonne pensée se dit Vérité, Ahura Mazda (seigneur de la sagesse) en opposition avec son jumeau Ahriman (seigneur du mal). Ahura Mazda est le Dieu unique duquel découlent les lumières du zoroastrisme.

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Mohammad d’Alî de Golconde, poète dans un jardin (probablement Nezâmî), Boston. Ret S Michaud/ akg-images. La poésie comme vectrice de bonne pensée

Je cite l’Avesta (textes sacrés de la religion mazdéenne) : « 7. Celui qui vit sans reproche Reçoit Sagesse et Pouvoir, Bon Esprit et Pureté, Santé, Force et Longue vie. Qu'il les reçoive aujourd'hui, Constamment, en abondance! 8. Mais les autres recevront Le châtiment de leurs crimes! Que Ton Règne s'établisse En vertu du Bon Esprit, O Pouvoir divin suprême --- Parmi ceux qui ont vaincu. L'adversaire mensonger, En vivant la Vérité! » (11)

E Après la bonne pensée, Le sage parfait (par reprendre l’expression de Zoroastre) qui porte la lumière de gloire (Xvarna mot mazdéen qui apparaît en mazdéen dans les textes de Sohravardi), l’imâm (pour Sohravardi) donne une dimension institutionnelle à la religion. A l’époque il n’y avait pas de conscience des institutions. Elles existaient mais le pouvoir de l’état s’arrogeait parfois celui des institutions et particulièrement des institutions religieuses. Apparait avec le Shiisme la notion « d’imam caché ». Quand les pouvoirs politiques et religieux s’opposent à l’islam ou quand il y a des divisions dans la religion l’imâm est dit caché. L’imam caché permet de réfléchir à une religion non officielle. Je ne veux pas résoudre les difficultés. Mais la notion d’imam caché pose le problème des dérives dans les institutions sans hiérarchie pyramidale.

« En parlant de l’autorité du Sage parfait je n’entends pas l’exercice du pouvoir temporel triomphant. […] il arrive que l’Imâm investi de l’expérience mystique voit son autorité publiquement reconnue, il arrive qu’il reste caché. […] Lorsque le pouvoir est dans ses mains l’époque est une époque de Lumière. Mais lorsque l’époque est privée de toute régence divine, les Ténèbres sont alors triomphantes »(12) .

(Cette approche binaire ne prend pas encore en compte la notion d’institution. Il peut y avoir une institution religieuse officielle et des institutions religieuses non officielles. L’ensemble étant contrôlé par les pouvoirs politiques. Actuellement, en France, les évêques et archevêques sont choisis par l’Église en collaboration avec les pouvoirs publics ; au Maroc le Roi nomme les Imâms ; en Angleterre la Reine est la tête de l’Eglise anglicane posant la question de la fusion de l’institution gouvernementale et de l’institution religieuse. La question est, dans tous ces pays. Les autres religions indépendantes en dehors de la religion officielle, sont-elles en relation avec les pouvoirs publics ? Les sectes comment les gérer ? Les questions restent ouvertes.)

F Après les étoiles et la bonne santé, La vie simple, bonne pensée, le sage parfait, Les immortels bienfaisants

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L’ange de Tobie, du peintre Hossein Naqqâsh, École moghole, vers 1590, Musée Guimet, Paris. Tobie personnage de la Bible qui soigna son père avec le foi d’un poisson pêché par l’ange. Il chassa le démon qui empêchait son épouse de se marier.

Les immortels bienfaisants sont les anciens sages. La mémoire des anciens, de leur sagesse, de leur connaissance a besoin de ne pas être redémontrée à chaque génération afin que ne se pratique plus les sacrifices humains, des malversations au nom de Dieu. Ici, sur l’arbre de la mémoire se trouvent les fruits de nos ancêtres. Par exemple, Abraham est un immortel bienfaisant. Depuis ce patriarche, le sacrifice des enfants ne se pratique plus car, sur l’autel, Dieu a remplacé le jeune Isaac par un bélier.

La Yasna (partie de l’Avesta) 45 des Gathas est l’origine de la notion d’immortel bienfaisant : « Je vais discourir : Écoutez maintenant, et entendez, Vous qui de près ou de loin Venez vous instruire. Tous, faites de lui Votre sagesse, car il est manifeste. Puisse ne point détruire la seconde existence Le faux docteur Qui, pour son mauvais choix, A été classé, par la langue, Comme méchant ! Je vais discourir des deux esprits, Dont le plus saint, Au commencement de l’existence, A dit au destructeur : « Ni nos pensées, Ni nos doctrines Ni nos forces mentales ; Ni nos choix, Ni nos pâroles, ni nos actes ; Ni nos consciences, Ni nos âmes ne sont d’accord. » Je vais discourir Du commencement de cette existence, De ce que m’en a dit le Seigneur sage, Lui qui sait. Ceux d’entre vous Comme je vais la penser et la dire, Qui n’appliqueront pas la formule Pour ceux-là la fin De l’existence sera : « Hélas ! ». Je vais discourir De ce qu’il y a de meilleur En cette existence-ci. Celui qui m’a créé selon la Justice, Je le sais, Ô Sage, C’est le père de l’active Bonne Pensée ; Et celle-ci a pour fille La bienfaisante Dévotion. Il n’y a pas à tromper le Seigneur, Qui devine tout. Je vais discourir De la parole que le Seigneur Sage, Le Très-Saint, M’a dite la meilleure à entendre pour les hommes : « Ceux qui, pour moi, Prêteront à celui-ci obeissance Et attention Atteindront, par les actes de Bonnes Pensées, Intégrité et immortalité. » Je vais discourir, En le louant en tant que Justice, Du plus grand de tous, Qui veut du bien aux êtres. Que le Seigneur Sage entende, En temps qu’Esprit Saint, Lui que je louais Quand j’ai consulté la Bonne Pensée ! Que par ma force mentale Il m’enseigne le souverain bien ; Lui qui, à ceux qui sont vivants, L’ont été ou le seront, Donne le salut ou la perte : L’âme du juste gratifiée de l’immortalité, Les tortures à jamais pour le méchant. (De celles-ci aussi Le Seigneur Sage est créateur, Par son Empire.) « Tâche de nous le conquérir Par des louanges de révérence - Car j’ai maintenant contemplé cela de mon œil, Reconnaissant le Seigneur Sage À la justice de son Bon Esprit, De sa bonne action, De sa bonne parole –, Et puissions-nous lui offrir Des hymnes de louange Dans la maison du Chant ! Tâche de nous le propitier Avec la bonne Pensée, Lui qui, à volonté, Nous donne heur et malheur. Comme le Seigneur Sage, Par son Empire sur le village, Grâce à l’intimité de la Bonne Pensée Avec la Justice, Fasse prospérer nos bêtes et nos gens ! Tâche de nous les magnifier Par les hymnes de Dévotion, Lui qu’on perçoit dans l’âme Comme le seigneur Sage, Puisqu’il a promis, Avec sa Justice et sa Bonne Pensée, Intégrité et Immortalité, Vigueur et durée Dans sa maison ! » Quiconque par conséquent Sera malveillant désormais Envers les faux dieux Et envers les malveillants pour le sauveur (C'est-à-dire envers ceux Qui ne lui sont pas soumis), À celui-là, la sainte conscience Du sauveur à venir, Maître de sa maison, Tiendra lieu d’ami juré, De frère ou de père, Ô Seigneur Sage ! »(13)

Les anciens qui ont laissé leur sagesse sont immortels. Ils sont les immortels bienfaisants.

F Après les étoiles et la bonne santé, La vie simple, la vertu bonne pensée, Les immortels bienfaisants Les Anges font partie du monde spirituel.

Dans la théorie péripatéticienne, dans l’hermétisme, ou l’échelle de Jacob, à chaque fois, se tourner vers la divinité se fait dans la conscience des multiplicités spirituelles, les immortels mais aussi des anges, les mères qui dominent l’humanité et la nature.

L’ange permet de traverser les épreuves des 7 merveilles. Les Saints Immortels bienfaisants sont un peu comme les conseillers d’Ahura-Mazda. L’ornement poétique aurait transformé ces bienfaits en divinités esprits des mondes spirituels. Les croyances religieuses se transforment dans le temps. Mais les Zoroastriens sauront revenir au monothéisme en considérant les lumières spirituelles comme des anges prolongement de la sagesse de Dieu.

III Après avoir introduit qui était Sohravardi, après avoir expliqué quelques éléments importants du Zoroastrisme, je vais aborder Le Zoroastrisme de Sohravardi.

Les ombres sur la grotte de la caverne permettent de se tourner vers les lumières de l’existence. Elles sont les signes du spirituel. Comment sortir de la grotte ou de la prison su corps et du monde sensible ? L’approche manichéenne de Sohravardi en fait un docétiste (Le docétisme considère que le corps ne ressuscite pas et qu’en mourant l’âme rejoint la lumière divine). Sohravardi prône l’expérience de la séparation de l’âme et du corps pour accéder aux lumières spirituelles. Cela est contestable : « Je suis retenu prisonnier dans le pays d’Occident… J’ai sangloté, j’ai imploré, j’ai soupiré de regret sur cette séparation. »(14) « La plus magnifique des habitudes (malakât) est une habitude de mort par laquelle la Lumière régente se desquame pour ainsi dire des Ténèbres et, bien que l’attache avec le corps ne se laisse pas de subsister, elle transparaît au monde de la Lumière et devient comme suspendue au monde archangélique. »(15)

L’échelle de Jacob est accessible par l’intelligence. Les 7 noms inspirés des Gathas dans l’œuvre de Sohravardi sont 7 merveilles que l’ange lui dévoile, entre le jour et la nuit quand la Lune est rousse : Pour aujourd’hui je ne développerai qu’un petit texte en resituant dans le Coran les sept étoiles de la sagesse que Sohravardi développe dans ses écrits et en rappelant ses liens avec l’Avesta. Ces merveilles sont celles du monde spirituel. Elles modèrent le manichéisme de Sohravardi comme cette réflexion va le montrer. Sohravardi écrit en parlant de lui il dit moi et le sage est l’ange pourpre de sa vision. Cet extrait est tiré de l’Archange Empourpré: « Moi : Mais ici, quelle peut-être ton occupation ? Le Sage : Je suis un perpétuel pèlerin. Sans cesse je voyage autour du monde et j’en contemple les merveilles. Moi : Quelles sortes de merveilles as-tu observé dans le monde ? Le Sage : Sept merveilles en vérité : la première est la montagne du Qâf, notre patrie, à toi et à moi. La seconde : le Joyau qui illumine la nuit. La troisième : l’arbre Tûbâ. La quatrième : les douze ateliers. La cinquième : la cotte de mailles de David. La sixième : l’Épée. La septième : la Source de la Vie »(16) .

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Fresque de l’aurige vainqueur, 150-160 après J.C. Maison des auriges, Ostie, Italie.

La première merveille est la montagne du Qâf. Le premier nom dans les Gathas est le Vohu Manah « La bonne pensée » symbolisée par la vache. Les montagnes du Qâf sont constituées de deux montagnes de climat froid et de climat chaud. La connaissance de soi a deux montagnes passivité et irascibilité. Nous sommes dans l’éducation. La montagne du Qâf symbolise le pèlerinage, le détachement, le retour à l’origine spirituelle. (le Qâf est une lettre de l’alphabet arabe). Les deux montagnes sont comparables aux deux chevaux de l’aurige dans la métaphore de l’attelage ailé du Phèdre de Platon. Le Qâf correspond à la raison qui domine la nonchalance et l’irracibilité.

2 Les montagnes de l’initiation sont au nombre de 12 ! La deuxième étape de l’éducation consiste au Joyau qui illumine la nuit. Il est dans la troisième des 12 montagnes. Ce joyau se constitue de l’or de l’amant consumé par Allah. Selon Molla Sadra, quiconque s’attache à la fin dernière et la désire, Dieu le consumera de son feu et il deviendra de l’or pur dont on se réjouira. Le Joyau qui illumine la nuit représente la vérité. Le deuxième nom dans les 7 noms des Gathas est ASA la Vérité, l’amour pour les chrétiens mais aussi pour Al-Hakim al-Tirmidhi l’auteur du Livre de la profondeur des choses. Dans le Livre de la profondeur des choses

« par la lumière intérieure on voit à la foi l’intérieur et l’extérieur, tandis que par la lumière extérieure on ne voit que l’extérieur. […] Ils ont sorti leurs épées lumineuses des fourreaux qui les contenaient. Ces épées étaient trempées dans l’eau de l’amour, aiguisées par la connaissance, polies par la fidélité. »(17) Il s’ensuit un très beaux passage sur les lumières des épées et ses lumières rappellent la Sourate XXVI verset 35 : « La lampe est dans un verre et le verre est semblable à un astre brillant. Cette lampe est allumée à un arbre béni, l’olivier qui ne vient ni d’Orient, ni d’Occident » Coran Sourate XXIV verset 35. « De même que la lampe est suspendue en l’air avec une corde et de même que l’astre est suspendu au ciel, le cœur est suspendu au ciel, le ciel du Trône et sa corde est la foi, c'est-à-dire la proclamation de cette foi. »(18) (Al-Hakim al-Tirmidhi est l’un des plus anciens mystique du soufisme mort en 910). Le joyau qui illumine la nuit se trouve dans l’arbre Tûbâ.

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Semi de roses et phénix, mosaïque, Antioche, V° siècle.

L’arbre Tûbâ est l’arbre du paradis qui porte des fruits quand l’oiseau Sîmorgh rentre de ses voyages et revient des décentrements, de ses capacités à changer de point de vue. L’amour est la capacité à se décentrer sur l’autre. Il pourvoit aux bienfaits du monde. Il est cité dans la prière du pèlerin : « Toi qui contemples l’arbre Tûbâ et le Lotus de la limite […], Garant de Dieu pour les Célestes et les Terrestres, le salut soit sur toi, de ceux qui te reconnaissent tel que Dieu leur a fait te connaître, et qui te décernent quelques-unes des qualifications que tu mérites… »(19) . De même que l’huile de la lampe vient de l’arbre qui est l’olivier, de même, l’huile du cœur vient de l’arbre de l’Unité que Dieu a mentionné dans le Coran en le qualifiant d’excellent (tayyiba). Il l’a donc décrit en disant : « N’as-tu pas vu comment Allah propose en parabole une bonne parole pareille à un bel arbre dont la racine est ferme et la ramure s’élançant dans le ciel ? » Sourate XIV v. 24 qui se traduit aussi : « N’as-tu pas vu comment Allah propose en parabole une bonne parole pareille à un arbre excellent »

L’imaginaire, l’intelligence, la parabole, la métaphore et les figures de styles, l’heuristique, le rituel du prêtre sont l’arbre qui porte les fruits. Ce sont les Shakras de l’Avesta.

Dans la Bible l’arbre est le buisson ardent qui brûle sans se consumer.

4 La quatrième merveille correspond aux douze ateliers, la terre, la pensée adéquate, le tissage. Le travail, le tissage correspondent à la sagesse des relations sociales entre les hommes. La fabrication de ces relations et plus particulièrement le tissage de la cotte de maille. Qu’est-ce que la cotte de mailles ?

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Le livre d'heures de Jacques II de Châtillon BNF XV° siècle.

Deux sourates y font référence : « Et Nous asservîmes les montagnes à exalter Notre Gloire en compagnie de David. […] Nous lui (David) apprîmes la fabrication des cottes de mailles afin qu’elles vous protègent contre vos violences mutuelles (la guerre). En êtes-vous donc reconnaissants ? »(20) Coran 21 79-80

« Nous avons certes accordé une grâce à David de notre part. Ô montagnes et oiseaux, répétez avec lui (les louanges d’Allah). Et pour lui, Nous avons amolli le fer. (en lui disant) : « Fabrique des cottes de mailles complètes et mesure bien les mailles ». Et faites le bien. Je suis Clairvoyant sur ce que vous faites. »(21)

La cinquième merveille correspond à la fabrication des psaumes qui évitent la guerre. La cinquième merveille est dans l’Avesta l’eau, la santé, l’intégrité du corps.

6 La sixième merveille est l’épée. Elle correspond dans le Coran à la mise à mort des « associateurs ». Dans l’Avesta ce sont les plantes, l’immortalité. La sourate 9 est dite de l’épée mais dans le Coran le mot épée n’est jamais écrit. Les musulmans accompagnent la sourate 9 avec la sourate 2 plus modérée.

La sourate 9 a une raison spirituelle d’exister. Elle participe du renouvellement de la prière, de la sagesse de la composition des psaumes.

Sourate 9 29 : « Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la Vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leur propres mains, après s’être humiliés. » La capitation est un impôt.

Sourate 2 256 : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. »

Pour résister à la méchanceté des hommes la cotte de maille est le tissage des prières, du travail qui permettent de surmonter les coups d’épée, les violences mutuelles décrites par la sourate 21 79-80 et 9. La cotte de maille, le tissage ne fait-il pas référence aux écrits des sages pour la louange de Dieu d’où l’importance de la faire bien. Pour Sohravardi, le coup d’épée consiste à accepter les condamnations, la sagesse de l’homme du Livre, l’Imam(22) . Et de là, sort la Source de la Vie. Les reproches de l’imam et de la hiérarchie impliquent d’affiner la parole, la prière le discours intérieur et extérieur. Dans la relation avec la communauté se tisse une cotte de maille large et ample. La critique est le coup d’épée qui permet de renouveler l’inspiration. Il ne doit pas y avoir exclusion du psalmiste à la première critique autrement l’écrivain disparaît.

Le vêtement du croyant est la prière. Les prières sont les plantes les fleurs du jardin. Il y a crétion du jardin dans l’acceptation du coup d’épée.

La 7ème merveille est la source de vie

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Illustration du mantiq al-tahyr de Attâr, Iran XV° siècle ; Internet: 15 août 2012 Tradition orientales.

« Trouve la Source de la Vie. De cette Source fais couler l’eau à flots sur ta tête, jusqu’à ce que cette cotte de mailles (au lieu de t’enserrer à l’étroit) devienne un simple vêtement qui flotte avec souplesse autour de ta personne. Alors tu seras invulnérable au coup porté par cette Épée. C’est qu’en effet cette Eau assouplit la cotte de mailles (cf Qoran 34/10), et lorsque celle-ci a été parfaitement assouplie, le choc de l’Épée ne fait plus souffrir »(23) . La sourate 34 10 fait référence aux psaumes de David qui sont sa cotte de maille : «Nous avons certes accordé une grâce à David de Notre part. Ô montagnes et oiseaux, répétez avec lui (les louanges d’Allah). Et pour lui nous avons amolli le fer, « Fabrique des cottes de mailles complètes et mesure bien les mailles ». Et faites le bien. »(24) Il est nécessaire de méditer sans se décourager. Le paradis dans les Gathas ce sont les plantes (nom 6 des 7noms des immortels bienfaisants) du jardin qui poussent autour de la source de la Vie (Les eaux nom 5 des immortels bienfaisants des Gathas), les oiseaux et les montagnes. Les oiseaux et les montagnes font partie de la prière.

Le Zoroastrisme comme monothéisme aux plis multiples permet de penser les créations spirituelles et de ne pas rester dans le binaire de l’humanité et de la divinité. Les rayons de la Sagesse divine se prolongent sans interruption dans les multitudes de la divinité. Les images poétiques servent à décrire les lumières de la sagesse du Verbe de la prière. Les prières s’écrivent avec soin sous le regard de Dieu. L’écriture noire sur fond blanc prendra toute sa souplesse dans le partage. Les coups d’épées permettront de renaître telle la Simorgh (oiseau fabuleux qui renait dan le feu) toujours plus proche de Dieu.

2 L’influence des lumières du zoroastrisme dans la pensée orthodoxe et la pensée chrétienne.

La théologie naturelle est la science de la contemplation et elle était enseignée au Proche-Orient pour éviter de faire chuter les anges, pour continuer dans la tradition de David à composer des hymnes pour louer Dieu avec les oiseaux et les montagnes. La théologie naturelle permet d’accéder à la connaissance de Dieu comme image non faite de main d’homme au travers de la création de Dieu. Il est possible que les universités au XII° siécle n’accueillaient pas que des étudiants musulmans.

Dans l’humanité se retrouvent des reflets de la divinité. C’est-à-dire que l’intelligence de l’humanité, la spiritualité de l’humanité, l’imagination de l’humanité sont les reflets de la complexité des créations spirituelles et intellectuelles dans les mondes multiples qui unissent l’homme à la divinité.

Ces plis, ces habitudes sont des Occidents où l’Orient de la divinité se manifeste. Il n’y a pas imitation mais expression de la divinité, existence ou présence. Dans certains de ses gestes l’humanité arrête la lumière de la divinité. L’icône en reprend l’image et l’or s’accumule autour.

Quelles sont les merveilles présentes dans l’existence ? Certaines de ces merveilles rejoignent l’Avesta de Zoroastre ou les merveilles du Livre de la sagesse orientale de Sohravardi. Se retrouvent la majesté, les étoiles, les signes géométriques, les arbres comme la mémoire ou l’imagination, la rhétorique et la liturgie, la virginité synonyme de la bonne pensée, la remise en question de l’épée, la bonne santé, les immortels bienfaisants correspondent aux Vivants…

Au VII° siècle, L’Ecole d’Alexandrie, Edesse en Mésopotamie, Jundishapur en Perse où l’on inventa le système hospitalier montrent que le sage a une bonne formation scientifique avant d’accéder aux sciences humaines. Ainsi en était-il d’Avicenne (X° siècle) qui avant d’être Sage était médecin.

La vierge de tendresse

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Vierge de Vladimir, Galerie Trétiakov, Moscou.

Cette icône date de 1131. La Théotokos (qui signifie mère de Dieu) protège la Russie. Elle est fêtée le 3 juin.

Il existe des icônes de la Vierge Kyriotissa (celle qui règne en majesté), Hodiguitria (celle qui montre le chemin, dans un geste elle désigne l’enfant), Éléousa (Vierge de tendresse)… Toutes ces icônes ressemblent aux litanies que l’on récite lors des grandes fêtes de Marie.

La mère de Dieu « Pélagonitissa » XV° siècle monastère Saint-Catherine au Mont Sinaï : Image 13

Reproduction La Vierge tenant une montagne non taillée de main d’homme

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École des Stroganov, Montagne non taillée de main d’homme, fin du XVIe siècle Solvytchegodsk, musée d’histoire et d’Art. (Alfredo Tradigo, Icône et Saints d’Orient, Paris Hazan, 2005, p. 203).

La montagne non taillée de main d’homme : Sujet issu de l’interprétation, par le prophète Daniel, d’un songe du roi babylonien Nabuchodonosor (Daniel 2 :34) : la pierre qui se détacha de la montagne sans l’aide des mains de l’homme, frappa les pieds d’argile de la statue, et les mit en pièces – c’est le Christ, et son royaume qui doit remplacer les royaumes païens. La montagne de laquelle se détache la pierre – c’est la Mère de Dieu, la Vierge. Une autre interprétation : la montagne est le symbole de l’Eglise du Nouveau Testament. La montagne ne se cultive pas. Contrairement à la plaine, elle est vierge de la main de l’homme. La Reine du Ciel et le nouveau testament sont un tout unique.

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La Vierge du Signe, Cathédrale Basile le Bienheureux, Moscou, XVII° siècle.

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Adoration des mages, icône byzantine, Musée chrétien et byzantin d’Athène. La Vierge du signe (Isaïe 13, 7-14) « Écoutez donc, Maison de David !... Le Seigneur lui-même vous donnera un signe. Voici que la Vierge est enceinte et va enfanter un fils, et elle l’appellera Emmanuel (Dieu avec nous) ». Le cercle est un signe géométrique abstrait. Les signes font appel à l’intelligence du discernement. L’étoile, signe des mages, dirige dans l’intelligence ceux qui prennent le temps de méditer et d’observer. Les mouvements célestes des étoiles rappellent la géométrie, image intellectuelle de perfection, épiphanie. L’épiphanie se réalise dans la visite des mages à la crèche où la science et la sagesse rencontrent le spirituel. La perfection est une des épiphanies de la présence de l’Esprit Divin et il se manifeste dans l’intelligence des formes géométriques mathématiques.

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Milieu ou seconde moitié du XVIe siècle et 1630-1640 (revêtement) ; tempera sur bois, argent doré ; H. : 1,37 m ; l. : 1,02 cm ; prov. : iconostase de l’Eglise Saint-Cyrille du monastère Saint-Cyrille du lac blanc Kirillov, Musée national d'art et d'architecture de Saint-Cyrille-de-Beloozero, inv. ДЖ-312 / КП-1958 et ДМ-231 L’iconostase cache les célébrants au regard de l’assemblée pour présenter à leur place des icônes, portes vers le monde divin.

La Vierge porte l’Enfant à la manière d’une Hodighitira (qui montre le chemin) ; elle est entourée d’une série de symboles habituels dans l’hymnographie mariale comme l’échelle de Jacob, l’arbre de Jessé, le tabernacle des psaumes, la grotte de Daniel et le buisson ardent de Moïse. Le thème du Buisson ardent, embrasé mais non consumé, reconnu comme une préfiguration de la conception virginale fait référence à l’arbre de la rhétorique, des paraboles, des montagnes oiseaux et bergers des psaumes de David. Les plantes ne meurent pas dans la prière car elles alimentent un feu spirituel de louange. L’icône offre une des premières manifestations du thème où le buisson apparait dans le feu du vêtement de la Vierge. Le vêtement de la Vierge rejoint la cotte de mailles de la prière. Le feu est l’amour, le joyau qui illumine la nuit. La Vierge est le buisson qui ne se consume pas et donne la vie en gardant sa virginité. L’iconographie va de pair avec un style raffiné et une exécution magistrale qui se reflète dans l’association subtile d’éléments inédits, dans la maîtrise de dessins minutieux en camaïeu et dans le maniement habile des couleurs. Mais la Vierge est aussi la femme de l’Apocalypse, aux cheveux dénoués, entourés des évangélistes et de cercles d’anges de l’Apocalypse.

La Grotte : Le néoplatonisme des icônes symbolise les visions, les rêves inspirés par Dieu en une caverne(25) . La grotte de Daniel(26) sont les visions de Daniel et des rois qui lui étaient contemporains qui se projettent dans la caverne de l’imaginaire des pensées et des rêves. Daniel savait interpréter les rêves. La grotte de l’imaginal(27) devient la porte, Occident de la présence de Dieu. Dieu s’adresse aux rois dans les plis de leurs intelligences et de leur esprit. Les monstres que voient les rois les poussent à jeter Daniel dans la fosse aux lions. Mais, comme les bêtes des rêves des rois ne résistaient pas à l’interprétation de Daniel de même les lions ne faisaient pas de mal à Daniel.

De même, les bêtes de l’Apocalypse ne résistent pas à l’interprétation des justes. Et les méchancetés des puissants n’arrêtent pas les justes.

Rembrandt, Retour du fils prodigue, 1669, musée de l’Hermitage, Saint-Pétersbourg : Image 18

Dans les deux mains se distingue le pli maternel de l’humanité et le pli paternel de l’humanité.

L’épée :

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Angers, Tapisserie de l’Apocalypse, XIV° siècle, château d’Angers.

Tapisserie de l’Apocalypse d’Angers

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Inspiré du texte de Saint Jean l’Apocalypse. On peut penser que cette œuvre a été écrite par la Vierge Marie car la Christ sur la croix à dit à sa mère : « « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui. »(28) Il aurait pris, chez lui, la Vierge, non seulement matériellement, mais spirituellement. Sous la maison de son nom, il protégea le texte de Marie à une époque où la femme n’avait pas autorité pour écrire. L’épée dans l’Apocalypse symbolise la justice et la parole, le verbe qui tranche et juge : « Dans sa main droite il a sept étoiles, et de sa bouche sort une épée acérée, à double tranchant ; et son visage c’est comme le soleil qui brille de tout son éclat(29) » . L’épée à double tranchant correspond aux discours. Jésus parlait en paraboles. Ses discours avaient un double sens celui de la lettre et un sens ésotérique caché qui se dévoile dans la méditation et non dans la seule connaissance. L’agneau transpercé rappelle le mystère de la croix.

Au moment de l’annonciation l’ange salut la Vierge en lui souhaitant une bonne santé :

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Novgorod, milieu du XVIe siècle ; tempera sur bois H. : 1,46 m ; l. : 1,13 m ; prov. : abbatiale de la Transfiguration du monastère de Solovki Moscou, Musées du Kremlin, inv. Ж-800

Saint Luc Chapitre 1 verset 28 : « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de Marie. Et, en entrant chez elle, il dit : « Salut, comblée de grâce ! le Seigneur est avec toi. » A cette parole elle fut toute troublée, elle se demandait ce que pouvait être cette salutation »(30).

Salut vient du du latin "saluto", "salutavi", "salutare" : garder sain et sauf, préserver. L’ange apparaît et souhaite une bonne santé à Marie. L’apparition ne demande pas une fragilisation du corps. Mais dans la souffrance et l’inquiétude Dieu apporte des consolations qui peuvent-être des apparitions. La force d’âme des malades leur permet de voir des apparitions. Le jeune et les privations n’ont pas pour fin de voir des apparitions mais de garder le contrôle de soi, de dominer son corps pour pouvoir être vertueux et rester vierge, glorifier son corps.

Image 22

Nativité de Dieu, Icône d’Andrei Rublev (1405) Cathédrale de l’annonciation, Moscou, Kremlin. Andrei Rublev (1360-1430) est un moine iconographe Russe. L’épiphanie, la visite des mages (les mages de la crèches ne sont pas des magiciens mais des sages et savant qui ont l’habitude d’observer le ciel) à la crèche guidés par l’étoile. Les savants sont des contemplatifs. Leur science de l’observation a permis de trouver la crèche. Ils sont arrivés moins vite que les bergers mais, ils venaient de plus loin. Les savants se rapprochent des immortels bienfaisants. Ils avaient participé d’un grand nombre de talents de la création (évangile des talents). Ils sont aimés de Dieu pour cela.

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Sainte Catherine d’Alexandrie, musée d’Athènes, exemple d’immortel bienfaisant appelé dans le nouveau testament Vivant.

Sainte Catherine d’Alexandrie a vécu vers 290 après J.C. Elle est la fille du roi Costus et fut instruite de tous les arts libéraux. Lors d’une séance d’apostasie de chrétiens, elle argumenta avec l’empereur Maxence. Elle utilisa la métonymie, l’allégorie, les syllogismes en parlant de claire et de mystique façon. Après un deuxième entretient où elle tente de convaincre l’empereur de l’existence du Dieu unique des chrétiens, l’empereur convoque une assemblée de 50 doctes grammairiens pour venir à bout de la vierge argumentatrice. Elle convertit les doctes de l’empereur qui les fait brûler sur la place publique. Elle meurt décapitée.

Ceux dont on se souvient sont immortels (Victor Segalen nomme immortels les ancêtres des Mahoris qui récitent leurs noms dans la prière). Ils ressusciteront, mais surtout ils accompagnent les hommes dans leur existence terrestre, et certains, comme Saint Jean jusqu’à la fin des temps. Ce sont les Vivants. Les quatre évangélistes sont quatre Vivants. Leurs écrits nous accompagnent jusqu’à la fin des temps. Sainte Catherine d’Alexandrie accompagne Jeanne d’Arc. Elle est un Vivant tel que le définit saint Paul 1 Thessaloniciens 4 13 : « Nous, les vivants, nous qui seront encore là pour l’Avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui seront endormis ». Ou encore, à propos de Jean, Jésus dit à saint Pierre : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. »(31) Saint Jean est un Vivant dans le sens de Saint Paul. Les Vivants ressusciteront en dernier car les premiers seront les derniers. Ils ne devanceront pas ceux qui sont endormis. Les Vivants sont ceux qui participent du verbe comme les quatre évangélistes.

Le verbe participe de tous les plis de l’humanité. Il comporte un sens apparent et un sens caché à dévoiler en méditant. Cette connaissance sert nos rapports à la divinité, la théologie naturelle. Mais cette connaissance sert aussi la recherche de la vérité, l’observation et la transmission des savoirs.

Conclusion

Cette réflexion portait sur l’art du partage spirituel, la théologie de la nature, la liturgie et le discours ou les écrits, la recherche de la vérité dans l’intelligence, la rhétorique. L’amour de Dieu, la présence de Dieu peut se manifester dans les merveilleux des apparitions, mais aussi dans la simplicité d’une présence immédiate, comme celle des bergers de la crèche, ou comme celle que défend Halladj. Peut-être que chacun de nous peut prétendre à l’ensemble de ces chemins. Dans chaque personne se trouvent le pli du sage et le pli du berger. Les apparitions ne sont pas réservées aux rois, aux moines, à ceux qui pratiquent les privations. Les anges et les saints apparaissent quand Dieu le souhaite. Le souci de chacun reste de tourner ses vertus vers la Sagesse et la Vérité, parfois par l’abstinence. Les expériences de mort sont à proscrire car dangereuses pour la santé. Chacun est libre de faire des rapprochements entre les différentes sagesses de vivre librement dans la symbolique. J’ai apporté des interprétations à certaines métaphores dans le désir de rapprocher les sagesses pour en démontrer une éventuelle origine commune. Cette origine n’est peut-être pas le zoroastrisme. Une remarque s’impose, le monothéisme depuis ses origines trouve des réponses dans la contemplation et l’observation du monde. Cette sagesse inspire l’écriture de la prière la rédaction des textes spirituels. La reconnaissance de la divinité existe dans le souci de justice pour que l’agneau ne soit plus transpercé par l’épée, dans la majesté, auprès la Vierge enceinte en toute femme qui attend un enfant, dans les étoiles, dans le souhait de bonne santé…etc. Cela implique l’importance, dans nos rapports humains, de ne négliger et de ne mépriser aucune lumière de la sagesse présente en l’humanité et de reconnaître nos voisins proches ou lointains dans leur totalité et dans la liberté de vivre leur humanité. Le discours doit-être mesuré, chaque maille est mesurée, modérée, emprunte de sagesse, et témoigne que l’aurige conduit son attelage avec raison.

 

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(1) Les dates sont en calendrier hégirien et en calendrier grégorien. Le calendrier hégirien des musulmans se fonde sur les douze mois lunaires. Il compte 354 ou 355 jours pour une année. L’année solaire, par comparaison, compte environ 11 jours de plus. Il commence le 16/07/622 le jour où Mahomet et ses compagnons quittent la Mecque pour l’oasis de Yathrib ancien nom de Médine. Le calendrier grégorien se réfère à l’année solaire et commence avec la naissance de Jésus Christ.

(2) Le monachisme n’existe pas en islam. Mais il existe des soufis qui font vœu de pauvreté et consacrent leur vie à la prière selon le principe du Coran : « Fais preuve de patience en [ restant ] avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir… » Coran sourate XVIII de la caverne, verset 28. Ceux qui consacrent leur vie à Dieu ont un rôle de soutien dans la prière pour l’humanité. Ils encouragent, par leur exemple, à la fidélité à la prière. Mais tous les musulmans qui méditent la sagesse du prophète n’ont pas à vivre comme des soufis. Une vie de privations ne convient pas aux familles, aux travailleurs, aux étudiants, aux princes et rois ou chefs d’état… L’œuvre de Sohravardi s’adresse aux soufis mais aussi aux princes, aux imâms, aux femmes, aux enfants, aux malades et dans le respect de la place et des engagements de chacun.

(3) Abdul Qasim Hasan Unsuri Balkhi entre le 10° et le 11° siècle (mort en 1039 environ) poète perse qui serait né à Balkh aujourd’hui en Afghanistan. Il vivait à la cours du sultan Mahmud Ghaznavi.

(4) H. Corbin. Shihaboddin Yahya Sohravardî œuvres philosophiques et Mystiques, Traduction Henry Corbin Tome I, Prolégomènes p. IV.

(5) Sihabodine Sohravardi, L’archange empourpré, p 202-203.

(6) Jacques Verger, Les sciences arabes en Occident au Moyen-Âge in Dominique Barthélémy & Michel Sot, colloque : L’islam au carrefour des civilisations médiévales, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2012, p. 188.

(7) Aristote, Physique, Trad. Steven, Paris : Vrin, 1999, Livre premier, 185 b 1 30, p. 73.

(8) Aristote, Physique, Trad. Steven, Paris : Vrin, 1999, Livre trois, 207 a 5, p. 145.

(9) Jean Varenne. Zoroastre, Paris : Seghers, 1975, p 70.

(10) Ibid, p 25.

(11) GATHA AHOUNAVAÏTI, trad. Carlos Bungé, Paris : Les éditions mazdéennes, 1933, XXX, strophes 7 et 8.

(12) Sohravardi, in le Livre de la sagesse orientale, p. 91.

(13) Jean Varenne, Zoroastre, Paris : Éditions Seghers, 1975, pp. 161-164.

(14) Sohravardî. Le récit de l’exil occidental, L’archange empourpré, Fayard, p. 279.

(15)  Sohravardi, Le livre de la sagesse orientale, Verdier, 1986, p. 239.

(16) Soravardi, L’Archange empourpré, p. 203.

(17) Al-Hakim al-Tirmidhi, Le livre de la profondeur des choses, publié par Geneviève Gobillot, pp. 246-247.

(18) Al-Hakim al-Tirmidhi, Le livre de la profondeur des choses, publié par Geneviève Gobillot, p. 249.

(19) Prière du pèlerin in H. Corbin, En islam iranien, Gallimard, 1972, t 4, pp. 458-459.

(20) Coran, 21, 79-80.

(21) Coran, 34, 10-11.

(22) « Que nul ne conçoive l’ambition d’obtenir la science des secrets de ce livre sans revenir auprès de la personne du khalife qui possède la science du Livre » Sohravardi, Le livre de la sagesse orientale, Verdier, 1986, p. 232.

(23)Sohravardi, L’Archange empourpré, p. 211.

(24) Coran, 34 ; 10,11.

(25) Platon, La République, mythe de la caverne, chapitre VII.

(26) Daniel

(27)Imaginal :

(28) Jean, 19 : 26-27.

(29) Jean, 1 : 19.

(30) Luc, 1 : 26-30.

(31) Jean, 21 : 22.

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 13:44

C.  Les acteurs, la famille et les images de la nature, L’iconal et l’imaginal

Les rêves de Simonne Roumeur sont peu connus de sa famille, mis à part André son mari. Et pourtant elle réalise ce travail pour que ses enfants ne soient plus inquiétés par la richesse de leur sensibilité.

Les acteurs des œuvres et des poésies de Simonne sont de deux types. Dans les tableaux, ils prennent la forme de plantes, d’animaux, ou de personnages proches d’homoncules. Dans les poésies, les personnes du père, de la mère et de l’enfant apparaissent. Ils sont à rapprocher de la vie de Simonne Roumeur. Mais surtout, ils ressemblent aux plis de son âme.

Françoise Dolto  dénonce l’intervention castratrice dans Psychanalyse et pédiatrie (Seuil, 1971, p. 89). Elle a raison sur les difficultés que pose le pouvoir castrateur de la famille, mais dans le pouvoir castrateur de la famille l’enfant ne trouve-t-il pas l’impulsion pour se lancer hors du nid, s’isoler au grenier et construire sa personnalité? Cet éveil n’est pas sans difficultés et souffrances et toujours à reconstruire un peu comme le cycle de l’ouroboros. Les cercles que l’homme enfant ou adulte se construit dans ses relations est enrichissant et toujours à dépasser. La négation qui se crée dans la prise de conscience de la différence ne devrait pas se traduire par un rejet de l’autre mais par l’acceptation de cette différence.

L’enfant prend plusieurs sens dans l’œuvre de Simonne Roumeur. L’enfant est sa conscience, l’esprit qui l’anime, sa démarche créatrice.

Simonne décrit son âme comme composée de différents personnages.

La connaissance de l’âme passe par des rapprochements avec les différents âges de l’homme. L’enfant, la jeune fille, la mère, le père se retrouvent dans tous les rites d’initiation à la connaissance de soi. Les sages de l’Iran ancien, Avicenne, les contes de fées, la psychologie, par exemple l’analyse transactionnelle, décrivent la personne au travers de personnages.

Dans l’analyse transactionnelle, l’enfant est insouciant, pas très sérieux. L’adulte est la personne qui s’est faite. Le parent est celui qui commande. En poésie et dans l’œuvre de Simonne Roumeur, l’enfant est la capacité à voir au milieu du monde ce qui peut faire origine à la présence spirituelle. L’enfance est alors observation de l’entourage et appropriation intellectuelle par retournement de ce qui crée une angoisse.  L’analyse transactionnelle a des prétentions en entreprise et comporte un danger dans sa vision négative du personnage psychologique de l’enfant. Met-elle assez l’accent sur les aspects positifs de créativité de ce pli de l’esprit?

Et justement, c’est ce que l’on ne trouve pas chez Simonne qui ne nie aucun des plis de son âme et travaille chaque jour à faire renaître son enfant.

Toutes les images de Simonne existent en double et véhiculent angoisse et sérénité. Pour reprendre vie, la reconquête de sa personnalité est à refaire à chaque difficulté, intoxication, cancer, oppositions familiale, institutionnelle ou amicale.

« Mon enfant marche dans l’Espace temps

De la ville d’Avant

Et s’écrie approchant de la fenêtre

« Maman dans la maison de l’Ancêtre

Il y a une guêpe-maçonne »  Œuvre 261 : Soleil du premier matin.

La guêpe pique, seringue, mais elle est aussi maçonne. Elle pique l’araignée qui tissait un arbre généalogique. Le poison est transformé en sérum. Les difficultés des ancêtres deviennent la source d’inspiration de la connaissance de soi.

Simonne se situe dans l’imagination, la pensée immédiate, dans les rêves. Blanchot (après André Breton) écrit : « l’écriture automatique est une aspiration orgueilleuse à un mode de connaissance… En levant la contrainte de la réflexion, je permets à ma conscience immédiate de faire irruption dans le langage. » (Catalogue, La révolution surréaliste, Centre Georges Pompidou, 6 mars 24 juin 2002, p. 42.)

 

Œuvre 185 : GLOSSAIRE, 3 janvier 2000

Les animaux que l’on rencontre le plus souvent dans les tableaux de Simonne ont deux aspects. Comme l’abeille, la guêpe ou le serpent, ils peuvent piquer faire mal ou faire peur. Simonne retourne l’angoisse de ses rêves pour chercher l’aspect positif qu’ils portent en eux.

La vache s’associe à la vacherie, une méchanceté, l’âne à l’ignorance. Mais l’image mentale est retournée et dans ses tableaux, l’âne et la vache sont l’ignorance, la naïveté nécessaires à l’écoute des autres.

Une réflexion se met en place à partir des intuitions de la pensée immédiate.

Par exemple, la chenille est magicienne, participante à la transformation de l’esprit. La chenille devient papillon; la guêpe est un être de feu qui allie collectif et individuel.

D.  La magie de l’image peinte, le texte et les rêves de la nuit.

Suite à son intoxication, Simonne Roumeur avait des problèmes de sommeil et faisait des rêves. A la description que Simonne faisait de ses rêves, il s’agit, selon moi, d’hyper-rêves. Si ce sont bien des hyper-rêves, ces rêves sont hyperréalistes et montrent les choses dans les moindres détails. Ils marquent beaucoup l’esprit.

Simonne rêve et s’inspire de ses rêves pour ses créations. Simonne n’est pas la première artiste à travailler ainsi. Hélène Cixous compose aussi avec ses rêves.

Hélène Cixous est née à Oran en 1937. A 10 ans, elle perd son père. Elle dit : « Je ne crois pas au travail de deuil dont parle la psychanalyse. On ne doit pas enterrer, on doit retenir l’être qui est parti. Il m’arrive de retrouver mon père en rêve… » « En général, on oppose tristesse ou joie, mémoire ou oubli, vie ou mort. Alors que la plus forte de nos expériences psychiques, le rêve, se passe là où les contraires se mélangent ». (Hélène Cixous in Télérama 10 janvier 2007.)

En effet, nous avons vu que les images mentales de Simonne Roumeur sont bifaces.

Simonne Roumeur rêvait la nuit. Les images et les sons de ses rêves étaient très réalistes. Elle était heureuse de ses rêves. A partir de ses rêves, elle dessinait au mieux, prenait des notes, faisait quelques recherches de vocabulaire, écrivait des poèmes parfois long de dizaines de strophes! Ensuite, elle choisissait quelques strophes pour accompagner son travail à l’acrylique.

Il me semble intéressant de prendre des exemples: André m’a remis des passages de ses notes décrivant les rêves.

- 1er exemple : Le rêve de l’abeille

Œuvre 264 : PRINCESSE MESSAGERE

« L’ouverture est nette et noire à l’intérieur. J’ai du mal à retrouver= un bruit peut-être comme la lumière d’un flash, parce-que ça passe comme une flèche - peut-être une pensée aussi.

Ca vient du milieu – du fond de la réserve et file donc invisible sur le coté gauche – par rapport à moi – s’évapore dans l’atmosphère.

Dans le même temps – du même endroit sort – même allure sur le côté droit – dans l’espace vide formé avec la véranda – une abeille. Dans cet espace – au plus haut du mur – elle virevolte – presque sur place – le temps d’une danse – fraction d’instants – où elle forme comme un trajet de volutes (?) – comme une arabesque invisible – elle disparait son travail achevé.

Non, en même temps qu’elle l’achève – re-bruit, - re-lumières de flash sur la gauche, et reabeille qui sort – rejoint la première (dur à décrire!) – Côte-à-côte une fraction de seconde – Une volute – la nouvelle arrivée prend le relai – la première par le vide de l’arrière.

Rebruit – lumière flash – la première abeille à nouveau sort et recommence la scène – éternelle – sans interruption – par fractions de temps absolument identiques – sans failles – Un chef-d’œuvre d’organisation – de production sans doute.

Je commente au fur et à mesure ce que je vois à celui qui est à mon côté. »

La ruche est-elle image de maternité?

La réserve est-elle l’inconscient, la fente noire sans lumière ?

Dans la réserve, se trouvent les fruits de l’automne stockés pour l’hiver pour que la cuisinière puisse produire des gâteaux, produire du miel?

E. La femme dans l’œuvre de Simonne Roumeur

- Deuxième exemple : Le rêve de la femme

Ce rêve se réalise en trois images qui viendront en plusieurs jours:

- Le tremble image de la peur ;

- Le 3° Œil image de la connaissance ;

- Le paon image de l’épanouissement de la femme.

Œuvre 032 : LE TREMBLE, 28 janvier 1995

« Tant pis le résultat est incompréhensible pour tout le monde mais j’assume ma folie. Je suis même contente. Une espèce de provocation » (propos relevés dans les notes prises après les rêves).

Notons les associations de sens entre l’arbre le tremble et les tremblements de la peur.

Œuvre 033 : Œil BLEU TROISIEME ŒIL, 03 février 1995

« Mes deux dernières peintures Théâtre, Pipe, ne peuvent être comprises = « bizarre »

Depuis 2 nuits à peu près – mon troisième œil revient. Je suis contente - Je me dis il est là - ça n’est donc pas en passant – ça me rassure – « laisser faire ».

Un œil – des fleurs – depuis longtemps j’ai envie de faire de myosotis – je ne vois pas comment.

Je crayonne quelques myosotis (j’en ai tous les ans dans mon jardin à l’état sauvage) un œil dedans.

Ca évolue 2 3 jours – si j’y arrive au bout c’est bien sinon je verrai.

Je sais que ça c’est vraiment sortir ce qui n’est pas ordinaire – je peux le faire = assumer.

C’est ce qui est bien avec la peinture je peux dire ce que j’ai envie sans expliquer – je dis que c’est rien la liberté d’interprétation »

Œuvre 137 : FEMME, 15 mars 1997

Dans la reprise de ces notes, le rêve alterne avec l’état de conscience. La conscience de Simonne se saisit de la pensée immédiate par allitération, association d’idées, de sons, et de nouvelles images apparaissent.

9 mars 1997 : « Très vite je fais marche arrière sur l’image – et c’est beau – comme un patchwork peut-être – tout vert – fait de nuances de vert – nervuré de traces noires très fines – superbe – Vivant – je le retiens pour l’enregistrer – Il s’en va – Je réalise que c’est une peinture que l’on me montre – je ne vois pas exactement – comme il est parti je demande à le revoir – Ca revient – une image rapide – le temps de voir – au centre du vert – un oiseau tout vert. »

Simonne se pose alors des questions, recherche.

« Une représentation de la femme? Le chemin de la femme – la vie de la femme … Ne me dit-on pas la difficulté de la femme à être reconnue dans le monde même par ses pairs écrivains? Est-ce qu’il y a longtemps, Hildegarde serait une exception?

Hallegot = Saule en rapport avec la mort = pleureur

Symbole pour Hermes de la loi divine = éternellement vert puis par saint Bernard en rapport avec la vierge.

Comme ça se passe au téléphone – directement à Dieu alors? Et qu’on me dit que je dois avoir une carte gratuite pour téléphoner… remerciement… Je ne vois pas.

Sauf que tout ça fait un et je me dis: La fête de la femme – hier je me disais – tiens rien fait cette année – l’an dernier, la vache qui rit, la pie – et voilà – je ne sais pas si c’est réalisable – mais, je vois le pourquoi – ce patchwork de vert = féminité, immensité de la femme dans le monde – Oiseau = symbole de l’âme – féminin – Représenter l’oiseau bleu, vert – toutes les nuances comme mes dernières peintures – L’Ame de la femme dans le monde – la même âme – le corps, la race, qu’une apparence! »

On voit que Simonne Roumeur travaille sur plusieurs images mentales. Elle se pose des questions.

Citons quelques artistes dont l’œuvre peut permettre des rapprochements avec celle de S. Roumeur :

-    Geneviève Asse (née en 1923) est une peintre bretonne. La couleur bleue se retrouve dans les œuvres de Simonne Roumeur.

Même si elles ne se connaissaient pas, le bleu de la Bretagne est commun aux deux peintres.

-    Dans l'autoportrait de Frida Kahlo, Femme souffrante, 1944, la portraitiste prend comme objet son corps brisé à la suite d’un accident de tram. Comme pour Simonne, dans la peinture elle trouve le moyen de s’exprimer et de dépasser la douleur, de la vivre et d’exprimer sa révolte.

La colonne vertébrale unit l’esprit et le monde qui nous entoure. La colonne brisée est l’âme à reconstruire.

Simonne Roumeur n’est pas la seule à prendre son  corps pour s’exprimer. Nous n’avons pas abordé certains tableaux de Simonne Roumeur qui montrent des parties de son corps atteints par le cancer.

-    Comme Louise Bourgeois, Simonne Roumeur explore son inconscient. Le résultat n’est pas le même! Louise Bourgeois a un parti pris différent. Elle s’intéresse aux peurs liées aux images de la pensée immédiate. Elle réalise des images intéressantes pour les décors de cinéma, la connaissance de la sexualité féminine…

Simonne Roumeur travaille avec les images entre l’inconscient et le conscient pour que l’on cesse d’avoir peur des images qui sortent du rêve ou de l’écriture automatique, les images de la pensée immédiate. Grâce à elle, les archétypes de la pensée ne font plus peur. Ils appartiennent aux plis de l’âme que nous avons tous en commun. Les connaître permet d’échapper à l’inquiétude, permet de savoir que tous les hommes partagent ces mêmes images mentales, ces archétypes. Comme le visage comporte un nez, des yeux, une bouche, des oreilles, Simonne décrit de façon familière le visage du plan entre le conscient et l’inconscient.

Conclusion

Dans les Alpes, les bergers ont accroché des lampes sur leurs brebis. Alors les troupeaux se sont mis à briller dans la montagne. (Ces images sont accessibles par Internet).

En nous se cachent des richesses. La lumière est en chacun.

Si l’inconscient reste voilé, car il est mouvant et toujours modifié par la vie, comment garder la liberté ?  Une réponse est peut-être dans le respect de la morale. Mais comme la réalité est toujours un peu dégradée, une autre réponse est peut-être dans le travail sur soi par l’image.

Les archétypes de la pensée de C. G. Jung sont l’expression de la reconstruction de l’âme. Elles sont parfois l’outil du médecin, mais avant tout du poète, de ceux qui ont choisi de vivre leur vie en poète. 

Certaines images mentales sont dangereuses. Elles sont décrites par Sigmund Freud et relèvent de la médecine légale.

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 13:00

LES CHEMINS DE SIMONNE LOAËC ROUMEUR

L’IMAGE POSITIVE

Conférence donnée par Monique Oblin-Goalou le 30 avril 2010 à 12h30

Bibliothèque 1001 pages, Place de la reine à Bruxelles (Schaerbeek)

  Nota: les oeuvres auxquelles il est fait référence dans cette conférence sont reproduites dans un dossier de "mes images".

Je remercie la bibliothèque 1001 Pages, représentée par Monsieur Dessicy, et le musée d’art spontané, dont la responsable est Madame Catherine Schmitz, d’avoir organisé avec moi cette exposition qui réunit 88 œuvres de Simonne Loaëc Roumeur.

En 17 ans, Simonne Roumeur a peint plus de 537 tableaux et écrit de nombreuses poésies. Grâce à ses tableaux l’âme n’est plus réservée qu’aux initiés. La mère, l’enfant, le père, ses ancêtres se transforment dans ses pensées en personnages mythiques qui s’associent aux plis de l’âme. Son travail, la façon dont son âme s’est construite au travers de sa famille, son milieu culturel et religieux, ses enfants, sa maladie, ce microcosme terrestre est retourné dans une prise de conscience pour la liberté de dépasser sa maladie et de vivre. Sa peinture témoigne de son bonheur de vivre tout simplement.

Œuvre 253 : NOURRITURE REGENERATRICE - MATIERE PRIMORDIALE

L’œuvre de Simonne permet une meilleure connaissance de la relation entre la conscience et l’inconscient.

Simonne a commencé ses premiers tableaux au crayon puis, elle ajoute des couleurs à l’aquarelle ou aux crayons de couleur. Finalement, elle peint à l’acrylique sur carton toilé. Elle ne commence pas par un fond. Elle dessine au crayon puis remplit chaque espace de couleurs.

Je propose une réflexion en 5 parties :

A. L’œuvre de Simonne Roumeur est une alchimie.

B. L’unité intérieur et avec les autres est toujours à refaire.

C. Les acteurs de la famille et les images de la nature, l’imaginal et l’iconal

D. Quels lien entre l’image peinte, le texte et ses rêves?

E. Nous aborderons enfin le thème de la femme dans l’œuvre de Simonne Roumeur. (Simonne décrivait tous les jours ses rêves par écrit. Il existe donc de grandes quantités d’écrits. André a choisi quelques textes en rapport n° 264 Princesse messagère et La Femme n°137).

 

Simonne est née à Bohars, le 12 août 1939. Sa vie est engagée entre ses enfants, le travail, des associations de travailleuses familiales. Elle participe à la vie du Relecq Kerhuon, petite ville du Finistère en Bretagne (France) comme élue municipale. En 1990, sa vie bascule suite à une intoxication par des produits chimiques. Son sommeil devient rare. En 1994, après une désintoxication éprouvante, Simonne se réorganise progressivement grâce à la peinture et à l’écriture. Les médecins lui font faire des recherches généalogiques et elle débute l’écriture automatique. Mais son écriture automatique se manifeste, pas seulement par des poésies, mais également par des dessins. La recherche généalogique lui fait redécouvrir le rôle et les contradictions des familles. Il y avait blocage dans la désintoxication. Grâce aux recherches généalogiques, Simonne Roumeur a pu reprendre le  traitement en connaissance de tous les éléments. Elle commence alors à rêver. Les rêves envahissent ses nuits. Et pour reprendre possession de sa maison, elle écrit et elle peint. André Roumeur, son mari, la soutient.

A. L’œuvre de Simonne Roumeur est une alchimie ; elle est l’origine d’un retour à la vie

C. G. Jung, dans Racines de la conscience, p. 537, écrit: « L alchimie a perdu sa substance vitale propre au moment où une partie des alchimistes a émigrés du « laboratoire » dans l’ « oratoire » et une autre, du second dans le premier, les uns pour s’égarer dans un mysticisme de plus en plus vague, les autres pour découvrir la chimie (…) et personne ne s’inquiète du destin de l’âme… »

Simonne désirait que son travail puisse servir à d’autres pour une meilleure connaissance des rapports de l’inconscient et du conscient. L’inconscient, comme inconnu, fait peur. Quand des images viennent directement de l’inconscient, elles sont inquiétantes. Simonne expose et écrit pour montrer que les images peuvent être apprivoisées.

Pour renforcer son âme, elle passe à chaque fois par plusieurs étapes.

 

  • Première étape : Se réserver des forces

Au départ, la vie est simplifiée pour mieux réserver les forces pour lutter contre la maladie et la tristesse.

Œuvre : LE TAS DE BOURRIER

Le tas de bourrier n’est pas à mélanger avec le tas de fumier qu’il y a au fond du jardin potager. Le tas de bourrier se trouve au fond du jardin et se compose de tous les objets qui n’ont plus d’utilité, tout ce qui encombre.

La première démarche est de laisser de côté les incitations extérieures qui rendent la vie compliquée, (portable, TV, voiture…)

Tas de bourrier l’illustre, faire le vide en soi pour réunir son énergie.

  • Deuxième étape : Pour réunir son énergie

Œuvre 427 : ROI DE LA NATURE, 05 mai 2004

Simonne Roumeur s’intéresse à la sagesse de Carlos Castanéda (péruvien né en 1925, mort en 1998) qui s’inspire de la mystique indienne américaine. Contrairement à Simonne Roumeur, C. Castanéda  est élitiste, la connaissance n’est accessible qu’à certains élus. Simonne Roumeur n’utilise pas de drogues, comme Carlos Castanéda. Elle se soigne pour vivre et son art sert, au départ, à surmonter les désorganisations de sa personnalité, issues de la maladie et des effets indésirables des soins.

Cependant, Carlos Castanéda l’intéresse pour ses recherches d’énergie. Pour lui, les fibres lumineuses constitutives de l’univers émanent d’une source unique: « l’Aigle ». On retrouve cette mystique indienne dans des feuilletons bien connus comme MacGyver. Ce thème est repris de façon poétique dans Avatar.

« Mon esprit vidé de peurs viscérales   J’ai ticket-bonus pour ma Vie   Délivrés par le roi de la Nature   Pour que vivante ma création perdure.   Mésange bleue porte le message au grand Sage   Voguons sereine et joyeusement   Sur la route des troubadours   Dispensateurs d’Amour. »

  • Troisième étape : Le retournement du corps et des sentiments et affections

Œuvre 100 : ARBRE DE VIE FLEURI, 18 août 1996, la sortie de l’esclavage

L’oiseau représenté est un pélican, selon André, mais quelqu’un m’a fait remarquer que ce n’était peut-être pas un pélican mais un autre oiseau que je ne connais pas et qui fait un peu peur. Cet animal est l’image agissante de l’inquiétude qu’il est nécessaire de surmonter devant ce qui n’est pas familier.

S. Roumeur commence son œuvre avec la vie de ses anciens, c’est-à-dire ses ancêtres puisqu’elle fait un arbre généalogique. Dans Arbre de vie fleuri, au pied de l’arbre, on voit le crocodile, l’éléphant… Ce sont les anciens, ceux qui ralentissent le retournement.

L’épée est l’instrument du retournement du sensible et des sentiments vers le spirituel. L’image mentale de l’épée dans l’Apocalypse, dans Roméo et Juliette de Shakespeare (Roméo respecte celle qu’il aime et place son épée entre eux), dans la mort de Jésus, est l’instrument de la justice, de la résurrection, du retournement. L’épée donne la vie (sang). L’œuf, l’œil sont la connaissance. Le serpent est dans le caducée, la médecine. Au désert, il délivre le peuple juif des fièvres du désert. Le poison est vaincu par le poison.  Grâce à la médecine, S. Roumeur fait l’unité de son esprit et de son corps. Et surtout, son esprit domine son corps car la médecine soulage le corps. Donc, tout commence avec le corps mais tout finit dans l’amour en passant par le retournement des sentiments. Dans le renoncement au cœur, comme pour le corps, les sentiments ne sont pas détruits mais purifiés.

L’arbre de sa vie peut donner des fleurs.

Elle remet son corps en état, elle remet ses sentiments en état pour qu’ils soient transparents. Le serpent est à rapprocher de l’ouroboros, le serpent qui se mord la queue. Cette image est un archétype de la pensée humaine pour exprimer le cycle de l’individualité dans le tout. L’arbre de vie Fleuri correspond à une image mentale que l’on doit à Zosime de Panopolis vers 300 après J.C.

  • Quatrième étape : Le vide de l’âme des mauvaises pensées, jalousie, désespoir, inquiétude, regard des autres…

Œuvre 288 : BASILIC, 09 août 2000

Comme nous l’avons vu dans Arbre de vie fleuri, il est nécessaire de dépasser ses sentiments. C. G. Jung, dans Les racines de la conscience, réfléchit sur les visions de Zosime (pp. 192,193n-195). Il y décrit les archétypes de la pensée qui s’expriment de façon simple dans l’œuvre 288 : BASILIC. Le meurtre du dragon est un emblème de la Chimie au Moyen Age. Ainsi la parole, le logos, est l’épée de la mise à mort. Une mort, comme dans le cycle de l’Ouroboros, permet une résurrection. Comme dans le Ion de Platon, on assiste à la mort de l’orateur pour une résurrection.

L’ouroboros représente l’inconscient qui, comme le dragon (le lézard), aime à se tenir caché dans les failles des murs, les lieux ténébreux. L’inconscient doit être sacrifié, purifié, pour posséder la connaissance consciente. Le héros tue le dragon et l’issue est marquée par un levé de soleil. (inspiré de C. G. Jung Les racines de la conscience, Buchet/Chastel, 1971, p. 201.)

« Spectre terrifiant

Il met en charpie mon enfant.

Ma pensée, serions-nous vouées

A ne jamais nous exprimer? 

Porté par l’audace, mon regard,

Du bleu du ciel perce le noir

Et débusque dans un déclic

Un monstre basilic.

Squatter de mon inconscient

Il annihile la personnalité de mon Enfant.

Vide de pourriture ses entrailles

Ne sont plus l’obstacle aux merveilles. »

S. Roumeur a peint un monstre basilic et du basilic.

Simonne aime les jeux de mots, les rébus. En perçant le « monstre basilic », elle remet à sa place la paternité de son entourage pour trouver la sienne. Le dragon est aussi le corps qui fait obstruction par ses défaillances à la pensée. Son esprit reprend chaque jour possession de son corps. Il y a le tas de fumier et le basilic. S. Roumeur garde le basilic. Le dragon ne meurt pas, il se libère de ce qu’il contient de pourri.

« Vide de pourriture ses entrailles

Ne sont plus obstacle aux merveilles.

Leur énergie donne vigueur

Aux plantes en fleurs. »

Dans la poésie, on parle du saurien. En réalité sauriens s’écrit avec un s et est un nom masculin pluriel. Il vient de « saura » ou « sauros », en grec lézard. Il représente l’ordre des reptiles autant serpents que lézards. Par association et ressemblance des mots « saura » peut se rapprocher de « ça se saura » et exprime l’inquiétude à dépasser.

 

  • Cinquième étape : Image de la renaissance

Œuvre 261 : SOLEIL DU PREMIER MATIN, 14 octobre 1999

Après les différentes étapes du cycle de l’initiation, l’âme s’éveille.

Les deux cubes d’énergie sont peut-être les deux étapes précédentes:

-          Le retournement du corps ;

-          La purification de l’âme, mauvaises pensées, jalousies, désespoir, peur du regard des autres…

André Roumeur, puis l’un de ses fils m’ont dit plusieurs fois que cette image correspondait à l’un des épisodes les plus sombres de la vie de leur maman et de leur famille.

A chaque fois que Simonne Roumeur peint ou compose des poèmes, elle reprend toutes les étapes, sans omettre aucun ciel, ni celui de corps, ni celui de l’affection familiale. Ici, le contraste est particulièrement marqué entre l’ombre de la vie ancienne et la lumière de l’éveil.

Je remercie la famille de Simonne d’avoir rendues accessibles ces richesses.

-          Sixième étape : L’énergie retrouvée

Œuvre 369 : ENERGIE SOLAIRE, 5 novembre 2002

Le monde est transfiguré une fois l’œuf ouvert et que l’on a accès au jaune, image de la lumière.

« L’œuf fécond de mon univers

Reflète l’énergie solaire.

L’œil de mon cœur

Illumine ma pensée intérieure. »

Il y a proximité d’identité entre l’Ouroboros et l’œuf, il correspond au « liquide splendide » (expression reprise dans les racines de la conscience de C. G. Jung), le jaune au monde physique, microcosme ou monade.

B.  L’initiation et la relation aux autres est toujours à recommencer, l’Ouroboros

« L’œuf fécond de mon univers   Reflète l’énergie solaire.   L’œil de mon cœur   Illumine ma pensée intérieure.   Le patriarche de ma maison   Pourvoit à mes connections. »

 

En alchimie, l'ouroboros est un sceau purificateur. Il symbolise en effet l'éternelle unité de toutes choses, incarnant le cycle de la vie (naissance) et la mort. On doit à Zosime de Panopolis, le premier grand alchimiste gréco-égyptien (vers 300) la fameuse formule :

« Un [est] le Tout, par lui le Tout et vers lui [retourne] le Tout ; et si l'Un ne contient pas le Tout, le Tout n'est rien (Ἓν τὸ πᾶν καὶ δι' αὐτοῦ τὸ πᾶν καὶ εἰς αὐτὸ τὸ πᾶν καὶ εἰ μὴ ἒχοι τὸ πᾶν οὐδέν ἐστιν τὸ πᾶν). »

Tout ce développement un peu compliqué veut dire que le travail sur son âme est toujours à refaire. Chez Simonne Roumeur cela est net. Les figures du travail sur son âme se répètent 537 fois.

J’ai choisi Ame de la Pierre et Tête à l’envers pour montrer que son travail vise aussi à changer le monde et son entourage.

(Le chimiste August Kekulé a toujours affirmé que c'est un anneau en forme d'ouroboros qui a inspiré sa découverte de la structure du benzène, modèle qui lui aurait été inspiré par la vision onirique d'un Ouroboros. D'où son exhortation célèbre à ses collègues : « pour comprendre, apprenons à rêver! »).

Œuvre 476 : AME DE PIERRE

(C. G. Jung, p. 199) Le dragon s’enfante lui-même.

La tête est le siège de la conscience. Le dragon est la montagne d’où émerge la tête.

Comment dominer son inconscient? Le bus, en bas, est l’image du « train social », mot de Simonne rappelé et répété par André Roumeur. Simonne Roumeur est consciente du rôle que son œuvre peut jouer pour le groupe social, pour le progrès spirituel de tous.

« Comment rester insensible   A la détresse ostensible?  Pour laver les pleurs   Des vies mitées de douleur   L’âme de la pierre   Lève sa colère,   Dresse le phallus de la roche   Pour vivifier ce qui cloche   Et donner virilité    A l’être en perte de stabilité.   Ma pensée se met à l’ouvrage   Pour que se réalise le sauvetage »

 

Œuvre 508 : TETE A L’ ENVERS, 07 juin 2006

(Les racines de la conscience, pp. 150, 202). L’arbre est croissance spirituelle et retournement. Comme l’orchidée, S. Roumeur trouve sa nourriture dans le monde spirituel.

L’arbre renversé est un archétype de la pensée. C. G. Jung, dans Les Racines de la conscience, y consacre un chapitre : L’arbre renversé.

Le petit esprit que l’on voit au col de l’arbre est l’enfant qui va peindre l’arbre à sa manière. L’arbre généalogique de sa famille a un reflet vivant et feuillu, la vie de Simonne et ses expressions poétique et artistique.

Tête à l’envers est le retournement des images mentales.

Œuvre 14 : MON COQ, 26 octobre 1994

Ce coq fait partie des premières écritures automatiques. En regardant bien le coq ont voit qu’il se compose de formes, au premier regard invisibles. Dans le cou du coq se trouvent les enfants de Simonne Roumeur. André Roumeur, le mari de S. Roumeur, le décrit ainsi en fonction de leurs conversations. 

Ce tableau est proche de Tête à l’envers. Mais à mon sens les choses sont inversées. La vie domine les souffrances de ceux qui sont morts. Simonne a voulu que les méandres de l’esprit ne soient plus mystérieux afin que ses enfants sachent que leurs angoisses sont communes à tous les hommes. Simonne est fière de ses enfants, elle leur a donné la vie et la vie spirituelle, l’indépendance d’esprit.

Les images qui viennent à la conscience, dans l’angoisse, se ressemblent d’une personne à l’autre. L’adolescence est marquée par l’inquiétude de l’intégration dans le groupe social, la première prise de conscience du monde qui nous entoure et de ses imperfections… Toutes ces fragilités ont été répertoriées par Carl Gustav Jung, comme un enfant qui collectionne des insectes sans trop de discernement : L’arbre, l’arbre renversé, le serpent, le prince, l’épée, la pierre…

A ma connaissance, Simonne Roumeur n’avait pas lu C. G. Jung. Mais elle utilise le venin de ses peurs pour les retourner. La forme que prennent ses angoisses est l’origine de leur apparition dans la conscience. Ces images origines sont riches de double sens. Comme elles naissent d’une angoisse, on y trouve une face d’ombre et une face de lumière.

 

 

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